Lynx Togo et EODE
Press Office
Une « révolution de couleur » à
l'africaine est déjà en cours au Gabon
contre le régime Bongo
Luc Michel
Mardi 30 décembre 2014
Lynx Togo et EODE Press Office/2014 12
27/
www.eode.org
https://vimeo.com/eodetv/
Article complet publié sur LYNX TOGO ce
samedi 27 décembre 2014 :
LUC MICHEL : UNE « REVOLUTION DE COULEUR
» A L’AFRICAINE EST DEJA EN COURS AU
GABON CONTRE LE REGIME BONGO
http://www.lynxtogo.info/index.php/interviews/5554-luc-michel-une-revolution-de-couleur-a-l-africaine-est-deja-en-cours-au-gabon-contre-le-regime-bongo
Et plus l’on creuse la révolution du
Burkina Faso, plus l’on retrouve
notamment les réseaux Soros, à commencer
par l’International Crisis Group (ICG)
On observe ces temps-ci des tentatives
de changement de régimes sur le
continent africain. A première vue,
beaucoup le voient d’un œil positif. Des
changements tant attendus dans des pays
sous contrôle de régimes aux mains de
marionnettes corrompues, eux-mêmes sous
contrôle des intérêts néocolonialistes.
Le système néocolonial de la
Françafrique représente un exemple
flagrant lorsque l’ancienne métropole
coloniale tue et enlève les leaders
africains osant défier ses intérêts. Les
combattants panafricanistes mènent donc
une lutte acharnée pour mettre fin à
toute cette injustice qui dure depuis
bien trop longtemps.
Néanmoins, les tentatives de changements
que l’on observe aujourd’hui sont-ils
véritablement positifs ? Que se
cache-t-il derrière ? Et n’y a-t-il pas
un risque majeur que ces révolutions
contre le néocolonialisme soient tout
simplement volées au profit d’un autre
néocolonialisme, encore plus actif et
agressif ?
Nous allons tenter d’en voir plus clair
avec Luc Michel, grand spécialiste de la
géopolitique qui suit activement les
différents processus en cours
aujourd’hui en Afrique et dans le monde.
Mikhail Gamandiy-Egorov, La Voix
de la Russie : Luc Michel, bonjour et
bienvenue de nouveau à La Voix de la
Russie. Vous avez affirmé récemment que
plusieurs pays africains, dont le Gabon,
vont vivre ce qu’on appelle des «
révolutions de couleur ». Racontez-nous.
Luc Michel : Depuis le « sommet USA-African
leaders » de Washington les 3-4-5 août
dernier, tout a été mis en place par les
Etasuniens pour une vague de changements
de régimes en Afrique qu’ils entendent
organiser. En particulier, la NED
(National Endowment for Democracy), a
pris en main des centaines et des
centaines d’activistes, journalistes,
syndicalistes africains, venus d’Afrique
et de l’UE, lors d’un « sommet parallèle
» à Washington les 5 et 6 août dernier.
Une « révolution de couleur » à
l’africaine est déjà en cours au Gabon
contre le régime Bongo. Et plus l’on
creuse la révolution du Burkina Faso,
plus l’on retrouve notamment les réseaux
Soros, à commencer par l’International
Crisis Group (ICG). Au Cameroun, on
prépare la déstabilisation du régime
Biya, à nouveau avec les réseaux Soros,
dont ici aussi l’ICG. Et des structures
de propagande anti-Kabila sont déjà
mises en place depuis le mois d’août,
notamment à Bruxelles et Paris, avec des
journalistes “retournés” par la NED.
Scénarios, réseaux, financiers : ce sont
partout les même méthodes qui ont déjà
organisé les « révolutions de couleur »
en Europe de l’Est et au Venezuela, puis
le soit-disant « printemps arabe ».
Voilà comment Washington – Maison
blanche, NED, YALI (Young African
Leaders Initiative), etc… – prépare une
vague de changements de régimes en
Afrique (décidée lors du Sommet USA-African
leaders début août 2014) et organise une
5e colonne d’agents américains
(journalistes, activistes,
universitaires, syndicalistes…) en
Afrique et dans la diaspora africaine !
Depuis le mois d’août, vous
alertez l’Afrique, notamment dans vos
interventions comme éditorialiste et vos
émissions de géopolitique sur la chaîne
de télévision internationale francophone
AFRIQUE MEDIA, sur cette déstabilisation
générale venue des USA. Qu’est-ce qui
vous permet d’affirmer tout cela ?
