Centre Palestinien
d'Information
La guerre contre Gaza est vouée à l'échec
Mounir Chafiq
Photo CPI
7 janvier 2009
Mounir Chafiq, intellectuel palestinien et
coordinateur général du Congrès National Arabe. Article paru
dans le journal "al Arab". Qatar. Le 3 janvier 2008
L'agression criminelle contre la bande de Gaza ne diffère pas
des guerres qu'ont subit les pays arabes depuis la seconde
guerre mondiale, malgré le fait que les slogans qui ont changé
essaient de cacher les vraies raisons et les vrais objectifs de
cette guerre.
Tout a commencé en Palestine même.
La différence résidait dans le fait que la
guerre a commencé de l'intérieur, après que le colonialisme ait
implanté une entité coloniale étrangère, à laquelle il a fourni
tous les moyens de la puissance et après en avoir dépourvu les
Palestiniens et les pays arabes avoisinants.
Malgré cela, les grandes puissances ont fait
planer la menace de leur supériorité militaire pour couvrir
l'agression qui a abouti à l'instauration de l'Etat sioniste et
l'expulsion des deux tiers du peuple palestinien et l'occupation
de 78% de sa terre.
La stratégie militaire reposait sur la
supériorité écrasante de l'entité sioniste, et de son armée, par
rapport à tous les pays arabes et leurs armées. Cette stratégie
ne pouvait réussir qu'avec le consensus de toutes les grandes
puissances sur ce point et le contrôle des politiques des
gouvernements arabes et de leurs volontés. Ou des représailles
militaires contre un quelconque Etat qui était hors contrôle,
jusqu'à ce qu'il retourne dans les rangs. Ce qui a prolongé la
guerre sans pour autant l'achever.
Quant à l'agression militaire actuelle contre
Gaza, elle rappelle l'agression tripartite de 1956 contre
l'Egypte (note du traducteur : menée par la France, Israël, et
la Grande Bretagne après la nationalisation du canal). Et ne
diffère pas de la guerre de 1967 contre l'Egypte, la Syrie et la
Jordanie, ni de celle contre le Liban en 1982 (et avant elle,
celle de 1978 et qui ont, toutes deux, visé l'OLP et le Fatah).
Ni de la deuxième guerre du Golfe, la guerre contre
l'Afghanistan en 2001.
Et plus récemment, la guerre contre le Liban en 2006 qui ciblait
le Hezbollah, et finalement la guerre actuelle contre la bande
de Gaza.
Toutes ces guerres ont été soit menées soit
couvertes politiquement par les Etats Unis. Les positions des
grandes puissances étaient partagées entre celles qui se sont
contenté de rester silencieuses, celles qui ont franchement
collaboré, et celles qui ont timidement protesté.
La seule exception à cette règle fut
l'intervention soviétique pour arrêter l'agression de 1956,
après avoir menacé (NdT : d'utiliser l'arme nucléaire). Bien
sur, l'URSS n'aurait jamais mis à exécution cette menace, de
même qu'elle n'aurait pas adopté cette attitude sans la
résistance du peuple égyptien guidé par Gamal abdel Nasser qui a
refusé la capitulation et qui était, au contraire, déterminé à
résister.
La victime de l'agression (et la partie la
plus faible militairement) était dans l'obligation de résister à
son agresseur, avec son sang, sa chaire, sa détermination, et la
justesse de sa cause.
De même que l'expérience démontre que quand
deux armées régulières s'affrontent la supériorité militaire de
l'agresseur lui permet de vaincre dans des délais très brefs.
Cependant, quand l'armée de l'agresseur est confrontée au
peuple, la guerre dure et il est impossible qu'elle se termine
par une victoire nette de l'agresseur.
Il est évident que chaque situation a ses
spécificités et son contexte régional et international, ce qui
rend difficile toute tentative de proposer un modèle type unique
de guerre, mais on peut souligner une caractéristique commune :
la capacité d'endurance des peuples quand ils sont pris pour
cible, et la résistance armée mène a une mobilisation populaire
arabe et islamique puis à une mobilisation de l'opinion
mondiale. Là aussi, bien sûr, la rapidité et l'ampleur de la
mobilisation populaire diffèrent selon les situations.
Durant l'agression tripartite, la réaction
populaire arabe et islamique a été très rapide et a eu un impact
fort, ce qui a conduit (dans un contexte international
particulier) à un changement du déroulement de la guerre et à
mené l'agresseur à la défaite, non pas militaire mais politique
puisqu'il n'a pas pu réaliser les objectifs de cette guerre (NdT
: les objectifs déclarés étaient la réoccupation du Canal de
Suez et le renversement de Nasser).
D'un point de vue militaire, la résistance
armée est victorieuse des lors qu'elle poursuit son action armée
et qu'elle ne renonce pas à ses armes. La guerre de 2006
illustre bien le propos. Le Hezbollah a réussi à arrêter la
progression de l'armée israélienne malgré le déséquilibre dans
les rapports de force. Ainsi le principal fait d'arme de
l'agresseur a été de détruire les infrastructures et de tuer des
civils en bombardant de la mer, de la terre et du ciel.
De loin, on ne peut pas gagner une bataille et
ni sortir victorieux, tant que le peuple résiste et que sa
volonté est intacte. Plus la guerre durera, plus l'agresseur
s'essoufflera et épuisera ses capacités militaires, plus cela
affectera son moral et sa réputation, plus il sera isolé car
plus le temps passe sans qu'il réussisse à atteindre ses
objectifs, plus il deviendra criminel et féroce contre les
populations civiles.
Les grandes puissances, même celles qui sont
restées silencieuses devant l'agression ou dubitatives, et même
celles qui ont été complices, seront dans l'obligation de
modifier leur position. C'est exactement ce processus qui a
modifié le rapport de force dans toutes les guerres pre-citées.
Dans certains cas, les effets sont apparus
très rapidement comme en 1956 et en 2006. Dans les autres cas,
le résultat ne fut pas immédiat et a pris plus de temps comme en
1967 (le déclenchement de la guerre d'usure), et après
l'occupation de l'Irak (le déclenchement de la résistance et de
la contestation populaire).
En bref, tout observateur de la guerre contre
la bande de Gaza, remarque l'endurance populaire et sa volonté
de résister, et note la rapidité et l'intensité des réactions et
mobilisations populaires arabes et mondiales et l'insistance
jamais vue auparavant de continuer les manifestations de soutien
jusqu'a tenir en échec l'agresseur.
Quant aux autorités officielles qui se sont
tues ou qui ont hésité, ils ont déjà commencé à modifier leurs
positions (NdT : par exemple, la Jordanie qui menace de fermer
l'ambassade d'Israël, sans parler de la Turquie qui a une
position particulièrement courageuse dans ce conflit et qui a
accepté de transmettre les revendications du Hamas devant le
Conseil de Sécurité de l'ONU en tant que membre de l'OTAN).
Tous ces éléments
prouvent que l'ennemi est sur la voie de la défaite politique et
que sa stratégie et vouée a l'échec.
Source : "al Arab"
Traduction : Hajar Alem
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