Palestine
En 64 ans,
les Palestiniens ont accumulé de
l’expérience
Khaled al-Batch
Photo:
D.R.
Mercredi 9 juillet 2014
Interviewé par le quotidien
al-Akhbar, Khaled al-Batch, responsable
des relations extérieures dans le
mouvement du Jihad islamique en
Palestine, a déclaré que l’armée
sioniste a déclenché la guerre contre la
bande de Gaza pour déplacer la bataille
qui se déroulait dans al-Quds et al-Nasra
(entre autres), car elle ne pouvait
bombarder ces deux localités avec des
F16 comme elle le fait à présent à Gaza.
Le genre de bataille qu’elle est obligée
de mener contre les localités
palestiniennes la harasse et l’exténue,
elle préfère avoir le dessus en
utilisant sa supériorité militaire.
Introduction
« Depuis le début de la troisième guerre
contre Gaza, il est devenu difficile de
joindre les dirigeants des organisations
palestiniennes qui ont pris les
précautions nécessaires et adéquates.
« al-Akhbar » a réussi à joindre le
responsable des relations extérieures
dans le mouvement du « Jihad islamique »
et a mené ce dialogue avec lui à propos
de la position du mouvement quant à
l’intensification de la lutte dans les
territoires palestiniens et la guerre
sur Gaza ».
Intégralité de l’interview
Q. Tout d’abord, pourquoi le mouvement
du Jihad islamique a pris l’initiative
de bombarder Tel Aviv à ce moment de la
bataille ?
R. D’abord, nous avons légalement le
droit de résister dans toute ville de la
Palestine occupée. Notre décision a été
prise lorsque l’occupant a exécuté de
lourdes attaques, lorsqu’il a visé les
maisons des civils et commis des
massacres à vue d’œil, lorsqu’il a
détruit les lieux de culte et les
mosquées, notre devoir a été de riposter
fermement. Nous avons bombardé Tel Aviv,
qui n’est pas plus important que Gaza,
Rafah ou Bayt Lahia.
Q. Que pensez-vous de la trêve alors que
la guerre se poursuit, d’autant plus que
certaines déclarations palestiniennes
continuent à évoquer la trêve, malgré la
poursuite de la guerre ?
R. Dès les premiers instants de
l’agression contre la Cisjordanie, puis
le crime d’assassinat et l’immolation de
l’enfant Muhammad Abu Khdayr, il n’a pas
été possible, psychologiquement parlant,
d’accepter de parler d’une trêve, alors
que l’agression se poursuivait sur
l’ensemble des territoires palestiniens
et qu’il y avait des menaces d’invasion.
Tant que l’agression se poursuit, cela
nécessite une riposte et un
affrontement. Avant et pendant
l’agression, notre peuple vit sous
occupation et souffre d’un blocus à
Gaza, nous avons perdu la vie digne en
Cisjordanie et al-Quds, à cause des
attaques des colons et des entraves
posées par Israël. La position est celle
de la résistance. Mais si l’ennemi cesse
ses crimes dans tous les lieux,
simultanément, et qu’il lève le blocus,
nous pouvons alors évoquer la trêve,
mais pas moins que les conditions de
2012.
Q. Des observateurs disent que les
grandes organisations de la résistance
(Jihad islamique et Hamas) ont retardé
l’annonce de l’envoi de fusées en
direction des colonies de l’occupation,
la plupart des déclarations ont émané
des autres groupes armés. Pourquoi le
« Jihad » et le « Hamas » ont tardé à
riposter ?
R. Il y a une différence entre le fait
de tirer et de l’annoncer, les Brigades
al-Quds, la branche militaire du
mouvement du Jihad islamique n’a pas
annoncé ses opérations avant la nuit
d’avant-hier (7 juillet), et il en est
de même pour le Hamas. Il y a une
différence entre annoncer une action et
l’exécuter, tout en choisissant le
moment propice à l’annonce. Il nous faut
être précis et clairs.
