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Fériel Berraies Guigny

Denis Bauchard « L'Exploitation abusive en Europe, de la misère humaine issue de l'immigration, doit cesser » !


Denis Bauchard - IFRI Paris

Quels scénarii se profilent pour les prochaines années ? L’Europe va t-elle enfin devenir un acteur crédible sur la scène internationale et ne parler que d’une seule voix ?
Sarkozy va t-il signer la fin de la position de non aligné face au monde anglo saxon et casser le mythe de l’ennemi diplomatique de courtoisie des Etats-Unis, avant le retour à la Maison Blanche des démocrates ?
Quelles en seront  alors les répercussions sur la politique à l’égard du Moyen Orient ?
Pour Beaucoup, l’ère sarkoziste va signer une nouvelle dialectique : l’alliance avec Israël, le retour aux  valeurs militaristes, le capitalisme à tout prix, au détriment de l’humanisme, de la diplomatie et de la négociation. Et avec un battage médiatique très bien organisé.
S’agissant de certaines questions du Moyen Orient, la France semble prendre de « nouvelles positions » notamment de la question du nucléaire iranien, la déclaration de Monsieur Kouchner a ébranlé certaines certitudes.
Fériel Berraies Guigny  a rencontré pour l’Expression,  Denis Bauchard, Conseiller
 chargé du Maghreb et du Moyen-Orient au sein de l’Institut français des Relations internationales ( IFRI), pour évoquer toutes ces thématiques.

Entretien :

On parle d’un grand retour à l’Atlantisme, qu’en pensez vous ?

Depuis une quarantaine d’année notre politique étrangère, a adopté tantôt des inflexions atlantistes, tantôt des inflexions plus pro arabe, selon les Présidences. Les grandes lignes de la politique étrangère française à l’égard du Monde Arabe et spécialement à l’égard du Moyen Orient, sont cependant marquées par la constance. Mais il est vrai que dernièrement, il y a un désir de normalisation des relations avec les Etats-Unis, tout en évitant de paraître « l’ennemi d’Israël ». L’invitation à Paris du Ministre Sharon par le Président Chirac, avait marqué cette volonté bien avant le Président Sarkozy.
La gouvernance actuelle ne fait donc que poursuivre cette continuité, avec naturellement, sa marque personnelle. D’une part le Président Sarkozy se déclare l’ami des Etats-Unis et de l’autre, il se déclare l’ami d’Israël. Ceci étant, ces déclarations de principe ne modifient pas d’une façon forte, les grandes orientations de la politique étrangère française vis-à-vis de l’Afrique du Nord ou du Moyen Orient. D’ailleurs le Président a expliqué que son amitié à l’égard des Etats-Unis, ne signifierait pas pour autant le complet alignement sur leur politique étrangère.

La nouvelle politique extérieure française, signifiera t-elle le risque d’une diabolisation du monde arabe et musulman ?

C’est un procès qui est fait par anticipation, sans avoir attendu en fait les débouchés que pourraient amener la nouvelle politique étrangère du Président Sarkozy. Il n’y a aucunement l’intention de diaboliser le Monde arabe, bien au contraire, et cela transparaît bien dans les discours tenus par le Président Sarkozy au Maroc. Son souci par rapport à cette région, est d’établir une relation de confiance et de coopération, et pour se faire il prépare sa visite prochainement en Algérie et  au mois de janvier, en Arabie Saoudite. C’est à ces occasions,  qu’il pourra préciser sa politique mais surtout ses projets avec cette région. C’est dans la psychologie même du Président Sarkozy que de proposer des actions concrètes et des projets en commun. Dont le plus important, est le projet d’Union Méditerranéenne.

Le modèle de la domination et de l’esprit de leader, prévaudra t-il  dans ce contexte?

