Centre Palestinien
d'Information
CPI : interview exclusive
Dr. Al-Achaal : La résistance des Palestiniens met le
sionisme dans une passe sans avenir
Photo CPI
Mercredi 18 février 2009
Damas – CPI
La guerre
israélienne menée contre la bande de Gaza pendant 23 jours
continus a influencé la pensée arabe et non arabe. Beaucoup
continuent à l’étudier.
L’envoyé de notre
Centre Palestinien d’Information (CPI) a rencontré, à Damas, Dr.
Abdallah Al-Achaal, expert juridique et professeur de loi
internationale, l’ancien vice-ministre égyptien des affaires
étrangères. Il a parlé de la position de l’Egypte durant la
guerre, de la question du point de passage de Rafah. Il a
également donné son point de vue sur l’initiative de paix arabe,
sur l’intérêt de poursuivre les chefs de l’Entité sioniste et de
les amener devant les tribunaux internationaux afin qu’ils
répondent de leurs crimes de guerre.
Il nous a parlé de bien d’autres
sujets, dans l'interview ci-après, traduite de l'arabe et
résumée par nos soins.
Le point de passage de Rafah
CPI :
La première question est sur le point de passage de Rafah et les
accords internationaux empêchant de l’ouvrir ?
Dr. Al-Achaal :
Le point de passage de Rafah est un passage palestinien. Le 15
novembre 2005, l’autorité palestinienne et "Israël" se sont
mises d’accord pour que le point soit dirigé par les
Palestiniens, sans que l’Egypte n’y joue un rôle. L’effet de cet
accord a pris fin le 14 novembre 2006. L’Egypte n’est alors pas
obligée de le fermer. C’est à elle de décider de l’ouvrir ou de
le fermer.
Pendant la guerre israélienne menée contre
Gaza, l’Egypte devait juridiquement l’ouvrir, non seulement pour
laisser passer les malades et les blessés, mais pour tous les
cas. La quatrième convention de Genève oblige tous les pays à
faire face aux violations pratiquées par un pays d’occupation.
Etant le seul voisin de Gaza, l’Egypte doit, selon cette
convention, mettre en échec les tentatives israéliennes de
fermeture du point de passage.
L’Egypte devait appeler le comité
international de la Croix-Rouge à intervenir, la situation étant
grave.
CPI :
L’Egypte dit que par la fermeture du passage était pour ne pas
consolider la division existante entre la Cisjordanie et la
bande de Gaza, qu’en dites-vous ?
Dr. Al-Achaal :
Je crois que le président égyptien a voulu dire que c’était Abou
Mazen (président de l’autorité palestinienne) qui lui avait
demandé de fermer le passage. Si le point avait été ouvert, sans
la présence de l’autorité, le Hamas se serait vu son autorité
renforcée. C’est cela que le président voulait dire.
Personnellement, j’ai directement défié Abou
Mazen afin qu’il demande du président Mobarek d’ouvrir le
passage. Il ne l’a pas demandé, et c’était à cela que le
président Mobarek faisait allusion.
CPI :
Quelles sont les données et les raisons qui administraient la
réaction politique égyptienne pendant la guerre ?
Dr. Al-Achaal :
Plusieurs données gouvernaient la position égyptienne pendant la
guerre.
Premièrement : La sauvagerie israélienne
était beaucoup plus grande que toute attente.
Deuxièmement : L’Egypte était attentive à
éviter toute guerre régionale de grande échelle.
L’Egypte avait les mains liées. Elle ne
pouvait rien faire, surtout en voyant plusieurs pays européens
et les Etats-Unis fournir à "Israël" toutes sortes d’armes
pendant la guerre.
Certainement, l’Egypte est sortie de
l’expérience avec une leçon très dure. Elle ne veut plus se voir
dans la même situation, avec une grande divergence entre la rue
arabe et le régime égyptien et certains autres régimes arabes.
L’occupation israélienne est sans avenir
CPI :
Des intellectuels disent que la dernière guerre a laissé la
porte ouverte à la légitimité de l’existence de l’Entité
sioniste, un Etat d’occupation. Qu’en diriez-vous ?
Dr. Al-Achaal :
"Israël" sait bien qu’elle est un Etat usurpateur. Les
Israéliens savent bien qu’ils réagissent à l’extérieur des
terrains délimités pour eux-mêmes. Ils croient que le monde a
cru en leur histoire et que les Palestiniens doivent être
chassés de la Palestine. Mais de nouvelles données viennent les
contredire.
