Rapport
Des militants palestiniens lancent des
initiatives pour sauver des maisons
menacées de démolition à al-Walaja
CPI
Photo :
CPI
Jeudi 10 août 2017
Par Sheren Khalel
Quinze enfants
dépenaillés se sont installés, les uns
sur les autres, sur un vieux canapé
devant leur maison à Al-Walaja, un petit
village juste à la sortie de Bethléem.
Les gamins, entre 2 et 10 ans, riaient
et jouaient entre eux, excités par le
groupe de visiteurs qui venait
d’arriver. Les adultes se sont réunis
pour discuter « du problème », pendant
que les gamins semblaient ne pas
réaliser qu’il y en avait un. Les 15 enfants et
une douzaine d’adultes vivent dans une
maison modeste de deux étages. Il y
avait une autre maison dans la cour, à
proximité, mais les forces israéliennes
l’ont démolie sous le prétexte qu’elle
avait été construite sans permis.
Maintenant, la
maison où les trente membres de la
famille sont obligés de vivre ensemble
est elle aussi sous le coup d’un ordre
de démolition. L’avocat de la famille
les représentera au tribunal le 9 août.
S’ils perdent la bataille juridique,
toute la famille se retrouvera sans
abri.
Atallah Abu Rizeq,
37 ans, se tenait devant la maison à
côté de sa femme enceinte et d’une
fillette, discutant avec des militants
locaux des initiatives solidaires qui
pourraient améliorer leur situation.
Lorsqu’on lui demande ce que lui et sa
famille élargie feront dans le cas où le
tribunal décide contre lui, il porte la
main à son front et secoue la tête.
« S’il en est
ainsi, nous n’avons pas de plan, »
dit-il. « Tout ce que je sais, c’est que
nous ne quitterons pas cette terre. Nous
vivrons sur les gravats jusqu’à ce que
nous trouvions une solution, mais nous
ne quitterons cette terre en aucun cas.
C’est notre terre et c’est notre maison.
»
Actuellement à Al-Wajala,
28 maisons ont reçu des ordres de
démolition, mais les militants locaux
s’efforcent de trouver le moyen de
protéger les maisons menacées. Au cours
des 2 dernières années, au moins 10
maisons du village ont été détruites.
Al-Walaja est
entouré par le mur de séparation
[d’appropriation, ndt] d’Israël dans la
zone charnière (les terres situées à
l’est de la Ligne verte et à l’ouest du
mur). Il n’y a qu’une seule route pour
entrer ou sortir du village, et cette
entrée est partagée avec la colonie
illégale israélienne de Gilo – dont
l’entrée comporte tant d’appareils de
sécurité que la colonie ressemble plus à
un centre pénitentiaire qu’à une zone
résidentielle.
Munther Amira, chef
du Comité de coordination de la lutte
populaire (PSCC) en Cisjordanie occupée,
et un groupe d’autres militants et de
responsables communautaires sont allés
dans le village cette semaine dans
l’espoir de coordonner une campagne
populaire contre les nombreux ordres de
démolitions délivrés aux familles.
« Les gens vivant à
al-Walaja sont presque tous des réfugiés
enregistrés. Le village original de al-Walaja
était situé sur une colline voisine,
là-bas, » dit Amira, indiquant une
direction au loin. « Mais en 1948, ils
ont été chassés de leur terre et ils se
sont installés ici. »
Pendant l’expulsion
de 1948, les habitants de al-Walaja ont
perdu les trois-quarts de leur terre.
« Il est important
de trouver un moyen d’aider ces gens
avant que leurs maisons et leurs vies ne
soient détruites, » ajoute Amira.
Il dit que lui et
les autres responsables locaux vont
s’efforcer de construire une nouvelle
initiative à Al-Walaja pour lutter
contre les ordres de démolition.
« Il y a eu
beaucoup d’activités militantes à al-Walaja,
mais Israël a commencé à donner des
permis de travail pour que les gens de
al-Walaja aillent travailler en Israël ;
maintenant ils ont du travail et quelque
chose à perdre, alors le militantisme
n’est plus ce qu’il était, personne ne
veut faire de vagues parce qu’ils
espèrent avoir un jour une carte
d’identité bleue israélienne, » dit-il,
expliquant que les gens pensent
qu’Israël veut inclure al-Walaja à la
zone résidentielle de Jérusalem-Est pour
confisquer davantage de terres. « Mais
nous commençons à nous rencontrer pour
créer une campagne, et nous allons
proposer un plan pour essayer d’aider. »
Ahmed al-Atrash, 28
ans, espère se marier bientôt, mais dans
la tradition palestinienne, le futur
époux doit avoir une maison pour sa
nouvelle famille avant de s’engager.