Du côté français on est très sensible à l’échec du processus de Barcelone. Ce partenariat qui a été vu de façon quelque peu asymétrique par le Sud, a entretenu l’idée de la prédominance d’une certaine forme de néocolonialisme. Et donc, l’idée qui est proposée à travers le projet d’Union Méditerranéenne, en complément du processus de Barcelone est de proposer un véritable partenariat sur une base d’égalité. Une sorte de processus de codécision qui aura la tâche de promouvoir un certain nombre de projets en commun, dont les questions relatives à l’environnement, l’énergie etc.
D’ailleurs, Alain Leroy qui est l’Ambassadeur chargé de préparer ce futur sommet sur l’Union Méditerranéenne, qui aura lieu à Marseille en juin 2008, aura la tâche d’aller dans toutes les capitales concernées du Sud de la Méditerranée pour expliquer les grandes orientations du projet. Et surtout,  de recueillir les réactions face à ce projet qui reste encore perfectible.

Y aura t-il un risque d’alignement sur la politique de l’ami Bush ? Quel sera le ton adopté s’agissant de l’Iran, la Syrie, le Liban, et   la Palestine ?

Vastes questions. S’agissant de l’Iran on a toujours plaidé pour une approche de négociation. C’est la France qui avait pris l’initiative de proposer à un certain nombre de ses partenaires européens de négocier sur le contentieux nucléaire.  Compte tenu de certaines crispations iraniennes, nous avons eu l’occasion d’intervenir à deux reprises au sein du Conseil de Sécurité de l’ONU. Mais du fait de l’attitude actuelle de l’Iran, une nouvelle série de sanctions est en cours de préparation ; elles seront adoptées au niveau du Conseil de Sécurité. Il s’agit toujours de négociations, car l’idée d’une intervention militaire serait désastreuse pour tout le monde, y compris l’Iran. Toute perspective de frappes dites chirurgicales par ailleurs, surtout si elles  ne sont  pas avalisées par le Conseil de Sécurité, est à éviter.  S’agissant du Liban et de la Syrie, il y a une inflexion qui a été faite par le nouveau Président, effectivement. Un certain nombre de contact a été établi avec la Syrie, notamment à travers le Secrétaire Général de l’Elysée, accompagné du Président pour essayer de voir comment susciter une attitude plus coopérative de la Syrie. Les évènements récents, montrent qu’il y a encore sans doute besoin d’un peu plus de coopération de la part de la Syrie qui reste un partenaire essentiel avec lequel il faut discuter. Le Ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner accompagné des Ministres libanais et italiens a tenté de rapprocher les points de vue, mais sans résultats tangibles.

On dit Sarkozy, pro Israël, qu’en pensez vous ? Est-ce la fin de la politique arabe de France ?

Il n’y a franchement aucune innovation dans notre politique, nous nous attendons à avoir des relations de coopération avec l’ensemble des pays arabes. Ce sont des relations que l’on a développées depuis plus de trente ans, elles datent de 1962 du temps de la guerre d’Algérie. Depuis lors, cette politique avait été dirigée par De Gaulle et cette volonté de coopération avec le Monde arabe, inclut les pays avec lesquels la France n’entretient pas des relations traditionnelles fortes. Il s’agit des pays de la péninsule arabique et des différents émirats du Golfe. Pourtant nous avons des relations importantes dans les domaines économique et  pétrolier. C’est quelque chose qui va continuer. S’agissant de notre politique vis-à-vis d’Israël, elle a toujours été d’essayer de trouver une solution à la question palestinienne, tout en assurant la sécurité d’Israël. Nous avons soutenu la Conférence de Madrid, les Accords d’Oslo et nous soutenons l’initiative américaine s’agissant de la conférence d’Annapolis.
Sans nous faire  trop d’illusions quant à l’issue de cette initiative. Tout au plus, espérons nous que cette réunion puisse relancer le débat et le processus de paix. Israéliens et palestiniens doivent arriver à régler leur litige avec évidemment un accompagnement financier, devoir que nous avons toujours entretenu de façon importante, également au sein de l’Europe.