Mon école géopolitique (dite «
euro-soviétique » dans les années 80,
aujourd’hui « de l’Axe Eurasie-Afrique
») a pour devise la formule du grand
géopoliticien allemand Karl Haushofer,
le père du concept de « bloc continental
» : « se faire enseigner par l’ennemi
est un honneur ». Mon équipe et moi-même
lisons donc quotidiennement la grande
production des think tanks et des
géopoliticiens américains, ainsi que les
médias de l’ennemi. Et là tout est
lumineux. Des documents, des
déclarations ont été publiées qui ne
laissent aucun doute sur le nouveau
projet de recolonisation des USA en
Afrique.
La Voix de la Russie
: Quel sont ces documents ? Donnez-nous
des exemples.
Luc Michel : Pour
ceux qui douteraient de mes analyses,
j’ai publié (sur ma chaîne politique
PCN-TV et dans des émissions du GRAND
JEU, l’émission de géopolitique que je
produis pour EODE-TV et AFRIQUE MEDIA
TV), notamment un document révélateur,
des images confidentielles du « Sommet
alternatif » de la NED. Intitulée «
Africa Civil Society Conference », à
Washington les 5 et 6 août 2014, « en
marge du Sommet USA – Afrique », la
Conférence entendait organiser « un
programme d’action pour la démocratie »,
entendez des régimes pro-occidentaux
sous influence des USA, et était centrée
sur l’action dans les médias. Vous y
verrez des centaines et des centaines
d’activistes, syndicalistes et
journalistes africains pris en main, y
compris et surtout financièrement, par
la NED pour déstabiliser le continent
africain. Voici en action la fabrique
des mercenaires pro-étasuniens des
changements de régime en Afrique !
Voici comment la
NED présente sa conférence : « Profitant
de l’occasion offerte par le Sommet des
dirigeants africains de la Maison
Blanche, les principales organisations
de démocratie et des droits de l’homme
américaines convoqueront une conférence
de la société civile africaine
concurrente, vers un programme d’action
pour la démocratie, le 5 août (sur
invitation seulement) et le 6 à
Washington, DC. La conférence sera une
plate-forme importante pour les
militants africains principaux de
rappeler à leurs gouvernements et la
communauté internationale que les
citoyens africains apprécient la liberté
et la démocratie. Elle sera aussi une
occasion pour aider à réaffirmer la
réforme démocratique et les droits de
l’homme sur l’agenda africain, à
galvaniser et à diffuser le programme
des militants de la démocratie
africaine, partager défis et
réalisations, identifier les priorités
et les stratégies d’action »…
J’ai publié un
second document-vidéo de la NED : le
clip de propagande officiel du « Sommet
Afrique » de la NED (clip de « Africa
Civil Society Conference Recap ») ! Vous
y verrez la 5e colonne US en Afrique,
sûre d’elle, déterminée. A noter
l’accent mis sur un activiste de Guinée
Equatoriale, mis en avant. Car le
président Obiang Nguema Mbasogo et le
nouveau centre du panafricanisme et donc
l’une des cibles principales de
Washington. On y explique qui sont les
partenaires de la NED, notamment les
réseaux Open Society de Georges Soros,
un autre des grands organisateurs et
financiers des « révolutions de couleur
».
Cerise sur le
gâteau, la conférence était sponsorisée
par Freedom House, un autre organisme US
spécialisé dans le financement des
changements de régime, ainsi que…
Facebook ! A la fin du clip, comme pour
vendre une marque, la NED annonce sans
vergogne ses sponsors…
Pour nos lecteurs,
pourriez-vous préciser en quelques mots
ce qu’est exactement la NED ?
La NED est un
organisme para-gouvernemental US et a
été qualifiée à juste titre de « vitrine
légale de la CIA ». Depuis 30 ans, la
National Endowment for Democracy
sous-traite la partie légale des
opérations illégales de la CIA. Sans
éveiller de soupçons, elle a mis en
place le plus vaste réseau de corruption
du monde, achetant syndicalistes,
politiciens, activistes et journalistes.
Vous mettez
aussi en cause une initiative d’Obama,
les YALI ?
Oui la « Young
African Leaders Initiative », les YALI !
J’ai publié aussi une vidéo du meeting
des YALI, avec Obama à Washington le 3
août dernier. On y voit le formatage de
jeunes africains, américanisés pour
servir de 5e colonne à la recolonisation
de l’Afrique par les USA. A noter
particulièrement le début et l’hystérie
collective pour Obama arrivant.
