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Grippe A. L'implacable réquisitoire du député Wodarg
Wolfgang Wodarg
Jeudi 7 janvier 2010
Président de la commission santé du Conseil de l’Europe,
l’allemand Wolfgang Wodarg a obtenu le lancement d’une enquête
de cette instance sur le rôle joué par les laboratoires dans la
campagne de panique autour du virus.
Ex-membre du SPD, Wolfgang Wodarg est médecin et
épidémiologiste. Il a obtenu à l’unanimité des membres de la
commisionn santé du Conseil de l’Europe une commision d’enquête
sur le rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion de la
grippe A par l’OMS et les états..
Qu’est ce qui a attiré vos soupçons dans la prise d’influence
des laboratoires sur les décisions prises à l’égard de la grippe
A ?
Wolfgang Wodarg.
Nous sommes confrontés à un échec des grandes institutions
nationales, chargées d’alerter sur les risques et d’y répondre
au cas où une pandémie survient. En avril quand la première
alarme est venue de Mexico j’ai été très surpris des chiffres
qu’avançait l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour
justifier de la proclamation d’une pandémie. J’ai eu tout de
suite des soupçons : les chiffres étaient très faibles et le
niveau d’alarme très élevé. On en était à même pas mille malades
que l’on parlait déjà de pandémie du siècle. Et l’alerte extrême
décrétée était fondée sur le fait que le virus était nouveau.
Mais la caractéristique des maladies grippales, c’est de se
développer très vite avec des virus qui prennent à chaque fois
de nouvelles formes, en s’installant chez de nouveaux hôtes,
l’animal, l’homme etc. Il n’y avait rien de nouveau en soi à
cela. Chaque année apparaît un nouveau virus de ce type
« grippal ».
En réalité rien ne justifiait de sonner l’alerte à
ce niveau. Cela n’a été possible que parce que l’OMS a changé
début mai sa définition de la pandémie. Avant cette date il
fallait non seulement que la maladie éclate dans plusieurs pays
à la fois mais aussi qu’elle ait des conséquences très graves
avec un nombre de cas mortels au dessus des moyennes
habituelles. On a rayé cet aspect dans la nouvelle définition
pour ne retenir que le critère du rythme de diffusion de la
maladie. Et on a prétendu que le virus était dangereux car les
populations n’avaient pas pu développer de défense immunitaires
contre lui. Ce qui était faux pour ce virus. Car on a pu
observer que des gens âgés de plus de 60 ans avaient déjà des
anticorps. C’est-à-dire qu’ils avaient déjà été en contact avec
des virus analogues. C’est la raison pour laquelle d’ailleurs il
n’y a pratiquement pas eu de personnes âgées de plus de 60 ans
qui aient développé la maladie. C’est pourtant à celles là qu’on
a recommandé de se faire vacciner rapidement.
Dans les choses
qui ont suscité mes soupçons il y a donc eu d’un côté cette
volonté de sonner l’alerte. Et de l’autre des faits très
curieux. Comme par exemple la recommandation par l’OMS de
procéder à deux injections pour les vaccins. Ça n’avait jamais
été le cas auparavant. Il n’y avait aucune justification
scientifique à cela. Il y a eu aussi cette recommandation de
n’utiliser que des vaccins brevetés particuliers. Il n’existait
pourtant aucune raison à ce que l’on n’ajoute pas, comme on le
fait chaque années, des particules antivirales spécifiques de ce
nouveau virus H1N1, « complétant » les vaccins servant à la
grippe saisonnière.
On ne l’a pas fait car on a préféré utiliser
des matériaux vaccinales brevetés que les grands laboratoires
avaient élaborées et fabriqué pour se tenir prêts en cas de
développement d’une pandémie. Et en procédant de cette façon on
n’a pas hésité à mettre en danger les personnes vaccinées
Quel danger ?
Wolfgang Wodarg.
