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Les grandes entrevues

Tariq Ramadan, l'optimiste prudent


Tariq Ramadan

Lundi 12 septembre 2011

Tariq Ramadan est assurément le penseur musulman le plus connu mais aussi le plus controversé de sa génération. Universitaire d’origine égyptienne qui enseigne à Oxford en Angleterre, il est aussi l’un des philosophes les plus influents au monde. Lors de son passage à Montréal pour la conférence mondiale sur la paix et les religions avec le Dalaï-Lama, nous avons pu rencontrer l’islamologue. Conversation.

Aufeminin.ca : On dit que ca prend la paix entre les religions pour avoir la paix dans le monde, vous y croyez ?

TR : « Je pense que les religions sont autant un facteur de guerre qu’un facteur de paix. Dans chaque religion spécifique, il faut comprendre ce qu’est la paix en exigeant de l’autocritique. La paix, ce n’est pas juste un état. On ne fait la paix avec l’autre que quand on est autocritique avec soi-même. S’il n’y a pas de conscience, ni de sens et d’autocritique, et bien il y a instrumentalisation. Alors quand on veut parler de paix, il faut savoir parler de droits de l’homme, de violence et comment dealer avec toutes les religions ».

Aufeminin.ca : Pensez-vous qu’il soit facile de développer plus de paix et de compassion dans notre société actuelle ? Ca semble utopique…

TR : « Oui c’est utopique si on affirme seulement ‘‘je veux la paix dans le monde, point’’. Mais si on se dit “ je veux faire progresser la question de la paix’’ et bien oui, ça c’est possible. Mais la paix, ca ne veut pas dire la cessation de la protestation. Prend l’exemple de la Tunisie récemment, et de ceux qui sont descendus dans la rue. Selon moi, la paix, ca ne se rêve pas. Ca se construit. Et le meilleur moyen d’agir contre la peur, c’est d’en parler sans s’en occuper vraiment .Le bon moyen d’aller vers la peur, c’est de s’en occuper avant d’en parler en tant que tel. Pour moi, c’est vraiment un travail à faire. Et c’est un vrai message universel. Je prends souvent l’image de la montagne en me disant ‘’le sommet est le même mais les chemins sont différents”. Tous les chemins peuvent mener à une paix. Pour moi, ce qui est une paix, c’est le fait que vous, avec vos croyances et votre histoire, vous pouvez rester tel que vous êtes, que je puisse en faire de même et que nous puissions vivre dans le même espace. C’est le respect ».

Aufeminin.ca : La population est en train de revenir à des références religieuses. Et la plupart des étudiants développent un esprit critique. Quels seraient vos messages à la nouvelle génération, aux jeunes ?

TR : « Mon travail porte sur la question du sens. Tout doit se questionner. Je travaille sur le développement d’une philosophie pluraliste. J’essaye de soulever des questions sur comment les gens se réunissent, la prise de conscience, la place de la religion et enfin, une réflexion autour de l’Islam. Effectivement, la quête de sens est très importante pour les jeunes. Mais atention, le retour à la religion comme refuge est dangereux. Le retour à la religion comme épanouissement du sens, ça c’est positif. Et c’est exactement là ou doit se situer l’éducation. La spiritualité, c’est un épanouissement qui peut se manifester sous n’importe quelle forme, comme dans ma façon de vous saluer, ma façon d’être. La spiritualité, c’est la lumière de l’action. »

Aufeminin.ca : Les soulèvements arabes ont suscité beaucoup de débats…quel est votre point de vue ? En tant qu’égyptien d’origine, comment voyez-vous la reconstruction de l’Egypte post Moubarak ?