Lors du sommet USA-African Leaders, les
YALI, une initiative d’Obama et surtout
un réseau américain en Afrique, ont
donné le ton. Washington a lourdement
insisté sur les composantes de la
démocratie made in USA. Il faut voir la
vidéo sur le Meeting des YALI, la «
Young African Leaders Initiative » avec
Obama le 3 août 2014. Sans aucun doute
la plus grande menace pour l’Afrique. Il
faut assister à l’ « américanolatrie »
de ces jeunes Africains, formatés pour
servir les intérêts US sur leur
continent. Et avec qui Obama entend
remplacer les chefs d’Etat africains
actuels et asservir l’Afrique.
Qu’est ce qui
vous permet d’établir la nocivité de ces
« Young African Leaders » ?
Une réalité fort
simple. Les YALI sont une version
africaine d’une opération menée par les
USA en France depuis 1976 via La «
French-American Foundation » : les «
young leaders ». La French-American
Foundation – France est la matrice de la
collaboration française avec les USA.
C’est la principale organisation en
France qui se consacre à « renforcer les
liens entre la France et les États-Unis
». Officiellement, « Depuis sa création
en 1976, elle se consacre à encourager
un dialogue actif entre les deux
nations. L’objectif de cette fondation
est d’œuvrer à une meilleure
compréhension mutuelle entre les deux
pays et à la recherche de solutions
partagées (…) En 1975, plusieurs
personnalités politiques, universitaires
et économiques décidèrent de créer un
environnement d’échanges et de débats
afin d’approfondir la relation entre la
France et les États-Unis. La naissance
de la French-American Foundation fut
officialisée en 1976 à Washington par
les présidents Valéry Giscard d’Estaing
et Gerald Ford, lors des célébrations du
bicentenaire de la Déclaration
d’indépendance américaine. »
Quel a été le
résultat de l’action de cette fondation
? Vous parlez d’un « outil de
vassalisation des élites françaises » ?
L’outil de
vassalisation des élites françaises est
précisément l’organisation de «
séminaires pour des jeunes dirigeants
(Young Leaders) français et américains
issus de la politique, de la finance, de
la presse », « à fort potentiel de
leadership et appelés à jouer un rôle
important dans leur pays et dans les
relations franco-américaines ». « Young
Leaders » a été lancé en France en 1981.
« Il s’agissait de la première grande
initiative transatlantique visant à
renforcer les liens entre les deux pays
en encourageant la rencontre et
l’échange entre futurs leaders français
et américains (…) Plus de 30 ans après,
elle continue de jouer un rôle-clé dans
le développement des liens
transatlantiques, rassemblant
aujourd’hui plus de 400 dirigeants issus
du monde de la haute fonction publique,
de l’entreprise, des médias, de l’armée
et de la recherche ».
Pour comprendre, parmi les Young Leaders
de précédentes sélections: Henri de
Castries (1994, président du directoire
du groupe Axa), Jérôme Clément (1982,
président d’ARTE), Annick Cojean (2000,
journaliste au Monde), Jean-Marie
Colombani (1983, fondateur de Slate et
ancien directeur du Monde), Matthieu
Croissandeau (2002, rédacteur en chef
adjoint du Nouvel Observateur),
Jean-Louis Gergorin (1994, dirigeant du
groupe AEDS, Airbus, etc.), Bernard
Guetta (1981, journaliste à France
Inter), François Hollande (1996,
président de la République française),
Erik Izraelewicz (1994, directeur du
Monde), Laurent Joffrin (1994, PDG de
Libération), Alain Juppé (1981, maire de
Bordeaux), Sylvie Kauffmann (1998,
journaliste au Monde), Yves de Kerdrel
(2005, éditorialiste au Figaro), Anne
Lauvergeon (1996, ancienne présidente
d’AREVA), François Léotard (1981, ancien
ministre de la Défense), Bruno Le Roux
(1998, ex président du groupe PS à
l’Assemblée nationale), Alain Minc
(1981, conseiller politique, économiste,
essayiste), Arnaud Montebourg (2000, ex
ministre du Redressement productif),
Aquilino Morelle (1998, ex conseiller
politique au cabinet du président de la
République François Hollande), Pierre
Moscovici (1996, ex ministre de
l’Économie et des Finances, commissaire
de l’UE), Olivier Nora (1995, président
des Éditions Fayard), Christine Ockrent
(1983, journaliste), Denis Olivennes
(1996, président d’Europe 1), Valérie
Pécresse (2002, ancienne ministre de
l’Éducation nationale), Alain Richard
(1981, ancien ministre de la Défense),
Jacques Toubon (1983, député UMP),
Marisol Touraine (1998, ministre des
Affaires sociales et de la Santé), Najat
Vallaud-Belkacem (2006, ministre des
Droits des femmes)…
C’est ce qui
attend l’Afrique avec les YALI ?
