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Fériel Berraies Guigny

L'Affaire des infirmières bulgares :
Rencontre avec Maître Stéphane Zerbib


Les infirmières à  leur arrivée à l’Aéroport de Sofia
avec le médecin d’origine palestinienne ( août 2007)
crédits photo : Reuters

La polémique du procès des infirmières bulgares, qui a fait pendant des années la «  Une »  des médias, continue de faire couler beaucoup d’encre. Car  l’ancien scandale en cache un autre, à savoir les accords ou contrats secrets passés entre la France et la Libye en vue de libérer les anciens «  otages de droit international ».

Les infirmières bien que libérées après 8 ans de détention, ont le sentiment d’être flouées par la Communauté Internationale. Conscientes d’avoir été perçues comme une valeur marchande entre les intérêts de deux Nations, elles osent aujourd’hui briser le silence. Un désenchantement à tort ou à raison, qui signe les limites d’une certaine éthique humanitariste. Quand le profit des «  Grands » est en question, le poids de l’humain n’est pas de taille.

L’Expression a rencontré à Paris, Maître Stéphane Zerbib, un des trois avocats ayant assuré la défense de ces femmes. Une discussion s’est nouée autour du déroulement du procès, des Accords entre la France et la Lybie et surtout de l’état des anciennes prévenues.

Maître Stéphane Zerbib dénonce les pressions subies par ses clientes en Bulgarie et la signature d'un document dans les geôles libyennes, qui les a contraint d'abandonner tout droit de recours contre Tripoli. 

Entretien avec Maître Zerbib :


Maître Stéphane Zerbib

Expliquez nous comment s'est déroulé et a été vécu le procès par les infirmières ? 

Pendant plus de 8 ans, les infirmières et le médecin ont été maltraités, torturés menacés. 

Après la triste nouvelle qu’a été la décision de la Cour Libyenne le 19 décembre dernier et en vue de l’audience du 20 juin 2007, nous avons insisté sur les violations des droits des infirmières et des moyens d’obtenir la manifestation de la vérité. 

Nous avons rappelé que la Cour a refusé l’expertise internationale sollicité par nos soins ; pourtant, seuls des experts reconnus au plan international et incontestables auraient pu éclairer les juges sur les causes et le mode de propagation de l’épidémie. 

Au lieu de cela, la Cour s’est fondée sur l’expertise menée en première instance par des experts libyens qui n’ont, d’après les meilleurs spécialistes, ni l’expérience, ni les connaissances requises. 

Or, de récentes analyses scientifiques menées par les plus grands spécialistes mondiaux sur la base du dossier mis à la disposition de la cour montrent qu’il n’existe pas de preuve scientifique contre les accusés. 

De plus, il n’a pas été débattu légalement de la question des tortures (coups reçus, tortures à l’électricité, pression morale et psychologique, etc…) subies par les infirmières t le médecin malgré les nombreux éléments portés au dossier. 

De même, il n’a pas été débattu légalement de leur détention au secret pendant des mois. 

La question des violations des dispositions procédurales libyennes et des violations des dispositions des Conventions internationales signées et ratifiées par la Libye n’a pas été débattue. 

Le non respect des droits des infirmières et du médecin, notamment le non respect des droits de la défense n’a pas plus fait l’objet d’un débat juridique. 

La question de la longueur de la détention provisoire n’a pas été abordée. 

Les standards internationaux permettant la tenue d’un procès juste et équitable n’ont donc pas été respectées. 

Or, un procès juste et équitable aurait bénéficié non seulement aux accusés, mais encore aux victimes libyennes de l'épidémie. 

Il aurait permis d’en cerner les causes et d’éviter la reproduction des erreurs. 

Il aurait permis d’en étudier les conséquences dramatiques et de mieux prendre en charge les victimes. 

Un procès juste et équitable permet la manifestation de la vérité et empêche le triomphe de l’irresponsabilité et de l’arbitraire. 

En d’autres termes, cela évite l’impunité des coupables et à des innocents de devenir des boucs émissaires. 
 

Comment vivent elles leur retour en Bulgarie aujourd'hui ? 

Leur retour en Bulgarie a été marqué par l’euphorie, la joie des retrouvailles. 

Leur cauchemar est désormais terminé. 

Matériellement, elles sont prises en charge, mais moralement leur état a été et reste pour certaines d’entre elles très préoccupant. 

Mais un long travail commence, celui de se reconstruire, de reconstituer un tissu familial détruit. 
 

Quel regard portent elles aujourd'hui sur les polémiques en France, en rapport avec l'affaire des contrats  entre les deux Chefs D'Etat ? 

Elles ont le sentiment d’avoir été instrumentalisée. 

Elles sont choquées de telles polémiques, de l’absence de toute morale et de toute éthique. 

Elles ne comprennent pas que l’on puisse commercer avec des Etats qui les ont emprisonnés pendant plus de 8 ans sans raison. 

Elles ne veulent pas servir de caution à de tels contrats. 

D’un autre côté, elles ont très reconnaissantes envers la France, car ce sont des avocats français qui ont assuré leur défense et elles sont revenus dans un avion de la présidence française. 
 

