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Par Fériel Berraies Guigny. Paris

Rencontre avec Jacques Attali à Planet Finances


Jacques Attali - © Bloomberg

A l’heure de la Haute Finance et malgré les écarts de développement dans le monde, les oubliés de la croissance ne sont plus en reste, depuis la naissance de l’ONG de Monsieur Attali. Une institution qui a vu le jour il y quelques années, et ayant pour Présidents d’ honneur, le prix Nobel de l’économie Muhammed Yunus et le Président de la francophonie et ancien Chef d’Etat sénégalais, Abdou Diouf.

Planet Finances, se plait à conjuguer l’idée de la démocratisation de la richesse, du développement durable avec force performances informatiques. Economie de l’Utopie, ou nouvelle perspectives à venir pour l’Afrique des non nantis ?

L’Expression  a rencontré le Président Directeur Général de Planet Finances, Monsieur Jacques Attali au siège parisien, pour discuter des perspectives de la micro finance et des défis qu’elle pourrait relever en vue d’aider à éradiquer selon les termes d’Attali le « plus grand fléau de l’humanité » : la pauvreté !

Entretien avec Jacques Attali :

Pouvez-vous nous présenter rapidement le fonctionnement du microcrédit ?

A qui prêtez-vous ? Selon quels critères ? Avec quelles garanties ? Dans quels pays ?

 

Planet Finances est une organisation de soutien aux institutions de Micro finances. Nous ne prêtons pas de l’argent en direct aux micros entrepreneurs. Aujourd’hui, Il y a dix mille institutions qui font du micro crédit dans le Monde, il y a 150 millions de bénéficiaires. Ces institutions doivent se professionnaliser et drainer davantage de ressources. C’est le rôle de Planet Finances, nous apportons aux Institutions de Micro finances, à tous ceux qui s’intéressent à la micro finance, un soutien le plus varié possible. Nous avons six activités, l’assistance technique aux Institutions de micro finance, micro entrepreneurs, banques, aux gouvernements qui veulent faire de la micro finance dans soixante pays. Nous avons une agence de notation qui fait le contrôle, l’audit et l’évaluation des Institutions de Micro finances. Nous avons également, une activité de financement des activités de financement de micro finances. Nous apportons des lignes de crédits aux Institutions. Nous aidons au développement de la micro finance et la mise en place de programmes de micro assurances. Nous créons des institutions de micro finances qui nous appartiennent dans certains pays. Et enfin, nous apportons pour certains cas particuliers, mais pour l’instant nous le faisons qu’en France, du Capital. C'est-à-dire que nous apportons du financement aux micro entrepreneurs en devenant actionnaires de leur micro entreprise.

 

Le monde changerait-il ? Les banques ne prêtent pas qu’aux riches ?

 

Les banques ne prêtent qu’à ceux qui sont capables de rembourser, car elles ont besoin de garanties. Les pauvres sont aussi capables de rembourser mais ils ne sont pas capables d’apporter des ressources et des garanties. C’est tout l’intérêt de la micro finance qui permet aux banques de prêter à des gens qui ne sont pas capables d’apporter des garanties. C’est la raison du succès de la micro finance.

 

Le micro crédit est présenté comme étant l’outil essentiel de développement des établissements bancaires dans les 20 prochaines années. Va t-on passer, pour les banques qui surfent sur cette nouvelle vague d’une approche marketing et image de marque, genre « bonne conscience » à une approche capitalistique de rendement et de profit ? Les banques ne sont pas des mécènes. Ont-elles réellement du business à faire avec le microcrédit ?

 C’est une très bonne question. 80% des individus dans la planète n’ont pas d’accès aux Banques et aux crédits. Il faut que les banques s’intéressent à la micro finance, qui sera fonction des ressources par ailleurs. Pour permettre aux individus d’être touchés par cela, Il faut que non seulement les institutions de Micro finances montent vers les Banques et que les Banques descendent vers les plus pauvres. Il faut du « down skilling » c'est-à-dire aider les Banques à faire soit du soutien à la micro finance, soit des filiales de la micro finance. Beaucoup de Banques sont ainsi entrées dans le monde des filiales. 

La crise actuelle des subprimes (solvabilité limitée des emprunteurs, absences de garanties) qui se répand comme une épidémie contagieuse à tout le monde de la finance ne va t-elle pas freiner l’ardeur des établissements bancaires pour le développement du micro crédit

Les sub prime d’une certaine façon c’est de la micro finance raté, on prête aux pauvres américains en les exploitant. C’est une micro finance scandaleuse et nous nous battons contre cela. Elle existe beaucoup dans un contexte de micro finance politique qui camoufle d’autres intérêts ou de la micro finance qui fait du crédit à la consommation extrêmement dangereuse. Les Banques au contraire, vont comprendre progressivement, comme pour les entreprises que les pauvres sont un marché. Les entreprises dans le ciment , d’automobiles savent qu’ils sont un marché.

Le micro crédit est un produit qui a vu le jour dans les pays du Sud et qui a été repris par les grands de la finance mondiale. S’agit il donc au départ d’une défaillance du système bancaire ?

