Interview

Interview de Nurit Peled
Par Samuel de Radio Campus

Nurit Peled

17 juin 2008

S :  En  97 , votre fille Smada est tuée dans un attentat –suicide.
En 2001, vous recevez le prix Sakharov du Parlement européen.
Mais votre discours sur les causes réelles des tueries reste sans suite.

N : La cause en est l'occupation fruit d'une idéologie israélienne militariste dont les deux peuples sont victimes : il faut voir la pauvreté qui règne en Israël !

S : Quelle relation entre la politique israélienne et le judaïsme ?

N : Le judaïsme prône la tolérance et l'ouverture , tandis que l'Etat d'Israël s'avère antisémite vis-à-vis de ses juifs éthiopiens et sépharades et vis-à-vis des arabes.

S : On vous sent révoltée en temps que mère …

N : En effet, l’éducation sioniste a conditionné les femmes israéliennes pour la production de futurs soldats. La voix des femmes doit se lever pour arrêter de sacrifier nos enfants.

S : En Occident, on a plutôt peur de l'utérus musulman ! 

N : Ceux qui détruisent le monde aujourd'hui , ce sont en fait les bons chrétiens comme Bush et les bons juifs comme Sharon et Olmert ou les chrétiens américains et les juifs israéliens !
Actuellement, les musulmans servent de boucs émissaires comme les juifs dans les années 1930-1940 et cette discrimination convient parfaitement au monde occidental.
Les bombes sur Gaza sont des bombes occidentales !

S : Quelle est l'image des Palestiniens en Israël ?

N : Dans les livres d'Histoire israéliens, ils sont présentés ou comme des primitifs ou comme des terroristes !Or, j'ai découvert l'optimisme incroyable de cette population qui ne considère pas Israël comme un mal et qui croit au dialogue.
Ces gens souffrent, mais ils n'ont ni rancune , ni amertume , ni haine.
Ils maintiennent à travers tout, une vie familiale merveilleuse et leur niveau d'éducation est un des plus élevés du monde.
Leur réseau d'Université ouverte est unique au monde.
Dans les ghettos que sont les camps de réfugiés, on voit des enfants polis qui vous reçoivent chaleureusement!

S: Les soldats israéliens ont-ils l'ordre de tuer des enfants ? (NDR :affaire Guigue, sous-préfet démis)

N: Non! Mais ils font tout pour  provoquer les enfants en arrivant avec des chars aux heures d'entrée ou de sortie de l'école !
Les enfants se mettent à jeter des pierres, ce qui donne un motif pour les tuer!
De façon générale, la provocation fait partie de la méthode israélienne pour justifier in fine des incursions…

S: Cette année, on a commémoré les soixante ans de l'Etat d'Israël … 

N:  Oui et cela vient juste après la commémoration des morts  : c'est de très mauvais goût !
En fait, c'est la fête des colons ! Et nos voisins Palestiniens assistent à ces parades sans que l'on fasse référence à la Naqba !

S: Quelle est votre action en ce moment ?

N: Au sein d'un Forum d'enseignants palestiniens et israéliens, nous essayons d'écrire une Histoire dialoguée en nous basant sur la culture.
En Israël, nous aimons la Palestine, sa culture, sa musique, sa cuisine,ses odeurs…
Nous essayons de créer des liens d'amitié individuels ou familiaux.
C'est ce que fait "Combatants for Peace".
Cela portera du fruit et les jeunes auront moins envie de tuer!

S : Quelles perspectives politiques ? 

N : Il faut avant tout mettre fin à l'Occupation ! On verra ensuite pour les solutions politiques !
Nous avons un partenaire (contrairement à ce qu'assène l'idéologie israélienne) et ce partenaire est civilisé, intelligent, cultivé et nous pouvons beaucoup apprendre de lui!
Nous avions aussi une culture avec le Yiddish, mais elle a été éradiquée pour une soi-disant culture israélienne qui date de 60 ans !

S : Que peut l'Europe ?

N : tout d'abord, ce "conflit" n'est pas local mais mondial !
L'Europe peut boycotter les personnages politiques israéliens, engager des avocats pour interdire son sol à certains d'entre eux, boycotter les marchandises venant des colonies, soutenir les réfugiés, expliquer aux Juifs que protéger Israël, c'est l'obliger à changer de politique!

S : Israël, un Etat juif ? 

N : Non! Il faut un Etat de citoyens où les Juifs comme d'autres peuvent venir s'installer. La persécution des Juifs est terminée et leur droit au retour n'a plus sa raison d'être.
Par contre, celui-ci s'impose pour les Palestiniens.

Interview résumée par Bernard Aubin