On dit que la ligne française à l’Onu sera de plus en plus transparente, votre avis ?

Notre diplomatie est transparente par définition, dans ce forum multilatéral. Nous avons clairement affiché notre soutien à cette organisation et nous oeuvrons en vue de promouvoir un consensus entre les différents pays et les membres du Conseil de Sécurité.

La France de Sarkozy, sera t-elle plus menacée par le terrorisme ?

Je pense en fait que le terrorisme menace d’abord les populations du monde arabe d’une façon générale, elles sont les principales victimes. A la suite des stratégies différentes du groupe Al Qaeda, le terrorisme a fini par être exporté vers les pays de l’Occident. Aujourd’hui, aucun pays n’est à l’abri.
Compte tenu de notre propre expérience, tirée des années 90, nous avons mis au point un dispositif législatif et réglementaire en vue de lutter contre ce fléau. Aucun gouvernement n’est à l’abri, car il n’y a pas de garantie de protection à 100%.

Quel sera l’impact sur la politique intérieure, notamment pour les dossiers sociaux : immigration, intégration, chômage et perception des étrangers etc.

Les émeutes des banlieues en 2005, ont démontré l’étendu de ces problèmes, à l’heure d’aujourd’hui, ils  n’ont pas été résolus. Et la récente flambée des violences ces derniers jours, démontre bien que c’est une question endémique, mais sans aucune connotation communautariste. Il s’agissait de  jeunes des banlieues, livrés à eux même, sans travail ni espoir social, qui ne sont pas intégrés. C’est un phénomène sérieux à ne pas occulter. Mais il n’y a pas de lien direct, avec la menace terroriste en France.

Que pensez vous de la création d’un Ministère pour l’intégration en France ?

Je ne sais pas si ce nom choisi  pour ce Ministère, est heureux. Mais par contre, tout pays doit dessiner une politique d’immigration qui se tienne. La préoccupation fondamentale de la France, c’est qu’elle accueille des personnes qui puissent trouver en France, du travail et un logement. Avec l’immigration clandestine on est confronté à des cas sociaux terribles. C’est un problème des pays européens mais qui touche également les pays du Sud de la Méditerranée et de l’Afrique. Une plus grande concertation avec les pays du Maghreb, pourrait permettre d’aboutir à des mécanismes de coopération pour endiguer ce problème de l’immigration sauvage. L’exploitation abusive de cette misère humaine en Europe, doit cesser. Il est clair, qu’il est préférable de développer l’économie des pays du Sud, afin que leur population n’ait pas à souffrir de ces exodes qui peuvent les amener à la mort, à  la précarité et à l’exclusion, dans le meilleur des cas. Il ne faut pas ôter à ces populations, leur mode de vie habituelle sous prétexte d’un Eldorado impossible à atteindre, en fin de compte.

Que pensez vous des nominations de Rachida Dati, Fadela Amara ou Rama Yade ?

C’est un geste fort qu’a voulu inscrire la nouvelle gouvernance. Une manière de démontrer que la France issue de l’immigration, a ses chances à part égale. Par ailleurs, même si ces trois personnes ont des dossiers très difficiles, elles ont le mérite de réussir.

Le projet méditerranéen de Sarkozy, tiendra t-il la route ? L’euromed est donc aux oubliettes?

Pour l’instant, ce projet en est à la définition de son périmètre : il concerne les pays riverains de la Méditerranée au Nord et au Sud. Ce qui est clair c’est que cela sera avant tout une « Union » pour faire des projets, même si le dialogue politique y joue une place importante. Mais concrètement, cela sera surtout dirigé vers des actions de développement. Il est clair qu’il faudra inclure certains pays du Nord qui y verront un intérêt économique important, comme l’Allemagne ou les Pays Bas. Il faudra aussi y apporter les pays du Golfe qui démontrent un intérêt croissant pour la région du Sud de la Méditerranée. Par ailleurs pour appuyer les actions de développement, il y a le projet de création d’une Banque de la Méditerranée, qui pourra associer les pays du Golfe à tous les mécanismes financiers nécessaires.

