Centre Palestinien
d'Information
Interview exclusive
Al-Agha fait le point sur la
crise agricole de Gaza, résultat de l'injuste blocus israélien
Photo CPI
10 avril 2008
Gaza - CPI
L'agriculture
a ceci d'important qu'elle attache l'homme à sa terre, fortement.
C'est pour cette raison que l'agriculteur palestinien est toujours
visé par les forces de l'occupation israélienne. Assassinat.
Destruction systématique de sa terre. L'agriculture est le
domaine le plus touché par les mesures agressives directes de
l'occupant. L'agriculture est également indirectement touchée,
par le blocus. La perte s'accumule. Les pertes dans ce domaine
martyrisé dépassent 1,5 milliards de dollars.
C'est
pour parler de toutes ces souffrances que l'envoyé de notre
Centre Palestinien d'Information (CPI) est parti voir docteur
Mohammed Agha, ministre de l'agriculture dans le cabinet de
monsieur Ismaël Haniyeh. Il nous a donné une interview où il
nous détaille l'état triste de ce domaine. En voilà la
traduction :
Préméditation
CPI
: De plus en plus, le domaine de l'agriculture et ceux
qui y travaillent sont visés par les Sionistes. De plus en plus,
les terrains sont ravagés. Le nombre de martyrs est en
augmentation constante. Dans votre ministère, comment voyez-vous
cette politique ? Quelle est votre estimation de toutes ces pertes
et de tous ces martyrs ?
Dr.
Al-Agha : L'agression israélienne, visant les
agriculteurs en particulier, n'a pas l'air de s'arrêter. C'est un
projet destiné à détacher l'homme palestinien de sa terre. Des
dizaines d'agriculteurs perdent leur vie, ou sont blessés pendant
leur travail. Ces dernier temps, les forces de l'occupation
concentrent leur agression contre eux. En deux semaines seulement,
trois d'entre eux sont tombés en martyre, sur leurs terres, au
sud de la bande de Gaza. Plusieurs autres ont été blessés.
J'ajoute
que l'incessante agression israélienne sur les frontières sud de
la Bande ne fait que multiplier les souffrances des citoyens
civils, non armés. Ils vivent déjà une vie impossible. Leurs
terres sont rasées. Ils ne peuvent faire passer leurs produits à
cause de la fermeture des points de passage. En effet, l'occupant
vise l'homme, l'arbre et même la pierre. Il ne veut voir aucun
domaine de la vie palestinienne faisant la moindre amélioration.
La
crise des terrains rasés
CPI
: Et pour ce qui est des terrains rasés par les
agissements des forces de l'occupation israélienne ?
Dr.
Al-Agha : Plus de cent kilomètres carrés, c’est la
superficie des terres ravagées directement ou indirectement par
les Sionistes. Il s'agit de 27% de la superficie totale de la
bande de Gaza. Ce nombre ne contient pas les terrains restaurés
et ravagés une deuxième fois.
Et
financièrement, les pertes, directes et indirectes toutes
confondues, ont dépassé un milliard et demi de dollars. Les
pertes directes toutes seules dépassent un demi milliard de
dollars.
Efforts
CPI
: Quels sont les efforts donnés pour alléger les
souffrances des agriculteurs ?
Dr.
Al-Agha : Le gouvernement palestinien a décidé de récompenser
les agriculteurs qui ont souffert de ces invasions israéliennes répétées
de la bande de Gaza. Quelque huit mille cinq cents d'entre eux en
ont profité. Et quelque trois mille pêcheurs ont reçu des aides
financières.
Le
ministère a également aidé ceux qui avaient souffert de
l'invasion effectuée à l'est de Jabalia. J'aimerais attirer
l'attention sur toutes les promesses données par l'autorité de
Ramallah et son gouvernement. Ces promesses restent des ballons
publicitaires. Rien sur le terrain, bien que les listes des pertes
soient prêtes.
J'ajoute
également que notre travail fait partie de notre devoir. Le
devoir du gouvernement est d'alléger, autant qu'il peut, la
charge des agriculteurs souffrant de ces invasions israéliennes
à répétition, et de l'injuste blocus imposé sur notre peuple.
Les
terrains libérés
CPI
: Tout un chacun pose la question sur la manière de procéder
du gouvernement pour profiter des terrains libérés, auparavant
occupés par des colons et l'armée israéliens jusqu'en 2005. Où
en est la situation ?
Dr.
Al-Agha : La question est transférée depuis un moment
au bureau des terrains libérés. Les projets vont bon train pour
qu'ils voient le jour avec succès.
La
commercialisation
CPI
: Le problème de la commercialisation des produits
agricoles et des viandes existe toujours. Y a-t-il des solutions
à l’horizon ? Quelles sont les dernières actions ?