Pour aller vite dans la mise à disposition des produits on a
utilisé des adjuvants dans certains vaccins, dont les effets
n’ont pas été suffisamment testés. Autrement dit : on a voulu
absolument utiliser ces produits brevetés nouveaux au lieu de
mettre au point des vaccins selon des méthodes de fabrication
traditionnelles bien plus simples, fiables et moins coûteuses.
Il n’y avait aucune raison médicale à cela.Uniquement des
raisons de marketing.
Comment a-t-on pu justifier de cela ?
Wolfgang Wodarg.
Pour comprendre il faut en revenir à l’épisode de la grippe
aviaire de 2005 - 2006. C’est à cette occasion là qu’ont été
définis les nouveaux plans internationaux destinés à faire face
à une alarme pandémique. Ces plans ont été élaborés
officiellement pour garantir une fabrication rapide de vaccins
en cas d’alerte. Cela a donné lieu à une négociation entre les
firmes pharmaceutiques et les Etats. D’un côté les labos
s’engageaient à se ternir prêts à élaborer les préparations, de
l’autre les Etats leur assuraient qu’ils leur achèteraient bien
tout cela. Au terme de ce drôle de marché l’industrie
pharmaceutique ne prenait aucun risque économique en s’engageant
dans les nouvelles fabrications. Et elle était assurée de
toucher le jack pot en cas de déclenchement d’une pandémie.
Vous contestez les diagnostics établis et la gravité, même
potentielle, de la grippe A ?
Wolfgang Wodarg.
Oui, c’est une grippe tout ce qu’il y a de plus normal. Elle ne
provoque qu’un dixième des décés occasionnés par la grippe
saisonnière classique. Tout ce qui importait et tout ce qui a
conduit à la formidable campagne de panique à laquelle on a
assisté, c’est qu’elle constituait une occasion en or pour les
représentants des labos qui savaient qu’ils toucheraient le gros
lot en cas de proclamation de pandémie.
Ce sont de très graves accusations que vous portez là. Comment
un tel processus a-t-il été rendu possible au sein de l’OMS ?
Wolfgang Wodarg.
Un groupe de personnes à l’OMS est associé de manière très
étroite à l’industrie pharmaceutique.
L’enquête du conseil de l’Europe va travailler aussi dans cette
direction ?
Wolfgang Wodarg.
Nous voulons faire la lumière sur tout ce qui a pu rendre cette
formidable opération d’intox. Nous voulons savoir qui a décidé,
sur la base de quelles preuves scientifiques, et comment s’est
exercé précisément l’influence de l’industrie pharmaceutique
dans la prise de décision. Et nous devons enfin présenter des
revendications aux gouvernements.
L’objectif de la commission
d’enquête est qu’il n’y ait plus à l’avenir de fausses alertes
de ce genre. Que la population puisse se reposer sur l’analyse,
l’expertise des instituions publiques nationales et
internationales. Celles ci sont aujourd’hui discréditées car des
millions de personnes ont été vaccinés avec des produits
présentant d’éventuelles risques pour leur santé. Cela n’était
pas nécessaire. Tout cela a débouché aussi sur une gabegie
d’argent public considérable.
Avez-vous des chiffres concrets sur l’ampleur de cette gabegie ?
Wolfgang Wodarg.
En Allemagne ce sont 700 millions d’euros. Mais il est très
difficile de connaître les chiffres précis car on parle
maintenant d’un côté de reventes de vaccins à des pays étrangers
et surtout les firmes ne communiquent pas, au nom du principe du
respect du « secret des affaires » les chiffres des contrats
passés avec les Etats et les éventuelles clauses de
dédommagements qui y figurent.
Le travail de « lobying » des labos sur les instituts de santé
nationaux sera-t-il aussi traité par l’enquête du conseil de
l’Europe ?
Wolfgang Wodarg.
Oui nous nous pencherons sur l’attitude des instituts comme le
Robert Koch en Allemagne ou Pasteur en France qui aurait dû en
réalité conseiller leurs gouvernements de façon critique. Dans
certains pays des institutions l’ont fait. En Finlande ou en
Pologne, par exemple, des voix critiques se sont élevées pour
dire : « nous n’avons pas besoin de cela ».