Q. Pourquoi la guerre aujourd’hui contre
la bande de Gaza, deux ans après 2012,
alors que quatre années ont séparé cette
dernière de la guerre de 2008 ?
R. « Israël » veut déplacer la bataille
qui se déroulait dans al-Quds, al-Nasra
et Ramallah vers l’espace de Gaza, car
il ne peut y utiliser les F16, les
navires de guerre ou les chars. Tout ce
qu’il peut y faire, c’est utiliser les
gaz, les balles en caoutchouc et les
matraques. Ce genre de scène fatigue
« Israël » et exténue le soldat
« israélien », car il ne lui permet pas
d’avoir une supériorité dans
l’affrontement. Devant Gaza, l’Israélien
a l’occasion de reprendre la force de
dissuasion et sa renommée, notamment
après l’incident des trois colons. Comme
à son habitude, l’ennemi a commencé la
guerre par des mesures préliminaires,
puis le bombardement aérien. D’habitude,
il fait appel à l’armée de terre lorsque
commence la bataille, mais cette
fois-ci, il l’a appelé avant la campagne
contre Gaza.
Q. Vous avez dit à plusieurs reprises
que si « Israël » lançait une guerre
contre Gaza, il serait surpris.
Pouvez-vous nous parler de ces surprises
?
R. Je ne suis pas en mesure de parler de
ces sujets, ce sont les dirigeants
militaires qui en sont chargés. Mais il
n’y a aucun doute sur le fait que les
organisations de la résistance sont
toutes prêtes à accueillir cet instant.
Elles riposteront en accumulant leur
force jusqu’à ce qu’elles puissent
dissuader l’Israélien. Nous parlons d’un
conflit qui dure depuis 64 ans, et les
Palestiniens ont accumulé de
l’expérience et des capacités.
Q. Est-il vrai que la décision du
« Jihad islamique » de riposter à toute
guerre israélienne dépend du « Hamas » ?
R. Ceci n’est pas vrai, et il est
illogique de parler ainsi. La riposte du
« Jihad » dépend du maintien de
l’occupation et de son agression, et non
de la décision du « Hamas ». Le
« Hamas » est un mouvement de résistance
et il a les mêmes devoirs que les autres
organisations. Nous agissons ensemble
dans le cadre des ripostes légales, et
le « Jihad islamique » est lié à ses
convictions et à son analyse de la
situation à partir de l’intérêt du
peuple palestinien. L’évaluation de la
situation reste maître de la décision.
Q. Quel est le rôle égyptien envers
l’intensification de la bataille, est-ce
qu’il y a des relations directes entre
le « Jihad » et le Caire ?
R. Il faut rappeler avant toute chose
que l’Egypte est présente dans les
dossiers du conflit, elle n’est pas
absente. Au cours des dernières heures,
nous avons entendu parler de contacts,
et le « Hamas » nous a annoncé qu’il y a
des contacts, mais sans résultats
encore. Le Caire ne permettra pas à
l’occupation de tuer notre peuple, et
nous saluons son rôle, mais nous
demandons encore plus d’actes, et
notamment au niveau de la Ligue arabe.
Nous devons signaler l’ampleur de l’aide
accordée par la Ligue arabe aux
organisations de l’opposition en Syrie,
en Iraq et en Libye, en comparaison avec
son soutien à la résistance en
Palestine. Il n’y a pas lieu de
comparer. Aucun Etat arabe ne nous a
apporté de l’aide officiellement, alors
que certains Etats islamiques nous
apportent de l’aide.
Q. Mais, au cours de la guerre
précédente, l’Egypte est intervenue pour
faire cesser les fusées et il y avait
des contacts directs avec le
« Jihad islamique ». Avant le début de
cette guerre, les prévisions indiquaient
la possibilité de fixer la trêve.
Qu’est-ce qui s’est passé ?
R. Je répète, « Israël » veut disperser
l’attention portée sur la Cisjordanie,
al-Quds et l’intérieur occupé (en 48).