Dr.
Al-Agha : Malheureusement, on dit beaucoup que l'occupant
prend des mesures pour faciliter un peu la vie des agriculteurs.
Cependant, on voit rien du tout. En fait, ce ne sont que des allégations
faites pour montrer au monde qu'il respecte la vie humaine dans la
bande de Gaza. Que des allégations !
A
savoir que le blocus et la fermeture des points de passage ont
causé des pertes considérables aux agriculteurs. Quelque deux
cents mille dollars par jour. 235400 tonnes de légumes, d'une
valeur de 93 millions de dollars, n'ont pu être commercialisées,
ni à l'intérieur, ni à l'extérieur.
Les
50 millions de fleurs, d'une valeur de 6,5 millions de dollars,
destinées à l'Europe, n'ont pu partir. Pas plus tard qu'hier,
les agriculteurs se sont retrouvés obligés de détruire 4
millions de fleurs, 2500 tonnes de mûres d'une valeur de 9
millions de dollars, pour baisser leur perte, d'un grain.
Le
manque de viande
CPI
: Et pour ce qui est de la viande ?
Dr.
Al-Agha : La politique injuste de l'occupant (israélien)
continue à faire ses ravages. Le fait que le bétail et la viande
n'entrent pas dans la Bande a énormément poussé leurs prix vers
le haut. Un bon nombre de citoyens ne peuvent plus s’en
procurer.
En
effet, les autorités de l'occupation avaient interdit
l'importation de tout animal vivant, depuis le mois de juin de
l'an dernier. La bande de Gaza a cependant besoin de 50 mille
veaux et de 70 mille moutons, annuellement.
Il
y a également les pertes causées par le manque de médicaments
et de vaccins. Les animaux en souffrent. 1,2 millions d’oiseaux
ont perdu la vie, ainsi que 10% des moutons et des vaches. Le
manque de vaccins causera la mort de 500 moutons, mensuellement.
Les
produits pourris
CPI
: Les nouvelles concernant l’alimentation et les médicaments
pourris en Cisjordanie suscitent des appréhensions chez les
habitants de la bande de Gaza. Que comptez-vous faire pour éviter
de tels incidents ? Et comment voyez-vous les scandales à ce
sujet ?
Dr.
Al-Agha : En dépit de tous les obstacles auxquels nos équipes
font face sur les points de passage, le ministère de
l'agriculture, en collaboration avec ceux de la santé, de l'économie
et de l'intérieur, contrôle tout produit qui passe. Il a déjà
mis la main sur beaucoup de nourritures périmées. Et nous
faisons tout pour avertir les commerçants de la manière de
traiter avec de tels produits et d'en informer rapidement les
responsables.
Et
pour ce qui est de ce qui se passe en Cisjordanie, quelques
fonctionnaires travaillant dans quelques ministères et
institutions facilitent l'entrée de ces produits à travers les
points de passage, pour prendre enfin leurs places sur les étalages
des marchés, avec des papiers falsifiés.
La
sécurité alimentaire
CPI
: Dans la situation actuelle, on parle d'une véritable
crise menaçant la sécurité alimentaire. Quelle est la vraie
situation ?
Dr.
Al-Agha : La situation est vraiment difficile. La Bande
souffre d'une vraie crise alimentaire. Pour les poissons, le
niveau de manque est de 80%. Pour les viandes rouges, il est de
90%. Pour les produits laitiers, de 65%.
La
Bande est menacée par un manque de 75% dans tous les produits
alimentaires. En fait, le travail s'est arrêté sur 70 hectares
de terrains agricoles.
Les
travaux de rasage de terrains, le blocus et les mesures agressives
systématiques visant l'agriculteur ont poussé la pauvreté parmi
les agriculteurs à des niveaux très désastreux. Le chômage
touche désormais 75% de ceux qui travaillent dans le domaine
agricole. 45 mille personnes ont perdu leur travail, qui faisait
vivre plus de trois cents mille personnes, avec la fermeture des
points de passage. Et 25 mille travailleurs saisonniers ne
trouvent plus personne pour les engager. Le chômage pourra bientôt
frapper plus de 60 mille travailleurs dans le seul domaine de
l'agriculture.
Avertissements
CPI
: Récemment, vous avez sonné l'alarme devant une décision
de l'occupation israélienne consistant à couper tout lien
agricole avec la bande de Gaza ?
Dr.
Al-Agha : Une telle décision menacera bien évidemment
la vie du peuple. Elle poussera la Bande vers le gouffre d'une
vraie crise. Elle détruira ce qui reste des infrastructures du
domaine agricole. Ce domaine a pu assurer, dans ce temps de blocus
israélien, une partie importante de la nourriture pour un million
et demi d'âmes de la bande de Gaza.
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