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Emmanuel Macron, la menace d'un
président absolu
RT
Emmanuel
Macron le 4 avril 2017, illustration
©Lionel BONAVENTURE / POOL / AFP
Lundi 29 mai 2017
Le raz-de-marée était annoncé, les
résultats du premier tour des
législatives le confirment. Bénéficiant
d'une abstention record, et peut-être de
la résignation des électeurs, LREM est
en passe de tout rafler, ne laissant
aucune place à l'opposition.
Les électeurs sont-ils en train de
donner au président de la République les
pleins pouvoirs ?
Selon les premières estimations, La
République en Marche pourrait obtenir
entre 390 et 445 sièges sur 577 à
l'Assemblée nationale à l'issue du
second tour le 18 juin prochain. Le
scénario était inimaginable ce 6 avril
2016, jour où Emmanuel Macron, encore
ministre de François Hollande, lançait
son mouvement En Marche! à Amiens. 14
mois plus tard, celui qui fut secrétaire
général de l'Elysée, autant dire à la
tête de l'Etat sans mandat démocratique
autre que celui, par procuration de
François Hollande, se retrouve assis à
la place de ce dernier.
Nul n'aurait pu alors prévoir non
plus l'effondrement du paysage politique
traditionnel, et la quasi-disparition
des deux grands partis qui rythmaient
l'alternance depuis plus de 40 ans.
Après l'«hyper-présidence» de Nicolas
Sarkozy – caractérisée à vrai dire par
une hyper-activité essentiellement
médiatique –, puis le fiasco de la
«présidence normale» de François
Hollande, Emmanuel Macron est en passe
d'inaugurer une présidence qu'on
pourrait qualifier d'absolue.
Certes, ce n'est pas la première
fois qu'un parti bénéficie d'une
majorité écrasante à l'Assemblée. Lors
des élections législatives de 1993, la
droite avait pulvérisé le Parti
socialiste (PS), ne lui laissant que 57
sièges. Mais l'existence même du PS
n'était alors pas remise en cause. Il
n'était alors qu'une question de temps
avant que le mouvement mécanique de
l'alternance ne le ressuscite. Une
traversée du désert tout au plus,
jusqu'en 1997, année de la dissolution
maladroite de l'Assemblée nationale par
Jacques Chirac.
«Déparlementarisation» de
l'opposition
Mais en 2017, l'irruption du
mastodonte LREM dans le magasin de
porcelaine des vieux partis a changé la
donne. Le parti présidentiel a tout
écrasé dans sa course éclair, remettant
en cause l'existence même des
Républicains. Et surtout d'un Parti
socialiste en voie d'implosion,
complètement laminé au premier tour ce
11 juin, peut-être en dessous de la
barre des 10%. Le Front national,
pourtant un temps dépositaire de l'envie
de renouvellement d'un électorat lassé
et déçu de sa classe politique, y a
laissé des plumes. Emmanuel Macron et En
Marche ! ont, là aussi, raflé cette
mise.
Même Jean-Luc Mélenchon ne parvient
pas à tirer son épingle du jeu, avec
seulement 11% des voix au premier tour,
selon les premières estimations. Le
scrutin uninominal à deux tours, peu
représentatif des rapports de force
réels, pourrait bien ne lui laisser que
la portion congrue, voire des miettes,
en nombre de sièges à l'Assemblée.
Pour l'heure, ni La France insoumise
ni le Front national, distancé par LR,
ne sont donc assurés d'avoir les 15
députés indispensables afin de former un
groupe parlementaire. Le PS et LR ont
déjà renoncé, par anticipation, à
constituer une réelle opposition à LREM.
Plusieurs candidats, pourtant investis
par le Parti socialiste, n'ont même pas
attendu le terme des législatives pour
se ranger sous la bannière de la
«majorité présidentielle». A l'instar de
Ségolène Royal, Malek Boutih ou de
Myriam El Khomri. Certains, comme Marisol
Touraine, sont ainsi allés jusqu'à
effacer toute référence au PS sur leurs
affiches au parti. Auquel ils
doivent souvent leur carrière en
politique.
A droite, Les Républicains semblent aussi avoir renoncé à
incarner une opposition dure à Emmanuel
Macron. Chargé de la campagne LR,
François Baroin se livre certes à une
critique pour la forme des mesures
annoncées par Emmanuel Macron. Mais dans
le même temps, le sénateur maire de
Troyes tempère : «Personne ne veut
bloquer le pays», déclarait-il le 28 mai
2017
dans Le Parisien. Et
d'ajouter, dans le cas où ce ne serait
pas assez clair : «On a connu des temps
de cohabitation mais là, ce serait
différent. Cela n'aura rien de
conflictuel.» De quoi perdre les
électeurs désireux de voter pour une
force d'opposition réelle.
Plein pouvoirs
de facto pour un agenda à marche
forcée
Un Front national affaibli, une
opposition traditionnelle disposée à ne
pas trop s'opposer... La situation est
inédite. Malgré une base démocratique de
seulement 18% des inscrits au premier
tour de la présidentielle, en
dépit d'une abstention record,
Emmanuel Macron pourrait bien disposer
d'un boulevard pour mettre en œuvre son
programme, notamment en matière de
«réforme» du code du travail. Mais le
président veut aller vite, n'attendant
pas même la fin des élections
législatives pour se mettre au travail.
Conscient peut-être que tel avant-projet
de loi de lutte contre le terrorisme,
lequel prévoit
la normalisation de l'état d'urgence
en l'intégrant dans le droit ordinaire,
ne coûterait guère en termes de voix.
LREM peut se payer le luxe de quelques
députés en moins à l'Assemblée
nationale.
Conscient aussi que la fenêtre de tir
est étroite pour imposer des réformes, y
compris par ordonnances, confinant
l'Assemblée au rôle d'une chambre
d'enregistrement, peuplée de députés
souvent novices ou dociles. Conscient
enfin, sans doute, qu'un tel mastodonte
parlementaire, en atteignant une taille
critique, pourrait rapidement se
scinder. En effet, les premières
difficultés venues, les transfuges du PS
et de LR qui ont endossé la casaque LREM
pourraient bien réintégrer leur écurie
d'origine.
Mais, à gauche comme à droite du
mastodonte LREM, le FN comme la France
insoumise, en raison du scrutin
uninominal à deux tours, seront
sous-représentés. Au risque de «déparlementariser»
aussi, en même temps que ceux qui
pourraient les représenter, une grande
partie de l'électorat. Qu'on retrouvera,
au mieux, sur les réseaux sociaux. Ou,
au pire pour le gouvernement, dans la
rue.
Lire aussi : Emmanuel
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cousin germain politique, Matteo Renzi
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