Premièrement : La résistance du peuple
palestinien dans son territoire. Cette résistance est très
importante pour les Israéliens, psychologiquement. Elle les
laisse croire qu’ils n’ont aucun avenir sur cette terre.
Deuxièmement : Le monde arabe ne pourra
jamais accepter "Israël". Pour cette raison, "Israël" déchire
les Palestiniens, mais elle ne veut comprendre que la région
arabe constitue un même tissu. Lorsqu’une de ses parties est
attaquée, tout le reste réagit.
Malgré tous les empêchements, le peuple du
Maghreb a réagi contre la guerre.
"Israël" n’a pas encore compris ce point :
elle vit dans un grand corps qui pourra l’avaler entièrement un
jour.
Poursuivre les chefs israéliens
CPI :
Est-il utile de porter plainte contre les chefs de l’Entité
sioniste et les criminels de guerre ?
Dr. Al-Achaal :
Une telle poursuite est importante.
Premièrement : Elle permettra aux gens de
prendre connaissance des crimes d’"Israël".
Deuxièmement : Elle confirmera qu’"Israël"
n’est dans la région que pour semer la zizanie.
Troisièmement : Elle pourra gêner les
Israéliens, psychologiquement, surtout si les plaintes sont
portées par d’autres que des Arabes. Pour cette raison, une
commission présidée par le ministre de la justice a été mise en
place. Elle a pour fonction de protéger les militaires
israéliens de toute poursuite.
Actuellement, partout dans le monde, des
plaintes sont portées contre les Israéliens. De telles
poursuites isolent les Israéliens.
L’initiative arabe de paix
CPI :
L’initiative arabe a pris une ampleur internationale. Il faut la
retirer ou insister à l’appliquer ?
Dr. Al-Achaal :
"Israël" n’a même pas fait attention à cette initiative. Les
pays arabes sont mitigés à son sujet.
Le sommet de Doha, au Qatar, a dit qu’elle
est désormais périmée ; la résistance est l’alternative. Tous
les pays arabes auront le même avis, lorsqu’ils se rendront
compte qu’"Israël" ne veut jamais la paix.
CPI :
Mais les pays dits modérés, accepteront-ils la résistance ?
Dr. Al-Achaal : Le problème est plus profond.
Le monde arabe est divisé. Les pays modérés, s’ils commencent à
croire en l’importance de la résistance, savent-ils que toutes
résistance ne pourra continuer sans un soutien officiel arabe ?
Les négociations
CPI :
Vous êtes un homme ayant un long parcours diplomatique. Quel
regard portez-vous sur les négociations entre l’autorité
palestinienne et l’Entité sioniste ?
Dr. Al-Achaal :
Il est impossible de négocier avec "Israël", sans avoir quelque
chose entre les mains.
Aujourd’hui, il y a deux tendances. La
tendance de la résistance. Une autre tendance continue à
négocier selon Oslo. Moi personnellement, je crois que la maison
palestinienne doit mettre la résistance et les négociations à
leurs places.
Les forces palestiniennes doivent s’unir sur
un nouveau programme soutenu par les pays arabes.
CPI :
Le président de l’autorité palestinienne Abou Mazen demande la
permission d’entrer et de sortir à l’officier israélien assis à
sa porte. Un tel président pourra-t-il négocier ? Et si "Israël"
dit non, lui, que pourra-t-il faire ?
Dr. Al-Achaal :
Moi, j’ai pratiqué le travail diplomatique pour longtemps. J’ai
même participé à des négociations avec "Israël". Je sais bien
qu’on va aux négociations avec plusieurs points de force. Mais
comment le président du bureau de négociations y va sans même
avoir un seul point ?
La solution de la crise
CPI :
La sortie de la crise, comment l’imaginez-vous ?
Dr. Al-Achaal :
Je souhaite tout d’abord que les Palestiniens parlent d’une même
voix, que Gaza soit restaurée rapidement, que des dispositions
soient prises pour s’assurer qu’"Israël" ne pratique plus ses
agressions contre Gaza. Enfin il faut un dialogue sérieux afin
de bâtir un vrai système politique palestinien.
Puis, il faut une solidarité arabe totale
avec les droits palestiniens. Je parle d’une solidarité
officielle, parce que la solidarité populaire existe, mais elle
ne fera pas de poids dans nos pays.
Je crois qu’il faut commencer par ces étapes.
Tous les politiciens palestiniens doivent travailler main dans
la main. Le peuple palestinien a beaucoup donné, a fait beaucoup
de sacrifices. Le moment est venu pour exploiter ces sacrifices
à bon escient.
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