Rapport
Souvenirs d’un détenu politique :
torture à nu et privation de sommeil (2)
CPI
Photo: CPI
Dimanche 1er mars 2015
Cisjordanie – CPI
Le jeune Palestinien Motassim Samir Saqf Al-Hit, 26 ans,
vient de quitter la prison de l’autorité
palestinienne de Janid, dans la ville de
Naplouse. Il n’est pas encore prêt
d’oublier les moments difficiles et la
dure torture qu’il a subis dans cette
prison de Janid et dans celle d’Ariha.
Motassim a survécu un mois des plus
difficiles de toute sa vie, pour des
raisons politiques.
Le jeune Motassim
parle de ses souvenirs douloureux, de ce
qu’il a subi durant sa détention,
débutée le 13 janvier 2015. Et notre
Centre Palestinien d’Information (CPI)
publie son mémoire en deux épisodes,
sans commentaire. En voilà la deuxième :
Motassim
continue à raconter son calvaire et le
sadisme des enquêteurs :
« L’enquêteur était
mort de fatigue. Il m’a dit : "Je vais
te laisser dormir. Mais avant cela, tu
dois te laisser tomber par terre". Quand
je lui ai dit "Pourquoi ?", il m’a
répondu : "Pour que je ressente la
victoire ! Je suis très fatigué et je ne
peux pas mettre fin à l’enquête sans
ressentir la victoire". Alors, je lui ai
dit :"Tu veux que je me laisse tomber
par terre. Jamais. Je suis prêt à rester
ainsi des jours durant et je ne me
laisserai jamais tomber par terre,
humilié". Il s’est mis en colère et m’a
laissé lié jusqu’au matin, en continuant
à insulter les personnalités et les
députés du Hamas, à m’humilier, à me
frapper. Il a refusé ma requête
d’accomplir la prière du soir et du
matin. A six heures du matin, il m’a
envoyé à ma cellule, toujours les mains
liées, jusqu’à la fin de son poste, à
huit heures du matin ».
Privation
de sommeil
« Je suis resté dans
ma cellule, une cellule de deux mètres
de long et d’un mètre de large, pieds
nus sur un sol nu, sans moquette et sans
couverture. Du sol émanait un froid
piquant. Le froid enfonçait ses clous
dans mon corps, sans merci.
» Je suis resté dans
cet état pendant deux jours. Puis un
policier est venu et m’a demandé depuis
combien temps je n’avais pas dormi.
Quand je lui ai dit que cela faisait
trois jours, il m’a dit que je pouvais
dormir. C’était à six heures du soir. Au
petit matin, ils sont revenus et m’ont
retiré le matelas et la couverture et
m’ont de nouveau amené devant
l’enquêteur. Celui-ci a commencé par me
menacer de me laisser lié dans une
position difficile (Chabah) durant une
semaine. Il m’a confirmé qu’ils ont une
pris décision de garder certains membres
du Hamas dans la prison, une façon
d’envoyer certains messages vers la
bande de Gaza ».
Dans la
prison d’Ariha
« Quelques jours plus
tard, ils m’ont mis le fer aux mains et
m’ont transféré à la prison d’Ariha, en
passant par les barrages sionistes de
Hawara et Zaatara et en coupant la route
déviatrice appelée 90. A notre arrivée
au siège du service des renseignements,
ils m’ont bandé les yeux, couvert
totalement la tête, pris mes affaires.
» Ils m’ont laissé
dans une cellule, toujours les yeux
bandés, toujours debout. On y est
arrivés vers la fin de l’après-midi.
Deux heures plus tard, ils m’ont libéré
les yeux, mais pas les mains. Ils m’ont
laissé dans cette position difficile
jusqu’à l’aube. Les militaires tapaient
fort sur la porte en fer de ma cellule
avec leurs matraques, toute la nuit, une
manière de me priver de sommeil,
jusqu’au matin ».
De simples
chiffres, sans noms
« La pire torture que
le détenu subit, dans la prison d’Ariha,
est psychologique. Le détenu est privé
de son nom. Il n’entend plus son nom.
Son nom est remplacé par le numéro de sa
cellule. Le mien était 6. Les militaires
aussi portaient des numéros : Adam 1,
Adam 2, Adam 3… Tout cela est ajouté à
l’éloignement de ma famille, ajouté
surtout à un grand sentiment d’une
l’absence totale de loi.
» En effet, le détenu
a le sentiment qu’il est entre les mains
de quelques hors-la-loi, surtout qu’en
général, les tortures sont menées
pendant la nuit, lorsque les
institutions juridiques ferment leurs
portes. A noter que ces institutions
n’ont pour mission que d’observer les
actions de torture. On ne remarque
cependant aucun résultat de leurs
visites.
» J’ai vu de mes
propres yeux plusieurs personnes, les
mains liées, debout dans les salles de
bain, sans cesse pendant trois jours.
» Et lorsque j’ai
posé une question sur ma situation
juridique, ils m’ont montré une feuille
où il était noté que je suis emprisonné
sous l’ordre du préfet pour un mois.
J’étais dans mon cinquième jour.
» Mon temps passait
entre la cellule et les salles
d’interrogation pour y rester deux
heures, trois heures, quatre heures et
même cinq, jour et nuit. Au quinzième
jour, ils m’ont transféré vers la
prison, un signe que l’enquête avait
pris fin. Là-bas, nous étions une
vingtaine de jeunes venant de partout de
la Cisjordanie. Le jour même, ils
m’avaient emmené auprès du procureur qui
a prolongé ma détention quinze jours
supplémentaires.
» Le 9 février 2015,
le tribunal a décidé de me libérer, sous
une caution de cinq cents dinars,
jusqu’à la prochaine audience,
m’accusant ‘avoir provoqué des troubles
religieux et ramassé des fonds de
certaines associations illégales. La
prochaine audience a été désignée pour
le 16 mars prochain ».
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