Après avoir travaillé plusieurs années
et économisé pour fonder une famille,
al-Atrash a commencé la construction
d’une maison sur le toit-terrasse de
celle de ses parents, il y a un mois. La
semaine dernière, il a reçu un ordre de
démolition pour le second niveau que lui
et sa famille bâtissent.
« Je veux me marier
et faire ma vie, » dit al-Atrash. « Mais
que puis-je faire sans maison ? »
Khader al-Araj,
chef du conseil de village de al-Walaja,
a dit à Mondoweiss que les responsables
locaux font tout ce qu’ils peuvent pour
aider à sauver les maisons de gens comme
al-Atrash.
« Les familles sont
de plus en plus nerveuses sur ce qui va
leur arriver, en particulier depuis
qu’Israël a repris la construction du
mur de séparation [d’appropriation, ndt]
il y a trois mois, » dit al-Araj. « Pour
le moment, nous avons décidé de nous
concentrer sur trois priorités : les
actions juridiques pour lutter contre
les ordres de démolition devant les
tribunaux, la sensibilisation des médias
pour faire connaître les luttes du
village et les manifestations populaires
pour protester contre les actions
d’Israël. »
Al-Araj a déclaré
qu’il veut envoyer le message que al-Walaja
est une communauté qui ne passera pas
inaperçue.
« Oui, nous sommes
un petit village, mais s’ils pensent
qu’ils vont pouvoir nous expulser de
cette terre pour relier leurs colonies,
ils se trompent, » déclare-t-il. « Nous
allons nous battre, nous n’irons nulle
part ailleurs. »
En vertu de
l’Accord Oslo II, la Cisjordanie occupée
a été partagée en trois zones. La zone C
comprend 63 pour cent de la Cisjordanie
et est sous contrôle israélien total,
tandis que la zone B, 20 pour cent de la
Cisjordanie , est sous contrôle commun
israélien-palestinien et la zone A, 17
pour cent de la Cisjordanie , est sous
contrôle palestinien total.
Les gens qui
veulent installer n’importe quelle sorte
de structure en zone C ont besoin d’un
permis, que ce soit pour surélever une
maison, construire une cabane à outils
ou creuser un puits, mais il est
pratiquement impossible d’obtenir un
permis. Selon des données de
l’Administration civile israélienne
recueillies par le Bureau de
coordination des affaires humanitaires
des Nations Unies OCHA), entre 2010 et
2014, les Palestiniens ont présenté
2.020 demandes de permis de construire
en zone C. Seules 33 sur ces 2.020
demandes – 1,5 pour cent – ont été
accordées. Toutes les demandes de permis
concernent des constructions sur des
terrains privés.
Avec un taux
d’approbation si faible, de nombreux
Palestiniens ont cessé de s’embêter à se
lancer dans le processus de demande.
Même s’il était
plus facile d’obtenir des permis de
construire avant la montée du parti
d’extrême-droite de Benjamin Netanyahu,
le Likoud, cela fait des décennies que
les autorités israéliennes émettent des
ordres de démolition des maisons des
Palestiniens.
La documentation
des Nations Unies montre qu’entre 1988
et 2016, Israël a émis 16.085 ordres de
démolition et démoli 3.334 structures
appartenant aux Palestiniens en zone C.
Depuis l’an dernier, il y a eu 2.907
ordres en attente de décision
judiciaire, et les ordres concernant 487
structures appartenant à des
Palestiniens ont été débloqués et les
structures peuvent être démolies d’un
jour à l’autre.
Jusqu’à présent sur
2017, les autorités israéliennes ont
démoli 286 structures appartenant à des
Palestiniens, selon OCHA, provoquant le
déplacement de 435 Palestiniens, tandis
qu’en 2016 un nombre record de 1.093
structures palestiniennes ont été
démolies, déplaçant 1.601 Palestiniens.
Source:
http://www.ism-france.org/temoignages/Des-militants-palestiniens-lancent-des-initiatives-pour-sauver-des-maisons-menacees-de-demolition-a-al-Walaja-article-20382
Les
rapports du CPI
Les dernières mises à jour
|