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Sophie Bessis : « Tunisie : Des moyens avoués et inavouables
rendent compliqués la transition »
Sophie Bessis - © Photo: IRIS
Mardi 1er mars 2011 Sophie Bessis,
chercheuse associée à l’IRIS, spécialiste de la Tunisie, revient
pour le site Affaires Stratégiques sur la transition
démocratique qui s’opère en Tunisie et les difficultés
rencontrées.
Q : Quelles sont les formations
politiques qui se dégagent depuis la chute de Ben Ali
mi-janvier ?
On ne peut pas parler de formations, mais plutôt de rapports
de force entre les différents protagonistes qui sont apparus
dans la Tunisie de l’après 14 janvier.
Il y a évidemment l’appareil de l’ancien régime qui n’a pas
disparu. Au contraire, il montre une capacité de nuisance, que
je ne qualifierai pas d’intacte mais qui est encore très
puissante. Les événements de la fin de la semaine et qui se
poursuivaient encore hier, avec les manifestations extrêmement
violentes, sont le fait des milices de l’ancien régime, tout le
monde est d’accord là-dessus. L’ex Premier Ministre l’a dit très
nettement dans son discours de démission de samedi. C’est donc
malheureusement une force avec laquelle il convient de compter
et qui essaie en quelque sorte de faire un coup d’Etat rampant,
qui consisterait à déstabiliser totalement le processus de
transition et créer un désordre qui autoriserait toutes les
aventures. C’est l’une des forces les plus importantes.
D’autre part, il y a l’Union générale tunisienne du travail
(UGTT). Ce syndicat puissant, qui est unique en Tunisie, est
divisé par de très profondes contradictions. Son principal
dirigeant, son secrétaire général, a été assimilé au régime de
Ben Ali et joue depuis ces dernières semaines la surenchère pour
retrouver une légitimité. Surenchère tout à fait dangereuse car
elle peut également remettre en question le processus de
transition, dans la mesure où l’instabilité économique peut
nuire à la reprise. L’évolution du syndicat, fait partie des
questions auxquelles il conviendrait de répondre.
Il y a ensuite le parti islamiste Ennahdha, remis en ordre de
marche, qui reprend son maillage de la société tunisienne, et
semble gagner en puissance et en capacité de mobilisation. Il
semble qu’à l’intérieur de ce parti, il y ait beaucoup
d’éléments qui ont tout à gagner d’une déstabilisation et d’une
recomposition plus profonde de l’échiquier tunisien.
Il y a enfin des mouvements tout à fait marginaux mais qui
contribuent un petit peu au désordre de l’extrême gauche. Ces
groupuscules d’extrême gauche et ainsi que des petit partis
nationalistes arabes sont également très opposés à tout
gouvernement quel qu’il soit qui ne représenterait pas
l’expression franche d’une rupture profonde avec l’ancien
régime.
Aujourd’hui, on est dans une situation extrêmement confuse,
violente, qui, si les choses ne se remettent pas rapidement en
place, pourrait aboutir à une instabilité qui serait très
dommageable à la transition démocratique.
Les Etats-Unis, l’Europe, la France
se disent tous prêts à aider à la transition démocratique en
Tunisie. Quelle a été pour le moment la réalité de leur aide ?
Jusqu’à présent, l’effort financier de la France est
consternant tellement il est ridicule. L’effort financier de
l’Union Européenne demeure encore modeste. Les institutions
financières internationales semblent prêtes à aider davantage la
Tunisie et les Etats-Unis ont montré une disponibilité très
grande.
Pour l’instant, tous les discours officiels des puissances
occidentales se disent prêts à aider la transition démocratique
en Tunisie. On verra ce qui sera fait concrètement et
pratiquement pour aider cette transition démocratique.
Certains pays ont intérêt à faire
échouer la transition démocratique. Quels sont-ils et comment
analyser leur rôle aujourd’hui ?
Tous les pays non-démocratiques ont intérêt à faire échouer
la transition démocratique dans le monde arabe. Une réussite de
la transition démocratique tunisienne serait très dangereuse
pour l’ensemble des régimes autoritaires dans la région,
d’autant que cette aspiration démocratique fait tache d’huile
dans un certain nombre de pays arabes.
Evidemment, les démocrates tunisiens espèrent que Kadhafi ne va
pas tarder à tomber, Kadhafi s’étant montré, dès le 14 janvier,
un des ennemis les plus acharnés de la transition démocratique
tunisienne. Mais il y a tout lieu de craindre que les monarchies
du Golfe, ou d’autres voisins, par des moyens avoués ou
inavouables, rendent plus compliquée cette transition.
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Publié le 1er mars 2011 avec l'aimable autorisation de l'IRIS.
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