Lettre
Lettre ouverte d'Alep à M. Julien Lepers
:
« Questions pour un croupion »
Paul Mégarbané
Photo:
D.R.
Lundi 11 août 2014
Croupion : nom
masculin (de croupe)… désigne un
organisme qui dépend d'un autre, n'est
pas représentatif :
Un parti
croupion. [Dictionnaire Larousse].
Monsieur Julien
Lepers,
Je vous écris en
français, une langue qui n’est pas ma
langue maternelle mais que je pourrais
facilement qualifier de langue
d’adoption. En effet, j’ai eu la chance
comme des dizaines de milliers de
Syriens de fréquenter des écoles privées
qui accordaient autant d’intérêt à
l’enseignement de notre belle langue
arabe qu’à l’enseignement de la langue
française.
Au cours de mes
années d’études, du primaire au
secondaire, et plus tard durant mes
études universitaires, j’ai eu
l’occasion de découvrir la France, sa
civilisation, sa culture, son sens de la
justice, son respect de l’autre, sa
conception de la liberté, sa déclaration
des Droits de l’Homme devenue
universelle et surtout, en ce qui nous
concerne, l’importance qu’elle accorde à
la francophonie.
À propos de
francophonie, j’aimerais vous rappeler
que lorsqu’en 1998, vous avez organisé
le grand concours de la langue française
dans le cadre de votre célèbre émission
« Questions pour un Champion », la Syrie
était présente parmi les dix pays
participants et beaucoup de mes
compatriotes ont pris part aux
éliminatoires qui se sont déroulées dans
les principales villes du pays. Quatre
finalistes ont fait le voyage à Paris
pour la finale qui s’est conclue par la
qualification du Docteur Amine Antaki.
C’était il y a plus
de seize ans, mais un petit effort de
votre part avec les quelques photos
ci-jointes, vous rafraîchiront
certainement la mémoire et vous
rappelleront « notre champion à nous »,
le Docteur Amine Antaki, apprécié autant
pour ses compétences professionnelles
que pour ses qualités humaines.
Si je m’adresse à
vous c’est pour vous rappeler, avec
peine et regret, sa mort tragique il y a
exactement un an, le 10 aout 2013, alors
qu’il revenait avec son épouse vers Alep
à bord d’un autobus qui a été pris pour
cible par des mercenaires fanatiques,
étrangers, rentrés illégalement en
Syrie. Un acte criminel parmi tant
d’autres perpétrés contre mon pays
depuis trois ans et demi, dont j’estime
la France en partie responsable.
En faisant fi
du principe de non-ingérence dans les
affaires d’un autre pays, la France,
gouvernée par la droite ou par la
gauche, a pris une attitude a priori
louable ; celle de participer à
l’instauration d’une « démocratie » dans
certains pays arabes,
choisis par
d’autres pays arabes réputés pour leur
sainte horreur de tout ce qui se
rapporte à la notion même de démocratie…
Tout ceci sous l’appellation très
romancée de printemps… arabe ! Un
concept teinté de beauté et de bonté,
telle une promesse de lendemains qui
chantent.
Mais les évènements
ne se seraient pas déroulés comme
l’auraient prévu les grands
sorciers/stratèges. Il n’empêche que
trois ans et demi plus tard, mon pays se
trouve plongé dans une situation
indescriptible. Plus de 150 000
personnes tuées et plus d’un million de
blessés parmi les civils dont un grand
nombre restera à jamais handicapé. Sans
oublier les séquelles psychologiques
d’une réalité inimaginable et dure à
affronter, ainsi que les millions de
personnes déplacées dans le pays et dans
les pays voisins. Sans oublier les
dizaines de milliers de personnes
disparues.
Monsieur Lepers,
Les assassins du Docteur Amine Antaki
comptent parmi eux un ou plusieurs
détenteurs de passeports français. Ils
arrivent dans mon pays grâce à une
filière tolérée, encouragée, et
facilitée par la France, par certains
pays d’Europe et d’autres pays aspirant
à en faire partie. Tout ceci au nom,
entre autres alibis, de la liberté dont
ces assassins seraient les pourvoyeurs
« à l’aller », pour n’être considérés
comme des terroristes qu’à « leur
retour » chez l’expéditeur. Y-a-t-il
plus hypocrite comme comportement ? Ne
serait-il pas plus équitable de mener
une enquête impartiale visant à traduire
devant la justice internationale les
vrais responsables de ce qui se passe au
Moyen Orient, même si cela pourrait
prendre des années et éventuellement ne
pas aboutir ?