La formidable opération d’intox planétaire n’a-t-elle pas été
possible aussi parce que l’industrie pharmaceutique avait « ses
représentants » jusque dans les gouvernements des pays les plus
puissants ?
Wolgang Wodarg.
Dans les ministères cela me paraît évident. Je ne peux pas
m’expliquer comment des spécialistes , des gens très
intelligents qui connaissent par coeur la problématique des
maladies grippales, n’aient pas remarqué ce qui était en train
de se produire.
Que s’est-il passé alors ?
Wolfgang Wodarg.
Sans aller jusqu’à la corruption directe qui j’en suis certain
existe, il y a eu mille manières pour les labos d’exercer leur
influence sur les décisions. J’ai pu constater très concrètement
par exemple comment Klaus Stöhr qui était le chef du département
épidémiologique de l’OMS à l’époque de la grippe aviaire, et qui
donc a préparé les plans destinés à faire face à une pandémie
que j’évoquais plus haut, était devenu entre temps un haut cadre
de la société Novartis. Et des liens semblables existent entre
Glaxo ou Baxter (etc) et des membres influents de l’OMS. Ces
grandes firmes ont « leurs gens » dans les appareils et se
débrouillent ensuite pour que les bonnes décisions politiques
soient prises. C’est à dire celles qui leur permettent de pomper
le maximum d’argent des contribuables.
Mais si votre enquête aboutit, ne sera-t-elle pas un appui pour
les citoyens d’exiger de leurs gouvernements qu’ils demandent
des comptes à ces grands groupes ?
Wolfgang Wodarg.
Oui, vous avez raison, c’est l’un des grands enjeux lié à cette
enquête. Les états pourraient en effet se saisir de cela pour
contester des contrats passés dans des conditions, disons, pas
très propres. S’il peut être prouvé que c’est la prise
d’influence des firmes qui a conduit au déclenchement du
processus alors ils faudra les pousser à ce qu’ils demandent à
être remboursés. Mais ça c’est uniquement le côté financier, il
y a aussi le côté humain, celui des personnes qui ont été
vaccinés avec des produits qui ont été insuffisamment testés.
Quel type de risque ont donc pris, sans qu’ils le sachent, ces
gens en bonne santé en se faisant vacciner ?
Wolfgang Wodarg. Je
le répète les vaccins ont été élaborés trop rapidement, certains
adjuvants insuffisamment testés. Mais il y a plus grave. Le
vaccin élaboré par la société Novartis a été produit dans un
bioréacteur à partir de cellules cancéreuses. Une technique qui
n’avait jamais été utilisée jusqu’à aujourd’hui.
Pourquoi, je ne suis évidemment pas un spécialiste, mais comment
peut-on prétendre faire un vaccin à partir de cellules malades ?
Wolfgang Wodarg.
Normalement on utilise des œufs de poules sur lesquels les virus
sont cultivés. On a besoin en effet de travailler sur des
cellules vivantes. Car les virus ne peuvent se multiplier que de
cette manière et donc, par définition, les préparations
antivirus qui vont avec. Mais ce procédé présente un gros
défaut, il est lent, il faut beaucoup d’œufs. Et il est long et
complexe sur le plan technique.
Une autre technique au
potentiel remarquable consiste à cultiver les virus sur des
cellules vivantes dans des bio-réacteurs. Pour cela il faut des
cellules qui croissent et se divisent très vite. C’est un peu le
procédé que l’on utilise pour la culture du yaourt que l’on
réalise d’ailleurs aussi dans un bio-réacteur. mais dans ce
contexte la cellule a été tellement bouleversée dans son
environnement et sa croissance qu’elle croit comme une cellule
cancéreuse.
