Rapport
Amnesty : La vie de patients
gravement
atteints à Gaza est en jeu
CPI
Photo :
CPI
Mercredi 19 juillet 2017
Gaza - CPI
Un billet de Rachel Borrell, adjointe des recherches et des
campagnes pour Israël et les Territoires
palestiniens occupés à Amnesty
International Cette semaine,
l'ONU a alerté sur le fait que les
conditions de vie dans la bande de Gaza
ont atteint un niveau « invivable », 10
ans après le blocus terrestre, aérien et
maritime mis en place par Israël.
L'alimentation en électricité ayant
considérablement diminué et le taux de
chômage ayant explosé pour atteindre 60
%, de nombreux aspects de la vie se sont
détériorés encore plus rapidement que
prévu. À Gaza, le système de santé
notamment est au bord de l'effondrement
depuis des années. Le point de rupture
est aujourd'hui atteint.
Au cours des
dernières semaines, trois nouveau-nés
sont morts au service des soins
intensifs de l'hôpital al Shifa, à Gaza.
Ils comptent parmi au moins neuf
patients morts à Gaza cette année, alors
qu’ils attendaient en vain que les
autorités palestiniennes de Cisjordanie
traitent les demandes de prise en charge
des frais de leurs traitements médicaux
en dehors de la bande de Gaza. Obtenir
cette couverture financière est
essentielle pour les Gazaouis ayant
besoin de soins médicaux qui demandent
un permis pour se rendre en Israël par
le poste-frontière d'Erez, ou se rendre
en Cisjordanie.
D'après certaines
informations, depuis le mois d'avril,
ces demandes sont délibérément ignorées
et retardées, comme ce fut régulièrement
le cas par le passé. En effet, les
autorités palestiniennes de Cisjordanie
tentent ainsi de nuire aux autorités
rivales de facto dans la bande de Gaza.
Abu Khalil et sa
famille comptent parmi les milliers de
Gazaouis dont la vie est en suspens en
raison de ces délais.
Deux de ses fils –
Abdallah, 27 ans et Khalil, 29 ans –
souffrent de thalassémie, trouble
sanguin héréditaire. Les deux hommes ont
régulièrement été transfusés, ce qui
conduit à un excès de fer dans leur
système sanguin, augmentant le risque de
crise cardiaque et d'autres
complications cardiaques. Deux de leurs
amis, souffrant de la même pathologie
guérissable, sont décédés en juin et Abu
Khalil fait tout son possible pour que
ses fils reçoivent des soins adéquats
avant qu'il ne soit trop tard.
Un médecin
israélien a proposé de réaliser des
tests sur les deux frères au centre
médical Sheba, en Israël, en vue
d'évaluer la possibilité de greffe de
moelle osseuse qui, si elle réussissait,
pourrait guérir leur thalassémie. Ce
traitement n'est pas disponible à Gaza,
où les hôpitaux fonctionnent avec des
stocks réduits de médicaments et une
alimentation très réduite en
électricité.
Cependant, se
frayer un chemin à travers la jungle des
obstacles bureaucratiques pour faire
transférer ses fils en Israël est un
défi de taille. Tout d'abord, Abu Khalil
doit obtenir des autorités
palestiniennes de Cisjordanie
l'engagement qu’elles prendront en
charge le coût du traitement de ses fils
en Israël.
Au moins 1 600
Gazaouis, dont des patients atteints du
cancer, attendent actuellement une
réponse pour leurs demandes de prise en
charge financière de la part des
autorités palestiniennes, d'après
Médecins pour les droits humains –
Israël. Environ 90 % des traitements
anticancéreux ne sont plus disponibles à
Gaza.
Après le tollé
suscité dans les médias, les autorités
palestiniennes semblent avoir renoué
avec la pratique consistant à prendre en
charge les frais médicaux le 2 juillet,
permettant ainsi aux patients gazaouis
de demander des permis.
Pour Abu Khalil, ce
ne fut qu'une faible lueur d'espoir. Le
bureau palestinien des orientations
médicales à Gaza ne pouvait pas financer
le transfert de ses deux fils vers
Israël afin qu’ils y soient soignés. Il
a donc dû accorder la priorité à Khalil,
dont la situation est plus critique.
L'aîné doit désormais entamer le
laborieux processus d'une nouvelle série
de tests sanguins. Il sera contraint
d'attendre encore une semaine avant que
ces résultats et sa demande de prise en
charge ne soient envoyés en Cisjordanie,
où un comité décidera s'il peut entamer
la procédure de demande de permis pour
se rendre en Israël afin d’y recevoir
des soins.
Depuis le début de
l'année, Israël a édicté des
restrictions encore plus sévères quant
au nombre de permis accordés aux
Palestiniens de Gaza qui souhaitent se
rendre en Israël et se montre
particulièrement réticent à en délivrer
aux hommes jeunes.
Tandis qu'Abu
Khalil s’efforce de surmonter la myriade
d'obstacles complexes qui se dressent
entre lui et les traitements médicaux
dont ses fils ont besoin, leur santé
continue de se dégrader.
« Vous pouvez vivre
sans électricité, ou survivre dans une
situation très difficile, mais ne pas
pouvoir leur obtenir des traitements est
insupportable. Je vis dans la peur
constante de perdre mes fils », a
déclaré Abu Khalil.
Les trois conflits
armés meurtriers avec Israël depuis 2008
ont gravement endommagé les
infrastructures et ont encore affaibli
le système de santé à Gaza ; les
Palestiniens de Gaza se retrouvent ainsi
face à la perspective d'une catastrophe
humanitaire de grande ampleur.
En tant que
puissance occupante, il incombe à Israël
de garantir le bien-être de la
population occupée qui vit dans la bande
de Gaza. Or, le blocus israélien illégal
de cette enclave côtière place les
simples Gazaouis comme Abu Khalil et ses
fils à la merci d'une bureaucratie
politisée pour accéder à des traitements
médicaux généralement considérés comme
un droit élémentaire.
Pourtant, en
réduisant les services de base dans la
bande de Gaza ces derniers mois –
électricité et fournitures médicales
notamment – et en retardant les
transferts de patients ayant besoin de
soins, les autorités palestiniennes
témoignent d'un mépris flagrant pour la
vie et la santé des Palestiniens et
illustrent leur volonté de prendre en
otage une partie de la population déjà
très vulnérable en vue de marquer des
points sur le plan politique.
Hélas, une fois
encore, ce sont les civils de Gaza,
comme Abu Khalil et ses fils, qui paient
le prix de ces rivalités.
Source:https://www.amnesty.fr
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