Monsieur Lepers,
Depuis que votre
émission
existe, je la suis avec intérêt. Avec
vous on apprend. Merci de votre
contribution à la culture de vos
téléspectateurs. Je dois vous avouer ne
pas avoir été aussi assidu que je
l’aurais voulu ces derniers temps, pour
la simple raison qu’à Alep nous en
sommes réduits à quelques heures
d’électricité par jour. Ceci dit, si je
me souviens bien, vous vous êtes
toujours efforcé d’ouvrir votre plateau
au plus grand nombre en procédant par
catégories et affinités : les grandes
écoles, les corps de métiers, les
facultés, les clubs, etc. Néanmoins, une
catégorie semble vous avoir échappé,
celle de la classe politique !
Puis-je me permettre
de vous suggérer de recevoir les ténors
va-t-en guerre de la classe politique
française ? Pour animer l’émission,
peut-être pourriez-vous nous laisser, à
nous francophones des pays qui subissent
« leur » printemps, le soin de rédiger
les questions. Questions qui
concerneraient votre taux de chômage,
votre marasme économique en sourdine,
votre patrimoine culturel qui commence à
sentir le pétrole, les commissions et
rétro-commissions dans diverses
« affaires », etc., sans jamais aborder
la vie privée de vos élus, évidemment.
Pour l’occasion, une fois n’est pas
coutume, vous pourriez peut-être faire
une dérogation en intitulant votre
émission : « Questions pour un
croupion ».
Monsieur Lepers,
Cette lettre vous est adressée par un
patriote qui souffre en silence et qui
espère que vous pourrez faire quelque
chose pour les Syriens et tous les
citoyens des pays de la région qui ont
assez souffert de cette situation qui
perdure. J’ai lu un jour ces paroles
d’Albert Einstein : « Le monde est
dangereux à vivre non pas à cause de
ceux qui font le mal mais plutôt à cause
de ceux qui les regardent et les
laissent faire ».
Je termine en vous
redisant toute mon admiration, à vous
personnellement, pour une émission que
j’aimerai de nouveau suivre
régulièrement aussitôt l’électricité
rétablie.
Paul Mégarbané
10/08/2014
Alep – SYRIE
Lina Megarbané
Roland Jihane
Carl Antaki
Joseph Megarbane
Nabil Antaki
Maria-Pia Mégrabané
Nadine Assouad
Mégarbané
Hala Najjar Antaki
Krikor Zobian
Alfredo Girardi
Marina Girardi
Marylène Sbath Ghostine
May Gazalé Sikias
Marlène Ponce Gallone
Adeline Chelhot
Henry Sahdo
Michel Chelhot
Jeain-Jacques Sabbagh
Pierre Merjaneh
Ghasby Sabeh
Paola Baladi
Jeai-Marie Mégarbané
Paul Antaki
Paola Guariglia
Sandra Agobian
Amira Nader
Youhanna Jeanbart
Annie Mouradian
Michèle Antaki
Stealth Vic
Samia Hajjar
Maria saadeh
Khaldoun Fansa
Fadi Antaki
Lynn Antaki
Lynn Rocky
Farès Antaki
Carinne Chouchacgi Bitar
Leila També
Leyla Hamod
Basile Kouchakji
Mouna Alno-Nakhal,
avec les remerciements des gens d’Alep à
ceux qui ont toujours cherché la vérité,
qui nous ont fait confiance et qui ont
travaillé sans relâche à démasquer
l’hypocrisie de leurs dirigeants. Vive
la Syrie et que vive notre Alep
éternelle grâce au courage du peuple
syrien qui ne recule devant aucun
sacrifice pour protéger son incomparable
sens du « vivre ensemble ». Qu’Amine
repose en paix dans nos cœurs et nos
mémoires auprès de tous nos chers
disparus, civils et militaires. Ils ont
ouvert la voie à la victoire contre
« les puissances des ténèbres » qui
attaquent en Irak, en Palestine, en
Syrie, et au Liban… Ce sont les Pays du
« Levant » et ils le resteront. Ils
vaincront les démons venus de l’étranger
et leurs propres démons. Il le faut pour
notre salut et le salut du Monde !
Source :
https://www.facebook.com/paul.megarbane/posts/708846829186775
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