Avez vous le sentiment que vos clientes ont été les « otages » de certains intérêts politico-économiques ? 

Après l’abandon par les libyens de leur programme d’armes de destruction massive, l’embargo portant sur les rapports commerciaux entre la Libye et le mode extérieur a été levé. 

Il était clair que les firmes occidentales allaient se précipiter pour passer des contrats notamment pétroliers, d’armement, etc.… 

Il était tout aussi clair que les libyens, cherchaient à obtenir des garanties pour l’avenir. 

Le libyens avaient besoin des occidentaux et les occidentaux des libyens. 

Par conséquent, il nous appartenait d’ériger non pas seulement la question des infirmières et du médecin mais aussi leur destin, leur futur, en un obstacle incontournable à qui voulait commercer ou normaliser les relations politiques et économiques entre la Libye et l’Occident. 

De cette manière, nous « sacralisions » les infirmières et le médecin et empêchions qu’ils soient tués. 

De plus, nous empêchions les gouvernements occidentaux à nous aider, non par choix, mais par nécessité. 

En d’autres termes, il s’agissait : 

·     d’obliger les protagonistes à trouver un terrain d’entente concernant le sort des infirmières et du médecin,

·     de les obliger à les ramener de Libye en Bulgarie

Chez elles, elles sont sous surveillance ? que craint la Bulgarie ? 

Elles sont complètement sous surveillance, habitent dans la même résidence, à une demie heure du centre ville de SOFIA. 

Elles peuvent difficilement parler à la presse, toutes leurs déclarations sont identiques. 

Les autorités bulgares tentent de les convaincre de renoncer à tout recours. 

Il s’agit donc d’une prison dorée. 

Les autorités bulgares craignent que les infirmières ne soulèvent des questions embarrassantes, notamment leur inaction dans le traitement de leur dossier. 

Nos réunions de travail ont sans cesse été perturbées. 

Il convient de se rappeler que lors du sommet des chefs d’Etat qui s’est déroulé à BRUXELLES le 21 juin dernier, les familles ont refuséde serrer la main et de rencontrer le premier ministre bulgare, manifestant ainsi leur déception. 
 

En Libye en prévision de leur libération, elles ont du signer un contrat, avaient elles le choix de refuser ? un recours était il possible ?  

Matériellement, non car c’était leur seule possibilité de sortir. 

Ceci étant, ce document n’a aucune valeur juridique puisqu’il n’est pas possible de renoncer à l’exercice d’un droit
 

Le rôle du couple Sarkozy, a-t-il été une providence pour le dénouement ? quels ont été les véritables motifs de l'engagement de la présidence française dans cette affaire ?que pensez vous des fameux contrats passés entre les deux Chefs d'Etats ? Etait ce un autre moyen de pression contre les infirmières ?  

La nouvelle administration française a prêté une oreille attentive à nos propos et aussitôt élu, le nouveau Président a mis en accord ses promesses et ses actes. 

L’intervention de la présidence française aura été déterminante pour régler la question rapidement. 

Tout au long de ce dossier, nous avons travaillé en étroite collaboration avec la présidence française, participé aux réunions préparatoires. 
 

Vous dites que cette libération, est un peu une façon de redorer le blason libyen à l'international ? Kadhafi aurait selon certains, utilisé la fameuse affaire des « contrats » pour diviser l'opinion internationale ?  

Certes. 

Mais avant tout, cette affaire était pour KHADAFI l’occasion de pérenniser sa dynastie. 

Le colonel en est ressorti plus fort, son pouvoir a été raffermi. 

Mais surtout, les négociations et la très grande habilité politique de KHADAFI

 lui ont permis de montrer à ses partenaires arabes qu’il avait la capacité d’humilier les occidentaux, de les diviser, ce qui à fonctionner à merveille. 

 

Quelle leçon tirer de toute cette affaire, s'agissant du juridique, du politique et de l'humain ? 

La leçon à titrer est qu’il est toujours possible, sans renier ses principes fondamentaux de morale, d’éthique, de liberté, de faire basculer une situation, de renverser un rapport de force. 

Mais il s’agit d’un combat de tous les jours et très difficile à mener. 

On peut commercer en respectant ces valeurs. 

Surtout, on est bien plus fort et donc respecté. 

Personne ne peut renoncer à faire valoir ses droits. 

Personne ne peut abandonner ses droits car les droits d’un individu sont ce qui le constituent comme être social et politique, comme personne autonome. 

Ils sont ce qui fonde sa dignité d’homme et de citoyen.

Crédits : Interview exclusive réalisée pour l’Expression Tunisie.
Hebdomadaire géopolitique d’information générale
Site du Groupe Dar Assabayh : Siége du Quotidien le Temps www.letemps.com.tn

Courtesy of F.B. G Communication
www.fbgcom.net
fbgcommunication@yahoo.fr

Publié le 5 décembre 2007 avec l'aimable autorisation de Fériel Berraies Guigny



Source : Fériel Berraies Guigny


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