S’agissant du projet de Constitution Européenne, quelle sera la position française, et la Turquie aura t-elle une chance ?

Pour l’instant le projet de Constitution Européenne en est à son stade le plus simplifié. Avec ce nouveau compromis, les Etats de l’Union ne tarderont pas à ratifier, d’autant que les pays les plus résistants comme la Pologne, ont changé entre-temps de gouvernement.
Par contre, s’agissant de la Turquie, il y a des réticences de la part du gouvernement français. Et moi, personnellement, je pense que par delà le cas de la Turquie, il faut se poser la question de savoir où finissent les frontières de l’Europe ? je pense que d’autres pays, ont plus  de légitimité à  demander leur adhésion à l’Europe. Par ailleurs, du temps de Hassan II, même le Maroc avait demandé son adhésion à l’UE. Même si la Turquie a une  portion de son territoire en Europe, elle n’est pas véritablement un pays européen. Il y a un problème de civilisations différentes.
Aujourd’hui on est encore au stade de digérer les nouveaux pays européens adhérents. Il faut laisser le temps au temps et réussir avant à résoudre le problème de l’identité européenne.

A trop mettre en exergue les dangers que représentent l’Islam pour l’Occident, les pays occidentaux n’éludent ils pas un danger encore plus grand et dévastateur pour leurs économies représenté par l’avènement de la Chine et de l’Inde ?

La Chine et l’Inde sont des puissances financières, commerciales et politiques incontestables. A mon avis cela va dans le bon sens de la diplomatie française qui plaide pour un monde multipolaire. Bien qu’il nous faille aussi pouvoir nous ajuster à ce nouveau monde. S’agissant de l’Islam, mais d’une façon générale des pays du Sud ou du Monde Arabe, effectivement il y a un certain nombre de ressentiments de leur part. Ils se sentent agressés par les pays occidentaux, sentiment d’injustice et de double standard. A l’inverse, se développe également au Nord, un certain nombre de ressentiments vis-à-vis du Sud, qui est ressenti comme une menace. Il faut éviter de conforter la prophétie auto réalisatrice de Hunttington. Il faut toute une série d’action, dont la résolution des crises régionales les plus sensibles : l’Irak, le Liban, la question israélo-palestinienne. Tant que ces abcès de violence n’auront pas été réglés, ces ressentiments seront nourris de part et d’autre.

Quel est aujourd’hui l’impact de la possession de l’arme nucléaire dans les relations
internationales, sachant que celle-ci n’est plus l’apanage des superpuissances, puisque des
pays comme Israël, l’Inde et le Pakistan la possèdent déjà ?

La non prolifération de l’arme nucléaire n’est plus au goût du jour, du moment qu’Israël et l’Inde et le Pakistan se sont dotées d’un arsenal important. Par delà le problème spécifique de l’Iran, il y a la question plus générale de l’aspect à l’énergie nucléaire. Et de l’aval d’un certain nombre de pays qui ont démontré leur volonté d’exercer ce que les iraniens appellent « leur souveraineté nucléaire », s’agissant notamment du nucléaire civil.

L’intérêt actuel de la plupart des Etats arabes pour l’énergie nucléaire ne risque-t-il pas de relancer la course à l’armement nucléaire au Moyen-Orient ?

Il est clair qu’un certain nombre d’Etats arabes est désireux de se doter d’un arsenal nucléaire à caractère civil, et c’est clairement exprimé par les pays du Golfe. La France n’y voit pas d’inconvénients, du moment où ces développements sont contrôlés.

 

Crédits Presse : Courtesy of F.B.G Communication
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Entretien réalisé exclusivement pour  l’Expression Tunisie.
Publiée le 12 février 2008 avec l'aimable autorisation de Fériel Berraies Guigny



Source : Fériel Berraies Guigny


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