Centre Palestinien
d'Information
Hamas : son histoire de l'intérieur (1)
Photo CPI
26 octobre
2008
Dr. Azzam Tamimi
L’ouvrage Hamas : Son
histoire de l’intérieur de Dr. Azzam Tamimi s’inscrit dans
une volonté de montrer au monde la vision du mouvement du Hamas
et d’expliquer ainsi son développement. Le département français
du Centre Palestinien d’Information (CPI) a donc jugé
intéressant d’en présenter ici la traduction complète, diffusée
régulièrement en de nombreuses parties.
Préface
Beyrouth, le 13 août 2006
Alors que j’écris, la résolution de l’ONU prévue pour résoudre
le conflit au Liban doit encore entrer en vigueur. Mais alors
que le destin du sud Liban attend encore d’être fixé, il est
évident que ces événements-là auront un impact de grande portée.
L’impact est déjà manifeste dans la façon dont des mouvements
comme le Hezbollah et le Hamas ont partout pris le contrôle de
l’imagination des musulmans. Il est aussi certain que les vagues
du Liban vont s’étendre bien au-delà de la sphère de l’opinion
publique, et il se peut que nous soyons à la limite de
changements plus profonds – même si nous ne pouvons êtres
certains de ce que ces changements vont entraîner.
Il est aussi clair du langage employé en occident et notamment
aux Etats-Unis vis-à-vis de ce conflit qu’il existe une profonde
méprise concernant ce que des mouvements comme le Hezbollah et
le Hamas représentent. Ceci est similaire à la mauvaise lecture
de la base qui a donné lieu à la terrible “Guerre totale contre
le terrorisme”, qui a cherché à mélanger des mouvements comme le
Hamas avec al-Qaïda, une union qui viole gravement la vérité –
alors qu’il se pourrait qu’elle convienne à quelques politiques
qui ne sont intéressés que par la promotion des “modérés”
pro-occidentaux partageant leurs opinions.
En propageant délibérément et en perpétuant le mensonge selon
lequel des mouvements islamiques modérés comme le Hamas ne sont
pas différents des révolutionnaires d’al-Qaïda, qui croient
qu’il faut d’abord brûler une société pour en construire une
nouvelle, l’occident renforce la perspective d’un conflit plus
vaste entre lui et les courants politiques dominants dans la
région. L’amalgame risque de produire un réel conflit, avec la
possibilité de conséquences désastreuses, en plaçant l’occident
en mauvais termes avec des mouvements comme le Hamas qui
symbolisent pour de nombreux musulmans l’espoir d’une réelle
réforme et d’une société meilleure. Dans cette condition de
profonde méprise, un livre qui aide à présenter le Hamas et à
répondre à ces défauts de l’analyse occidentale est plus
qu’important : il est vital. La connaissance profonde de Dr.
Tamimi de l’islam politique dans son étendue lui permet de
parler du Hamas avec une vision plus large ainsi que d’écrire un
essai qui fera autorité sur un sujet avec lequel il a une grande
familiarité. Non pas comme de nombreux “experts”, il s’agit ici
d’un véritable expert.
Le Hamas se tient dans la tête d’avant-garde des mouvements
reflétant un sens de profond mécontentement musulman avec
l’ordre mondial actuel et son impact direct sur leurs sociétés.
De nombreux musulmans ressentent aussi l’hégémonie qui cherche à
imposer le modèle culturel occidental comme unique, en
présentant les valeurs universelles de liberté, de justice et de
bonne administration. Les islamistes épouses et proclament ces
valeurs, mais ils rejettent l’idée que l’occident jouit d’une
certaine sorte de copyright culturel sur la façon dont ces
valeurs sont appliquées, sur la façon dont elles devraient faire
partie de la vie quotidienne. En outre, le Hamas doute que
l’occident, dans sa configuration actuelle, ait grand-chose à
enseigner aux musulmans pour ce qui est des valeurs de justice
(dans son sens large), d’administration éthique ou de respect
des autres. Le Hamas ainsi que le Hezbollah soutiennent des
élections libres, mais sont d’avis que l’occident est hautement
sélectif dans son enthousiasme pour la “liberté”.
Bien entendu, le Hamas défend la résistance armée. Pour
l’occident, ceci est gênant : les occidentaux peuvent comprendre
que l’islamisme soit la politisation du mécontentement musulman
face à l’actuel ordre mondial, mais l’utilisation de la violence
par un acteur non-étatique semble particulièrement menaçant
pour nos susceptibilités. Pour nous, l’emploi de la violence
menace d’une descente aux enfers ; cela frappe les certitudes
européennes formées depuis que notre “califat chrétien” a pris
fin avec le Traité de Westphalie. A ce moment, notre califat du
saint empire romain se déchira en plusieurs nations-états
séparés ; l’Eglise a été séparée de l’Etat, et la religion, au
moins en théorie, est devenue du domaine de la propriété
personnelle seulement. Cela a été un tournant dans l’histoire
européenne, que nous percevons comme un élément fondamental
nécessaire pour les Lumières ainsi que pour le développement de
la raison et de la laïcité et pour le progrès de la science.