C’est pourquoi il a ouvert le front à
Gaza. Par contre, nous voulons que
l’attention soit maintenue sur al-Quds
et sur la dépouille de l’enfant Abu
Khdayr, et que le mouvement populaire se
poursuive en Cisjordanie, avec la mise
en place des comités populaires.
Q. Comment évaluez-vous le rôle de
l’Autorité envers ce qui se passe ?
R. L’Autorité est l’absent présent, elle
a injustement traité son peuple, et
s’est mise dans une position dans
laquelle personne ne doit se mettre. Ce
sont nos frères, mais ils se sont mis
dans une caisse, ils ne sont ni avec la
résistance, ni avec le peuple, ni avec
l’occupation, comme s’ils n’avaient de
relations avec personne… Il faut que
l’Autorité prenne la décision
d’interdire la « coordination
sécuritaire » tout comme elle doit se
diriger vers les Nations-Unies et les
organisations internationales. Jusqu’à
présent, l’Autorité veut satisfaire les
Etats-Unis et « Israël » au dépend de
notre peuple, et cela est étonnant. Si
elle poursuit cette voie, elle va
disparaître de la Cisjordanie, car elle
est déjà en position de dissolution.
Q. Certaines estimations disent qu’une
troisième Intifada va se déclencher ces
jours-ci. Mais des observateurs disent
qu’elle sera contre l’Autorité d’abord,
puis contre « Israël ». Qu’en
pensez-vous ?
R. C’est probable, mais nous souhaitons
qu’elle soit contre « Israël » et que
nous ne soyions pas pris dans des
conflits internes. Malgré tout,
l’Autorité ne doit pas se poser entre
les masses et « Israël » sous prétexte
de protéger les jeunes. Dans tous les
cas, elle ne les protège pas, tous les
soirs, les Israéliens viennent arrêter
les jeunes et eux (les services
sécuritaires de l’Autorité) regardent
sans riposter. C’est pourquoi la colère
populaire gronde en Cisjordanie contre
l’Autorité.
Q. Que pensez-vous de l’attitude du
président de l’Autorité Mahmoud Abbas,
qui a fortement dénoncé l’affaire des
trois colons et a faiblement riposté à
l’assassinat de l’enfant Abu Khdayr ?
R. Il s’agit d’un des aspects négatifs
vécus par Mahmoud Abbas. Il essaie de
convaincre la communauté internationale
qu’il veut la paix, mais personne ne le
croit. Nous le conseillons de se tourner
pour consolider la situation interne et
achever la réconciliation avec tous ses
articles, et qu’il donne au peuple
l’occasion d’exprimer sa volonté. C’est
l’occasion pour Abu Mazen de soutenir le
mouvement populaire. Il est nécessaire
d’appeler à une réunion afin de prendre
une décision concernant la protection
des Palestiniens.
Q. Comment le « Jihad » évalue-t-il le
travail du gouvernement d’entente en
Cisjordanie, ou à Gaza, avec la
poursuite de la crise des salaires et
des arrestations politiques ?
R. Ce gouvernement est un gouvernement
d’entente juste par son nom, mais c’est
un gouvernement du Fateh et de Hamas. Il
n’a pas été formé par l’entente
nationale. C’est pourquoi nous, le
« Jihad », nous avons dit que nous
saluons la formation du gouvernement
mais le soutien apporté dépendra de son
action sur le terrain. Lorsqu’il
exécutera tous ses engagements envers le
peuple, il aura notre respect. Jusqu’à
présent, il n’a fait qu’approfondir la
division, concernant les salaires des
fonctionnaires à Gaza. Nous espérions
qu’il fera face à des crises
extérieures, comme l’ennemi ou les
pressions internationales, mais il reste
incapable de régler la crise des
salaires.
………….
Dès les premiers instants après la
disparition des trois colons dans
al-Khalil, les médias sionistes ont mené
une campagne virulente contre le
dirigeant Khaled al-Batch en s’appuyant
sur ses déclarations concernant le droit
de la résistance à libérer les
prisonniers par tous les moyens
disponibles.
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