TR : « Je reste prudemment optimiste (NDLR : il termine l’écriture d’un livre “ L’Islam à l’heure de la religion arabe”), car il y a plein de données dont on ne parle pas suffisamment, qu’on ne sait pas, qu’on ne saura jamais. Mais il y a, dans ces mouvements là, de l’impondérable et du prévu. Le prévu, c’est que depuis 2003, George Bush annonce qu’il est pour la démocratisation. Puis en 2004, on commence à assister aux premières formations non violentes de mobilisation de masse par des jeunes. On voit soudainement un mouvement qui se crée autour d’Internet et des réseaux sociaux et qui n’est absolument pas né en septembre 2010 ! Tout à coup, ca sort de rien... C’est là qu’il faut se poser la question à savoir pourquoi, à un moment donné, les États unis et les européens ont pris la décision de changer de stratégie au Moyen-Orient, eux qui sont objectivement les alliés des dictateurs, Mubarak et Ben Ali. C’est pour des raisons qui ne sont pas politiques mais économiques. Il y a eu un changement des relations économiques moyenne orientales et nord africaines avec la Chine et l’Inde ; la Chine a multiplié par 7 son commerce avec la région. Rester avec des dictateurs qui ferment les marchés, surtout quand 80% des besoins pétroliers européens étaient livrés par Kadhafi, là ca pose un problème. Et encore plus quand ce dernier annonce qu’il est en train de développer un nouvel accord avec les chinois. Donc, là, il y a un paramètre dont on ne parle pas ; tout n’est pas planifié, mais tout ne sort pas de rien ».

Aufeminin.ca : Pourquoi la Syrie désormais ? Elle n’a pourtant pas de pétrole…

TR : « La Syrie n’a pas de pétrole mais c’est l’ennemi utile dans la région. C’est le seul pays qui a toujours été contre tout le monde mais qui n’a jamais rien fait contre. Personne n’est intervenu concrètement pour faire une politique anti-Israélienne, ils ont une position très ferme contre Israël mais ils n’ont pas de politique. Donc, là, on a un pays utile pour sa position stratégique et aussi par rapport a l’Iran. Car avec l’Iran, il y a 2 problèmes : l’Iran et le chiisme. Le chiisme se présente comme parmi les traditions musulmanes, celle qui est la plus opposée par le Hezbollah, le Liban et la Syrie, à la politique israélienne. Il faut véritablement surveiller ce qu’il se passe...Mais je pense qu’il n’y a pas de paix possible avec le gouvernement israélien actuel ».

Aufeminin.ca : La culture amène également beaucoup de séparation. L’histoire et le passé font que les peuples ne peuvent pas être homogènes, donc comment exiger une paix dans le monde sans entremêler les cultures et tout en conservant sa propre identité ?…

TR : « J’ai toujours dit que le Canada est un pays d’immigration qui est en avance. Mais il faut faire très attention, tout peut arriver. Par exemple, la France a une histoire extrêmement conflictuelle avec sa propre religion, majoritairement catholique, dans la question de la laïcité. Elle a aussi un autre vrai problème avec son passé colonial, car pendant des années, les arabes étaient au cœur des sujets, ils n’avaient pas les mêmes droits que les citoyens, et soudainement ils deviennent citoyens. La France est en train de vivre une période de crise très particulière et il faut donc rester prudent. Je vois auprès des jeunes quelque chose qui est en train d’émerger. J’ai une formule très simple pour le dire : il n’y a pas de culture sans religion et il n’y a pas de religion sans culture. Dans n’importe quelle culture il y a un élément de sens religieux. Et j’entends par religion : ce qui donne sens et valeurs. Le palestinien chrétien Edward Said disait ‘’quand je vivais en Égypte, je vivais dans une culture majoritairement musulmane. Donc, je suis musulman de culture tout en étant chrétien de religion’’. La culture majoritaire est liée par des rythmes, il n’y a pas de religion qui ne soit pas rattachée à une culture, car c’est l’incarnation de la valeur et ca donne une identité. L’une ne va pas sans l’autre. Mais attention, l’une n’est pas l’autre. Car on peut toujours choisir de garder sa culture et de repousser sa religion, ce que fera l’athée. Tout comme il est possible de choisir sa religion et de repousser sa culture, et s’exiler d’une culture à une autre, quitter la France pour venir au Canada, par exemple. Regardez, je suis égyptien d’origine. Je n’ai pas à rester égyptien pour être un bon musulman ! Mes valeurs sont mes valeurs, je vis mon égyptianité comme une richesse dans ma mémoire ».