Cette idée a dominé la pensée européenne au cours des deux cents
dernières années. Elle est finalement devenue synonyme de
modernité pour la plupart des occidentaux.
Il n’est pas vrai que les gouvernements occidentaux rejettent
avec force la violence en soi : l’Irak, l’Afghanistan et
maintenant le Liban témoignent de cela ; mais nous voyons la
structure westphalienne de nations-états comme seul cadre pour
l’utilisation “légitime” de la violence. Les Etats peuvent
pratiquer la violence ; mais lorsque des mouvements l’utilisent,
cela semble menacer des certitudes traditionnelles, ces mêmes
certitudes traditionnelles servent de base aux Lumières. Dans le
fond, les mouvements comme le Hamas semblent défier nos
certitudes westphalienne. Bien sûr, pour les islamiques, la
récente histoire porte un message différent. Les nations-états
n’ont rien des idées bienveillantes que nous attribuons aux
Lumières. Pour la plupart des Arabes, le dessin des frontières
nationales s’est fait récemment et a été imposé, avec quelques
idées bienveillantes et peu de “lumière”.
Lorsque l’occident observe un mouvement comme le Hamas, qui
semble contredire nos certitudes fondamentales des Lumières, sa
première exigence est qu’il renonce à la violence, qui se
désarme et qu’il se joigne à un parti politique.
Ce qui est implicite dans cette condition, c’est que les
mouvements comme le Hamas doivent accepter nos certitudes. Notre
pré-condition invariable, avant même toute discussion, est
qu’ils doivent s’engager dans nos termes. La violence
“légitime”, nous insistons, doit rester seulement entre les
mains des acteurs de l’Etat, aussi douteux qu’il puisse être.
Notre exigence implique aussi que ces mouvements reconnaissent
les déclarations concernant l’ordre mondial qui positionne à
jamais l’occident comme propriétaire du modèle pour la
réalisation de la modernité. Ceci est le point crucial, car
l’adoption par le Hamas de notre modèle équivaut à son
acceptation de l’ordre mondial prédominant qui cherche à imposer
les termes pour un Etat palestinien sur une base que les
Palestiniens considèrent comme étant manifestement injuste. Le
Hamas constate aussi que la demande de jouer seulement selon les
règles occidentales est un exercice de pouvoir destiné à les
“domestiquer”, et à forcer un soutien à l’hégémonie occidentale.
Le consentement nie au mouvement son autorité ainsi que sa
légitimité : son accord n’est donc pas une option, d’où le
besoin de rester une force armée face à l’hostilité occidentale
et israélienne.
Le défi envers l’hégémonie occidentale et israélienne ne doit
pas être considéré comme anti-occidental. Le Hamas n’est pas
anti-occidental. Le défi du Hamas envers notre soi-disant
copyright pour l’organisation socio-économique de la modernité
n’implique non plus aucun anti-modernisme virulent. Le Hamas
cherche plutôt à former un ordre social et politique juste en
Palestine, opposé à un environnement d’oppression et
d’exploitation basé sur l’hégémonie de l’occident. Il croit
qu’il a de meilleures réponses pour la formation d’un avenir
politique palestinien que celles que peuvent présenter
l’occident. En agissant de la sorte, le Hamas, comme d’autres
mouvements islamiques, croient qu’une nouvelle réflexion
politique islamique peut être prise uniquement en se
désengageant des perspectives historiques et philosophiques
reçues de l’occident.
Le défi posé par un mouvement comme le Hamas devrait être
compris comme étant aussi bien intellectuel que militaire. Le
Hamas prend l’action armée comme un seul outil qui peut être
utilisé pour accomplir ses objectifs, et son avantage n’est pas
perçu comme un ingrédient essentiel de sa philosophie, mais
comme une nécessité face à l’hostilité quasi-universelle et à
une occupation vouée à mourir. Je crois que l’ouvrage de Dr.
Tamimi nous accompagnera pour nous aider à gagner le courage
d’examiner ce défi présenté à certaines de nos certitudes et
icônes culturelles et à répondre intelligemment plutôt qu’avec
notre défensive habituelle.
Préface rédigée par
Alastair Crooke
Conflicts Forum
Hamas: son histoire de
l'intérieur (2)
Hamas: son histoire de
l'intérieur (3)
Traduction du Centre
Palestinien d’Information (CPI)
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