Et c’est sur ces cellules au rendement très élevé
que l’on cultive les virus. Seulement pour fabriquer le vaccin
il faut extraire à nouveau les virus de ces cellules sur
lesquelles ils ont été implantés. Et il peut donc se produire
que durant le processus de fabrication du vaccin des restes de
cellule cancéreuse demeurent dans la préparation. Comme cela se
produit dans la fabrication classique avec les oeufs. On sait
ainsi que dans le cas d’une vaccination de la grippe classique
des effets secondaires peuvent apparaître chez les personnes qui
sont allergiques à l’ovalbumine que l’on trouve dans le blanc d’oeuf.
Il
ne peut donc pas être exclu que des protéïnes, restes d’une
cellule cancéreuse présentes dans un vaccin fabriqué par
bio-réacteur, n’engendre une tumeur sur la personne vaccinée.
Selon un vrai principe de précaution il faudrait donc, avant
qu’un tel produit ne soit autorisé sur le marché, avoir la
certitude à 100% que de tels effets sont réellement exclus.
Et cela n’a pas été fait ?
Wolfgang Wodarg.
On ne l’a pas fait. L’AME ( Agence Européenne du Médicament),
une institution sous la responsabilité du commissaire européen à
l’économie, basée à Londres, qui donne les autorisations de mise
sur le marché des vaccins en Europe, a donné son feu vert à la
commercialisation de ce produit en arguant, en l’occurrence, que
ce mode de fabrication ne constituait pas un risque
« significatif ».
Cela a été très différemment apprécié par de
nombreux spécialistes ici en Allemagne et une institution
indépendante sur le médicament, qui ont au contraire alerté et
fait part de leurs objections. J’ai pris ces avertissements au
sérieux. J’ai étudié le dossier et suis intervenu dans le cadre
de la commission santé du Bundestag dont j’étais alors membre
pour que le vaccin ne soit pas utilisé en Allemagne. J’ai fait
savoir que je n’étais certainement pas opposé à l’élaboration de
vaccins avec cette technique. Mais qu’il fallait d’abord avoir
une garantie totale d’innocuité. Le produit n’a donc pas été
utilisé en Allemagne où le gouvernement a résilié le contrat
avec novartis.
Quel est le nom de ce vaccin ?
Wolfgang Wogart.
Obta flu.
Mais cela veut dire que dans d’autres pays européens comme la
France le produit peut être commercialisé sans problème ?
Wolfgang Wogart.
Oui , il a obtenu l’autorisation de l’AME et peut donc être
utilisé partout dans l’Union Européenne.
Quelle alternative entendez vous faire avancer pour que l’on
échappe à de nouveaux scandales de ce type ?
Wolfgang Wogart.
Il faudrait que l’OMS soit plus transparente, que l’on sache
clairement qui décide et quelle type de relation existe entre
les participants dans l’organisation. Il conviendrait aussi
qu’elle soit au moins flanquée d’une chambre d’élue, capable de
réagir de façon très critique où chacun puisse s’exprimer. Ce
renforcement du contrôle par le public est indispensable.
N’est ce pas la question d’un autre système capable de traiter
une question qui relève en fait d’un bien commun aux citoyens de
toute la planète qui affleure ?
Wolfgang Wodarg.
Pouvons nous encore laisser la production de vaccins et la
conduite de ces productions à des organisations dont l’objectif
est de gagner le plus possible d’argent ? Ou bien la production
de vaccins n’est-elle pas quelque chose du domaine par
excellence , que les Etats doivent contrôler et mettre en œuvre
eux même ? C’est la raison pour laquelle je pense qu’il faut
abandonner le système des brevets sur les vaccins. C’est à dire
la possibilité d’une monopolisation de la production de vaccin
par un rand groupe. Car cette possibilité suppose que l’on
sacrifie des milliers de vies humaines, simplement au nom du
respect de ces droits monopolistiques. Vous avez raison , cette
revendication là a pris en tout cas pour moi l’aspect de
l’évidence.
Entretien réalisé par Bruno Odent
© Journal L'Humanité
Publié le 10 janvier 2010 avec l'aimable autorisation de
L'Humanité
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