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Centre Palestinien
d'Information
Hamas : son histoire de l'intérieur (96)
Photo CPI
Dimanche 26 septembre 2010
Dr. Azzam Tamimi
L’ouvrage Hamas : Son histoire de l’intérieur de Dr. Azzam
Tamimi s’inscrit dans une volonté de montrer au monde la vision
du mouvement du Hamas et d’expliquer ainsi son développement. Le
département français du Centre Palestinien d’Information (CPI) a
donc jugé intéressant d’en présenter ici la traduction complète,
diffusée régulièrement en de nombreuses parties.
Le Hamas au
gouvernement (22)
Les questions relatives aux affaires politiques majeures, comme
mettre fin ou continuer le cessez-le-feu, sont effet prises en
compte au plus haut niveau de la direction du mouvement du
Hamas. Les décisions à ce niveau impliquent à tout moment
possible les leaders du Hamas en Cisjordanie, dans la bande de
Gaza et dans la diaspora. Cependant, les tactiques employées
pour forcer Israël à libérer les prisonniers et à se retirer des
territoires occupés sont des choix locaux. Le fait que le
premier ministre Ismaël Haniyeh et les autres membres de son
cabinet n’aient rien su de l’opération de kidnapping n’aurait
pas dû être surprenant. Avant la tenue des élections
législatives, au sein du Hamas, il avait été accordé que les
membres du mouvement élus pour le Conseil Législatif Palestinien
ou nommés pour le cabinet devaient renoncer à leurs positions de
direction au sein du mouvement. Ils continueraient, bien sûr,
d’être membres du Hamas, mais sans responsabilités exécutives.
Cette décision fut prise afin d’éviter ce qui était considéré
comme étant des erreurs de la part du Fatah, dont les membres
combinaient bien trop de positions, parfois avec des
responsabilités contradictoires, avec pour effet de frapper leur
crédibilité et de compromettre leur capacité à parvenir à des
résultats. Bien qu’Ismaël Haniyeh ait été un leader-clé du
mouvement du Hamas dans le passé avec des pouvoirs exécutifs, il
cessa d’exercer de tels pouvoirs une fois au cabinet ou au
conseil législatif. Il fut donc très peu surprenant de voir
Ghazi Hamad, porte-parole pour le gouvernement dirigé par le
Hamas, ne rien connaître de l’opération lorsqu’il appela aux
ravisseurs du soldat de le garder en vie. Il dit à des reporters
dans la ville de Gaza : « L’armée de l’occupation dit qu’il y a
un soldat kidnappé. Nous n’avons pas reçu de réponse officielle
des factions de la résistance, mais si cela est vrai, alors nous
appelons les factions à protéger le soldat. Si les factions
palestiniens retiennent en effet le soldat kidnappé, nous les
appelons à bien le traiter et à ne pas lui faire de mal ».
Appelant Israël à s’abstenir de poursuivre ses attaques, Hamad
ajouta : « Le gouvernement palestinien suit l’affaire de près et
tient des discussions avec la présidence palestinienne, l’Egypte
et d’autres éléments dans l’intention de résoudre la question ».
Il y eut beaucoup de spéculations sur l’existence de deux
tendances ou deux points de vue au sein du Hamas sur cette
question précise. Cela n’est toutefois rien d’autre qu’un
mythe : c’est un fruit de l’imagination ou peut-être le résultat
d’un espoir secret. Il est faux de dire que Haniyeh est un
modéré alors que Meshaal est un radical ou un extrémiste. Alors
qu’il n’est que naturel que différents individus aient
différentes façons de s’exprimer ou de se conduire, lorsqu’il
s’agit de politique ou de stratégie, Haniyeh et Meshaal s’en
tiennent tous deux aux décisions du commandement général du
mouvement, basées sur la shura (consultation).
La prise de décisions au sein du Hamas, toutefois, est
influencée par un facteur important, qui est le sentiment
public. La rue à travers la bande de Gaza et la Cisjordanie se
remplit vite de manifestants célébrant la capture du caporal
Shalit et appelant ses ravisseurs à ne pas le rendre contre
rien. Des familles de détenus palestinien dirigèrent les
rassemblements, tenant des conférences de presse l’une après
l’autre pour envoyer ce message aux ravisseurs du soldat aussi
bien qu’aux leaders des factions palestiniennes impliquées. Mais
les Israéliens étaient déterminés à ne pas répondre aux appels à
la négociation pour un échange de prisonniers. Ils bloquèrent
même des initiatives d’une troisième partie destinées à résoudre
la crise. Selon la presse israélienne, le membre de la Knesset
Sheikh Ibrahim Sarsur, président du Mouvement Islamique, dit que
le Shin Bet, les services de renseignements internes d’Israël,
avait empêché les membres du Hamas de prendre part à un dialogue
avec un groupe de rabbins en Cisjordanie, destiné à assurer la
libération du caporal Shalit. Le ministre du Hamas des affaires
de Jérusalem Khalid Abu Arafah et le représentant du Hamas à
Jérusalem, Sheikh Muhammad Abu Tir, furent détenus et avertis
par le Shin Bet de ne pas prendre part à la rencontre. Lors
d’une conférence de presse à Jérusalem, Sarsur était accompagné
du rabbin Menachem Fruman de la colonie de Tekoa, un ancien
supporter du dialogue religieux entre musulmans et juifs, et du
rabbin David Bigman, chef de la yeshiva du Mouvement du Kibboutz
Religieux libéral à Ma’ale Gilboa.