Nul besoin de la
théorie du complot – incapacitante et
qui détourne de l’action politique – ou
des élucubrations antisémites pour
disséquer la nature du régime français
au prisme de la fabrication de ces «
Young Leaders ». Il suffit d’analyser
les rapports de domination impérialiste
en France et ses outils de
vassalisation. On comprend mieux alors
comment s’exerce la domination des USA
en France, comment Washington domine
médias, affaires et monde politique,
comment, renforcé encore par divers
lobbies, fondations et réseaux – dont
les réseaux atlantistes ou neocons en
France (revue de BHL La Règle du jeu,
etc) -, les USA imposent à la France une
politique au service de l’étranger et
contraire à ses intérêts fondamentaux et
à ceux de la Grande-Europe ! On voit
aussi alors pourquoi Paris avec Sarkozy
et Hollande s’est détourné de la
véritable politique de la France, celle
de l’Axe Paris-Moscou, celle du général
de Gaulle. Avec son « Europe de l’Altantique
à l’Oural », sa « Grande politique arabe
», son opposition à l’OTAN et au « parti
américain » (dixit de gaulle lui-même).
Et bien entendu la situation est la même
partout en Europe. Ce qui existe en
France existe à Bruxelles, Rome, Berlin
ou Madrid. Ou encore au sein du
Parlement européen ou de l’OSCE…
C’est évidemment le même projet de
domination et le même outil de
vassalisation que Washington entend
organiser avec ses YALI, clone ou copie
conforme des « young leaders » français
!
Venons-en au
Gabon. Vous êtes au centre d’une
nouvelle polémique dans ce pays suite à
la diffusion de votre émission « Le
Grand Jeu. Une révolution de couleur au
Gabon ? » Cette polémique faisant suite
à celle sur le livre de Pierre Péan «
Nouvelles affaires africaines » que vous
analysez dans cette émission. Le Gabon
est communément considéré comme
l’exemple par excellence du système
néocolonial de la Françafrique. Bon
nombre de spécialistes et d’observateurs
l’appellent même la « tirelire » ou
encore « la propriété privée de la
France dans le domaine du pétrole ».
Selon vous, les instigateurs donc des
changements en question veulent placer
leurs propres pions à la place de ceux
placés dans le passé par la France ? Le
tout au travers d’une révolution de
couleur où vous identifiez la marque des
réseaux américains spécialisés…
Je ne suis pas le
seul à identifier cette révolution de
couleur, au Gabon notamment. J’ai
diffusé dans mon émission une vidéo
apparue le 14 novembre dernier sur les
réseaux sociaux. D’origine anonyme et
intitulée « le pompier pyromane », elle
dénonce elle aussi l’organisation d’une
« révolution de couleur » au Gabon, au
profit de Jean Ping. J’ai une longue
expertise de ces « révolutions »
organisées par les USA en Europe de
l’Est et dans le monde arabe, que je
combats depuis la première expérience
dans la Yougoslavie du président
Milosevic. Je valide la démonstration de
cette vidéo et j’en partage les thèses…
Il y й une marque,
un modus operandi des réseaux
OTPOR/CANVAS derrière les « révolutions
de couleur » en Europe de l’Est mais
aussi derrière le soi-disant « printemps
arabe ». Et on retrouve la marque de ces
réseaux américains aujourd’hui au Gabon.
Mais ce n’est évidemment pas tout. Il y
a un arrière-plan géopolitique à la
crise gabonaise. Ma thèse c’est que cet
arrière-plan a changé depuis 2007-2008.
Il y a une vision géopolitique ou un
plan géopolitique américain, anglo-saxon
pour l’Afrique. Et ce plan donne un rôle
secondaire à une France, diminuée et
vassalisée, placée sous le contrôle de
l’OTAN et de l’AFRICOM.
La Voix de la
Russie
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