Aufeminin.ca : À Montréal, il y a une forte communauté de musulmans. Et la place des femmes est très importante et elles revendiquent beaucoup leurs droits. Comment voyez-vous l’évolution des femmes dans le monde arabe ?

TR : ’’ Mon combat porte sur l’égalité de la femme et de l’homme, l’autonomie de la femme et sa véritable détermination à être autonome. Pour moi, ce n’est pas discutable, une femme comme un homme, doit pouvoir marcher sur ses deux jambes. Il faut donner à la femme le choix qui lui permette une égalité et une autonomie, intellectuelle, sociale et financière ».

Aufeminin.ca : C’est ce qui est écrit dans le Coran ?

TR : ’’ Le Coran, ce n’est pas un texte qui se lit de façon figée. Il est révélé sur 23 années et dans le dernier verset, il parle d’un rapport de complémentarité et d’égalité. Certains prennent le début et ne contextualisent pas, donc forcément, on a deux lectures et ca pose un double problème sur la question féminine. L’Islam est né dans un environnement arabe, constitué par des sociétés patriarcales. On va projeter sur les textes des données et cultures de ces sociétés patriarcales alors, qu’en fait, c’est le contraire qu’il faudrait faire. Il faudrait que ce qui est dans le texte questionne le patriarcat, et non pas envelopper le texte d’une lecture patriarcale. C’est ce que je pense être une finalité de la révélation coranique mais il faut qu’on comprenne le texte dans son ensemble. Donc, mon vrai combat commence avec l’émancipation féminine, son autonomie et son égalité. Et le deuxième volet de mon combat, c’est l’accès à l’éducation. Ca ne sert à rien de dire ‘’tu peux t’habiller comme tu veux sans savoir ce que je veux ! Il faut que je sois éduqué. Mon pouvoir, c’est mon savoir’’. Ensuite, le troisième volet de mon combat porte sur le marché de l’emploi et l’autonomie. Ce qui signifie “ décider pour soi”. Il y a déjà des indices, une femme dans islam, quand elle se marie, elle ne prend jamais le nom de son mari...Ensuite, quand une femme gagne de l’argent, elle en est complètement libre. Son mari n’a pas à lui demander. D’ailleurs si une femme décide qu’elle ne portera pas le foulard, personne n’a le droit de lui imposer. Je me suis positionné contre l’état saoudien et l’état iranien sur ces propos. C’est dans la liberté qu’elles feront leur propre choix. Je me bats pour ca ».

Aufeminin.ca : Dix ans après les attentats du 11 sept, pensez-vous que les américains ont un problème avec les musulmans ?

TR : « Il y a 8 mois, il y a eu des facteurs troublants aux Etats-Unis, entre autres avec la mosquée de Ground zero, ce pasteur en Floride et il y a eu aussi l’émergence des Tea party et des neoconservateurs. En fait, ils ont lancé une campagne menant un discours sur Barack Obama, ne l’attaquant plus comme un African American, mais comme un musulman. Désormais, 23% des américains pensent qu’il est encore musulman et 42% pensent que ce n’est pas un bon chrétien. Dans les semaines qui ont suivi les attentats du 11 septembre, la majorité des américains pensaient que c’était un problème d’extrémisme et affirmaient qu’ils étaient conscients que les extrémistes ne représentaient pas l’islam. Aujourd’hui, les statistiques montrent que 72% des américains pensent que l’islam est un problème pour l’état. Pourquoi ? Parce que justement, ces campagnes de stigmatisation sont en train de mobiliser les gens. Et ca marche ».

Aufeminin.ca : Et on entretient une véritable culture de la peur…

TR : « Effectivement et à cela, il y a aussi le rôle des medias, des lobbys...En fait, c’est un moyen d’essayer de gagner les prochaines élections. Donc oui, les États-Unis commencent à avoir un problème avec l’islam. Tout comme il y a un gros problème de discrimination. Et ils ont développé une culture de la peur. Désormais, le musulman est perçu comme “ C’est moi votre menace”. »

© Tariq Ramadan 2008
Publié le 14 septembre 2011

 

 

   

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Source : Tariq Ramadan
http://www.tariqramadan.com/...

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