Entre-temps, AFP cita le ministre de l’infrastructure nationale
d’Israël, Binyamin Ben Eliezer, qui dit en menace qu’Israël
pouvait kidnapper « la moitié du cabinet palestinien » si
nécessaire. Un autre ministre israélien, le ministre de la
justice Haim Ramon, dit à la radio de l’armée israélienne que le
leader du Hamas Khaled Meshaal était une cible pour un
assassinat « pour avoir ordonné le kidnapping d’un soldat
israélien dans la bande de Gaza ». Il ne fallut pas longtemps
pour que la première menace se matérialise. Dans les premières
heures du 29 juin, les troupes israéliennes kidnappèrent et
détinrent soixante-quatre officiels du Hamas, dont des ministres
et des membres du Conseil Législatif Palestinien. La plupart des
officiels du Hamas furent saisis d’un hôtel à Ramallah, menacés
d’une arme, dans ce qui fut interprété à l’époque comme un
message fort pour dire qu’Israël ne faisait pas de distinction
entre les branches politique et militaire du Hamas. Vingt-trois
autres membres du Hamas furent arrêtés plus tard dans la même
journée.
Vers le 30 juin, la direction du Hamas à Gaza rendit sa position
claire. Dans son sermon hebdomadaire du vendredi, le premier
ministre palestinien Ismaël Haniyeh jura que son gouvernement
n’allait pas se soumettre à la force, disant qu’Israël devait
arrêter son offensive à Gaza si elle souhaitait libérer son
soldat capturé. Il montra clairement qu’aucune concession ne
serait faite et insista à dire que l’offensive israélienne était
destinée à faire tomber le gouvernement du Hamas, mais il promit
qu’il ne tomberait pas et ne changerait pas sa position.
Accusant Israël d’avoir planifié une guerre ouverte après avoir
échoué à faire chanter son administration pour qu’elle fasse des
concessions au sujet de la libération du soldat, il dit qu’il
n’allait pas troquer le soldat israélien enlevé contre les
ministre du cabinet et les cinquante-six autres officiels du
Hamas détenus par les soldats israéliens le jour précédent.
Défiant toute la pression israélienne, régionale et globale sur
son gouvernement, il profita de l’occasion pour annoncer qu’il
n’allait pas y avoir de référendum sur une initiative concernant
la condition d’Etat prônée par Mahmoud Abbas.
Rien de tout ce que les Israéliens firent à Gaza ne semblait
être capable de convaincre le Hamas à se rendre, bien que les
bombardements habituels quasi-quotidiens aient fauché de
nombreuses vies et détruit toute l’infrastructure de Gaza. Alors
que l’artillerie israélienne frappa la région frontalière,
l’aviation israélienne bombarda le bureau du premier ministre,
le ministère de l’économie, le ministère des affaires étrangères
et le ministère de l’intérieur. L’aviation bombarda aussi les
ponts et les routes principales à travers la bande de Gaza,
ainsi que les centrales électriques et d’autres services, dans
une intention manifeste d’estropier complètement le gouvernement
dirigé par le Hamas. Cela confirma les suspicions selon
lesquelles l’entière opération ne consistait pas à secourir un
seul soldat israélien retenu captif par les Palestiniens, mais
que c’était plutôt une campagne visant à détruire la capacité du
Hamas à gouverner à Gaza. A ce moment-là, on ne pouvait plus
vraiment douter que les Israéliens cherchaient à accomplir ce
que leurs alliés au sein du Fatah n’avaient pas réussi à faire.
Cependant, tout ce qu’ils accomplirent en rendant la vie encore
plus misérable aux 1,2 millions de personnes de la bande de Gaza
fut de les unir dans leur opposition et leur détermination à
insister sur l’échange de prisonniers.
L’attention mondiale se déplaça soudain de Gaza vers le sud du
Liban. Dans ce qui pourrait avoir semblé être une opération
destinée à soulager Gaza, le Hezbollah exécuta une attaque
contre un poste militaire israélien sur la frontière du Liban,
capturant deux soldats israéliens et en tuant huit autres. A
plusieurs occasions dans le passé, Israël avait échangé des
prisonniers avec le Hezbollah, dont le leader, Hassan Nasrallah,
avait juré plusieurs mois auparavant que son groupe ferait de
son mieux pour assurer la libération des prisonniers libanais
toujours en détention israélienne. Les populations libanaise et
palestinienne célébrèrent le succès de l’opération et
anticipèrent un accord de la part des Israéliens pour un échange
de prisonniers. Cependant, Israël refusa de négocier. Au lieu de
cela, elle bombarda lourdement le Liban, et envoya même des
forces terrestres sur la frontière libanaise, provoquant ainsi
une crise internationale. Le Hezbollah continua à résister,
répondant avec des attaques de roquettes sur les villes et
colonies israéliennes du nord, et frappant pour la première fois
la ville portuaire de Haifa avec les missiles de moyenne portée
qu’elle venait d’acquérir. Cela causa la panique non seulement à
Haïfa, mais aussi jusqu’à Tel Aviv, que les Israéliens croyaient
être une prochaine cible probable du Hezbollah.
Fin du
chapitre.
Traduction réalisée
par le Centre
Palestinien d’Information (CPI)
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