Le Capitalisme ne concerne que 20% des humains !
Il faut bien que ces 80% trouvent d’autres moyens. La micro finances est certes une idée venue du Sud, mais cela n’est pas une idée, montée contre le système bancaire, mais pour lui.

Votre vision de l’avenir traduit cela comme un épiphénomène ou comme le début d’une grande « évolution », à savoir la prise en charge par les pays du Sud de leurs propres problèmes, voire le début d’une prédominance du Sud sur le Nord attaché à sa propre survie ?

Le Sud et le Nord ça n’existe pas. Car il y du Sud dans le Nord et vice versa. Ceci dit, depuis longtemps les pays du Sud, devraient avoir compris que leur avenir dépend d’eux et non du Nord.

Muhammed Yunus, prix Nobel de la paix et président d’honneur de votre ONG Planet Finances, c’est la consécration pour vous ? Quel impact cela a t-il eu sur votre développement et votre notoriété ?

J’ai fondé Planet Finances avec Mohammed Yunus et avec le Président Abdou Diouf qui sont les deux Présidents d’Honneur. C’est pour moi très précieux de les avoir auprès de moi non seulement comme Présidents d’Honneur mais aussi comme moteurs de nos actions. C’est un acquis très important.

Economie solidaire, développement social et durable, micro-entreprises, micro-crédit, le monde occidental en crise a fait sien un vocabulaire peu imaginable il y a quelques années. Que faut-il en penser ?

L’économie de l’avenir si nous la voulons civilisée, ne sera pas uniquement une économie de marché classique. Elle devra être une économie fondamentale dans laquelle il y aura une économie de marché mais également, une économie sociale, à but non lucratif. L’économie solidaire, et les Ongs ont un rôle très important à jouer. 

La micro-finance est-elle une alternative ou une solution aux conséquences de la mondialisation ? Ou bien le moyen de faire rentrer toute une frange de la population mondiale dans le monde de la consommation ?

C’est une façon de changer la société en faisant en sorte que les individus retrouvent une certaine dignité. Car il n’y aura pas de démocratie sans que les gens soient capables de se prendre en main. En même temps, cela leur permet de rentrer dans la consommation. C’est à la fois, un progrès économique et un progrès démocratique.  

L’essor du microcrédit dans les Pays en voie de développement peut se comprendre. Par contre, pour les pays occidentaux, n’est-ce pas un signe du déclin et de la fragilité du système ?

Non pas exactement, le problème est différent. Dans les pays développés il y a des Banques partout mais il est difficile de créer une entreprise. Dans le Sud, c’est le cas contraire, on crée une entreprise mais il n’y a pas d’argent. Les problèmes sont très différents, mais malgré tout il y a un manque d’entreprises qui est lié à l’absence de capacités administratives.

Le microcrédit est-il réellement un instrument qui puisse faire reculer la pauvreté dans le monde ? Si oui est-ce suffisant pour régler les problèmes « vitaux » du monde, à savoir également la santé et l’éducation

L’éducation et la santé ne peuvent exister que si les gens ont les moyens de se prendre en main, ou par la charité. La charité ne sera pas durable. Les individus qui ont de la microfinance pourront trouver les moyens de se financer une micro assurance, de payer les études de leurs enfants et de garantir l’étude de leurs enfants.

On dit que Planet Finances est une Banque pour les pauvres, est ce juste de le penser?

On est pas une Banque pour les pauvres, nous sommes une Institution qui lutte contre le seul moyen efficace de lutter contre la pauvreté.

 L’application du microcrédit est-elle différente d’un continent à l’autre ? Parlez nous des vertus du microcrédit quand il est appliqué à l’Afrique?

Le principe est toujours le même, mais d’un contexte géographique à un autre et pas seulement en Afrique, c’est très différent. Du Niger au Mali, ce n’est pas du tout pareil, au Sénégal et au Gabon non plus. Parce que la loi n’est pas la même, la culture non plus. La tradition associative n’est pas la même.

Planet Finance est-elle une expérience qui se rapproche de ce que vous avez fait à la BERD ?

Oui, c’est la quatrième Institution Internationale que je crée et c’est une Institution Internationale en plus souple et en plus efficace.  

Pensez vous que le Financement durable puisse paver le chemin au développement durable ? Ce n’est donc pas une économie de l’Utopie ?

Le fait de faire rentrer les gens dans l’économie de marché ne suffit pas mais elle est un élèment très important, le reste viendra de la démocratie et du couple micro finance démocratie. Si on a l’un sans l’autre cela ne fonctionnera pas.

Merci Monsieur Attali

 

Crédits :

Photo portrait de Monsieur Jacques Attali : Bloomberg Copyright
Cette interview est une exclusivité de l’Expression Tunisie et Destin de l’Afrique Sénégal
Article de presse Courtesy of F.B.G Communication
www.fbgcom.net
Publié le 25 avril 2008 avec l'aimable autorisation de Fériel Berraies Guigny



Source : Fériel Berraies Guigny


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