- Quelle est la
situation en Palestine, un mois
après la recrudescence des
agressions au couteau qui ont coûté
la vie à des dizaines de civils ?
Il faut préciser qu’à la
situation d’occupation militaire du
territoire palestinien, source
principale de violences, s’ajoutent
les attaques répétées des colons
israéliens (agressions, attaques,
démolitions de maisons, transferts
forcés de Palestiniens, siège de la
bande de Ghaza..., ndlr). Ces
derniers sont protégés par le
gouvernement et par les forces
d’occupation israéliennes. Ce qui
est le cas essentiellement pour
Jérusalem-Est, y compris pour les
lieux saints, ceci inclut évidemment
Al Haram Asharif et la mosquée d’Al
Aqsa. Ce sont toutes ces raisons qui
ont favorisé ce climat
d’instabilité. Si on veut une
solution durable, il faut mettre fin
à l’occupation.
- Comment
s’organisent, depuis, les
Palestiniens au quotidien ?
Les Palestiniens font face à des
restrictions terribles, puisque le
territoire est occupé ; la présence
des soldats israéliens y est
extrêmement massive. Il y a plus de
600 barrages militaires à
l’intérieur même de la Cisjordanie.
Aujourd’hui, Al Qods est entrecoupée
de barrages qui délimitent la ville
du reste de la Cisjordanie. Le pire,
c’est qu’il y a à l’intérieur même
d’Al Qods des restrictions et encore
une fois des barrages. Une ville
occupée, contrairement à ce que
prétendent les Israéliens.
Aussi, n’oublions pas que, depuis
sept ans, la bande de Ghaza est sous
siège. L’impact est sans précédent
sur la vie des Palestiniens, comme
pour aller à l’école ou même à
l’hôpital. De nombreuses personnes
décèdent sur le chemin de l’hôpital,
car les militaires israéliens
refusent de les laisser passer. Il y
a aussi cette pression du mur,
considéré illégale par la Cour
internationale de justice. C’est un
quotidien d’oppression et de déni
des libertés du peuple palestinien.
- Ne pensez-vous pas
que ce sont les efforts de la
communauté internationale qui ont
favorisé le dialogue ?
La communauté internationale a
perdu beaucoup d’années où elle
aurait pu intervenir sérieusement
pour mettre fin à cette occupation.
Ce qu’elle n’a jamais fait. Ou du
moins mettre fin à l’impunité
d’Israël, ce qui, à terme, aurait
mis fin à la colonisation. En
l’absence de ces mesures légales, on
aura toujours des cycles de violence
répétés. Ce sont des réactions
légitimes d’un peuple opprimé. Les
Palestiniens œuvrent pour leur
liberté depuis 70 ans et ne comptent
pas capituler, ni accepter aucune
forme d’occupation.
- Pourtant, des
personnalités politiques ont
condamné les attaques au couteau,
des deux côtés.
D’abord, je crois qu’on essaie de
faire oublier au monde une révolte
populaire, celle des Palestiniens.
Il faut que les gens prennent
conscience du quotidien des villes
palestiniennes, de Ghaza à Ramallah,
en passant par Naplouse ou Beit Lahm...Toutes
les villes sont en ébullition et les
manifestations sont quotidiennes
contre les forces d’occupation et
les colons. Vous avez également des
manifestations qui éclatent derrière
«La ligne verte», dans les villes où
il y a une grande composante
palestinienne, comme Nazareth ou
Haïfa (l’expression «ligne verte» se
réfère à la ligne de démarcation
datant de l’armistice de 1949 entre
Israël et certains des pays arabes
voisins, à la fin de la guerre
israélo-arabe de 1948.
Cette ligne est considérée comme
la base des paramètres de
négociations dans le processus des
Accords d’Oslo pour les frontières
d’un futur Etat palestinien, ndlr).
Puis, il est clair qu’on essaie de
faire oublier qui est l’agresseur.
