TRANS-EUROPA
MEDIAS
Camembert, Mozzarella ou Roquefort
russes,
réponse à l'embargo
TEM
Vendredi 19 décembre 2014
Agence TEM/ Trans-Europa Médias
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Le "camembert" de Dmitri Markitan a bien
la forme et la moelleuse croûte blanche
du fromage de Normandie, mais il est
produit à partir de lait de chèvre dans
la banlieue de Moscou. Et pendant que
son modèle français est banni des rayons
des magasins russes, conséquence de
l'embargo alimentaire décrété par Moscou
en réponse aux sanctions occidentales,
ses ventes explosent, comme celles de la
mozzarella de la région de Briansk
(ouest) ou le roquefort de l'Altaï
(Sibérie occidentale).
"La production a vraiment beaucoup
augmenté", assure M. Markitan, à la tête
d'une exploitation de 150 chèvres à
Golovkovo-Marino, à une centaine de
kilomètres au nord de la capitale russe.
"En août, nous traitions une centaine de
litres de lait par jour, mais
aujourd'hui nous en traitons de 270 à
300", se félicite le fromager, au milieu
de ses ateliers stérilisés aux
réfrigérateurs pleins à craquer. "Je
pense que c'est lié aux sanctions. Des
clients qui travaillaient avant avec des
produits importés, viennent maintenant
travailler avec nous", reconnaît-il.
Le fromage est, après les fruits, le
produit européen le plus touché par
l'embargo décrété en août par Vladimir
Poutine sur la plupart des produits
alimentaires des pays qui sanctionnent
la Russie pour l'annexion de la Crimée
et son soutien présumé aux séparatistes
de l'est de l'Ukraine. Selon Bruxelles,
les exportations de produits laitiers de
l'Union européenne vers la Russie
représentaient ces dernières années
environ 1,3 million de tonnes par an,
dont 900.000 tonnes pour le fromage.
Les autorités russes ont engagé un
ambitieux programme de plusieurs
milliards d'euros pour développer
l'industrie agroalimentaire locale, mais
les experts se montrent sceptiques. Pour
créer une industrie fromagère
suffisamment puissante, il faut d'abord
augmenter la production de lait, ce qui
devrait prendre au moins trois ans.
La tâche est d'autant plus complexe que
la situation économique en Russie est
difficile et l'accès au crédit
compliqué. Surtout, personne ne sait
quand l'embargo sera levé et quand par
conséquent la production européenne
reviendra en force sur le marché russe.
Certains producteurs russes ont
néanmoins entrepris de remplacer la
production importée avec leur version
locale des fromages européens les plus
populaires. Des paquets de mozzarella
fabriquée dans des usines russes sont
ainsi apparus dans les épiceries fines
moscovites. Selon les médias russes, des
entrepreneurs de l'Altaï, chaîne
montagneuse de Sibérie, ont décidé de se
lancer dans la production de camembert
et roquefort après avoir étudié leur
fabrication en France.
Le site Gazeta.ru a raconté l'histoire
des moines du monastère de l'île de
Valaam, sur le lac Ladoga (nord-ouest),
qui ont suivi une formation en Italie et
y ont acheté les équipements nécessaires
pour produire mozzarella et ricotta.
La pratique n'est pas nouvelle dans
l'espace de l'ex-URSS, où la culture des
appellations d'origine contrôlée
n'existe pas et où l'on boit depuis
l'époque soviétique du Champagne ou du
Cognac local.
A plus grande échelle, la Russie se
fournit désormais en Serbie,
Nouvelle-Zélande, avant peut-être
Israël, surtout pour le fromage
industriel consommé en grande quantité
en Russie.
Dans une fromagerie moscovite, où les
habitants les plus aisés de la capitale
russe se fournissent en mets européens,
70% de la marchandise vendue vient
désormais de Suisse, épargnée par
l'embargo car non membre de l'UE.
Raclette suisse, Tête de moine, Mont
Vully occupent la plus grande place
derrière la vitrine du magasin mais "la
petite Suisse a du mal à nourrir la
grande Russie", ironise Alexandre
Kroupietskov, le propriétaire.
Résultat: les prix flambent d'au moins
20% et les étiquettes des fromages
russes suivent le mouvement. "Il n'y a
pas assez de fromage et donc les
fournisseurs russes peuvent se permettre
d'augmenter les prix et d'exiger des
avances", soupire le commerçant. Quant
aux meules de parmesan d'avant l'embargo
qui n'ont pas encore été écoulées, leur
prix a bondi de 120-150%. "C'est devenu
un fromage qui se vend à prix d'or",
dit-il.
TEM/ avec AFP/ 19 décembre 2014/
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