Cette force occupante prive de
liberté les Palestiniens ; les
tensions sont de plus en plus
palpables. On ose dire que ces
attaques au couteau sont «des cas
isolés», ce qui est faux.
C’est du pain béni pour les
Israéliens qui tirent sur des
Palestiniens et justifient par la
suite leur agression par de la
défense. L’essentiel de ce qui se
passe aujourd’hui en Palestine, ce
ne sont pas toutes les attaques au
couteau, c’est la révolte d’un
peuple opprimé qui refuse de
capituler et de se résoudre au fait
que si le monde n’intervient pas, il
ne pourra pas se défendre. Se battre
pour sa terre est un devoir, ce
n’est pas quelque chose qu’on va
apprendre aux Palestiniens.
- Le gouvernement
israélien d’extrême droite est-il
complice des colons ?
Nous sommes confrontés à un
gouvernement de colons, qui fait
tout pour eux. Tout ce qu’ils font,
c’est grâce à l’immunité du
gouvernement d’extrême droite. A
titre d’exemple, jusqu’à présent,
les criminels qui ont brûlé vive la
famille Dawabshé, en Cisjordanie, en
juillet dernier, n’ont pas été
appréhendés. Ce crime a coûté la vie
à trois membres d’une famille
palestinienne, dont un bébé de 18
mois. Ce soutien aveugle à des
bourreaux sanguinaire est révoltant.
Un autre élément qui prouve que
ce gouvernement est raciste : une
résolution votée par l’Assemblée
générale des Nations unies qui a été
retirée, car elle stipulait que le
sionisme est une des formes de
racisme. Le sionisme est une
idéologie discriminatoire,
exclusive, qui nourrit aujourd’hui
l’apartheid en Palestine.
- L’Autorité
palestinienne est-elle arrivée à une
phase de fin des négociations avec
l’Etat hébreu ?
Certains voudraient dire que nous
avons échoué ; je pense qu’on nous a
fait échouer. Les méthodes
politique, diplomatique, légale et
même les négociations auraient pu
réussir. Mais il y avait une
condition principale pour que cela
puisse aboutir. D’abord mettre fin à
l’occupation israélienne, ce qui met
en péril toute négociation. Il y
avait un autre élément qui pouvait
faire que l’on réussisse : si la
communauté internationale avait pris
ses responsabilités, notre stratégie
aurait eu une chance.
Face à l’impunité d’Israël, le
peuple se retrouve pris au piège.
Nous ne pouvons pas compter
uniquement sur la voie diplomatique
face aux violences israéliennes et
en l’absence de protection. Nous
avons dit plusieurs fois à la
communauté internationale que nous
sommes les victimes d’une injuste
occupation, le peuple répond aux
agressions multiples. Cette même
communauté réagit quand il y a des
morts israéliens et n’obéit à aucune
logique ; bien au contraire elle
réplique en exigeant la protection
du colonisateur.
- Aucune puissance
mondiale n’a réussi à maintenir la
paix. Allons-nous vers une situation
de non-dialogue ?
Il n’y avait pas de dialogue. Ce
n’est pas parce qu’on se parle qu’il
y a un dialogue entre deux parties.
Il y a des conditions au dialogue,
comme le respect mutuel et la
présence de règles communes. Depuis
des mois, il n’y a plus de
négociations avec les Israéliens,
tant qu’ils ne cessent pas de
resserrer l’étau sur notre peuple.
Je pense que la guerre de
libération en Algérie est un bel
exemple. Les colonisateurs français
avaient compris qu’il fallait mettre
fin à la colonisation du pays. Dans
le cas de la Palestine, je crois que
c’est à ce moment-là qu’on aurait pu
discuter des termes d’un accord.
Mais tant que l’idée est de
renforcer la colonisation, instaurer
un dialogue n’a plus de sens. Israël
a choisi la colonisation et non la
paix. De ce fait, on ne peut pas
reprocher aux Palestiniens d’avoir
choisi la résistance.