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Centre Palestinien
d'Information
Hamas : son histoire de l'intérieur (49)
Photo CPI
Lundi 12 octobre 2009
Dr. Azzam Tamimi
L’ouvrage
Hamas : Son histoire de l’intérieur
de Dr. Azzam Tamimi s’inscrit dans
une volonté de montrer au monde la vision du mouvement du
Hamas et d’expliquer ainsi son développement. Le département
français du Centre Palestinien d’Information (CPI) a donc
jugé intéressant d’en présenter ici la traduction complète,
diffusée régulièrement en de nombreuses parties.
Hors de la Jordanie (9)
La remarque la plus fréquemment entendue
en Jordanie à l’époque était que rien de ceci ne se serait
produit si le roi Hussein avait encore été en vie. Le roi défunt
était connu pour le traitement de telles affaires sensibles avec
une profonde sagesse, avec justice et fermeté. Les gens
trouvèrent difficile de s’empêcher de faire des comparaisons
entre le sort du Hamas sous Abdullah et le traitement qu’il
reçut sous son père. C’est le roi Hussein qui sauva la vie de
Khaled Meshaal lorsque le Mossad essaya de le tuer. Le roi
Hussein avait aussi insisté sur la libération de Sheikh Yassine
de la détention israélienne. Enfin, le roi Hussein avait
accueilli Moussa Abu Marzouq en Jordanie lorsque les Américains
le libérèrent de la détention. La décision du roi Abdullah de
laisser les affaires entre les mains de Samih Al-Battikhi, qui
fut plus tard déclaré coupable et emprisonné pour fraude et
corruption, causa beaucoup de tort à la position du roi dans ses
premiers jours sur le trône.
Al-Battikhi avait utilisé le gouvernement de Abd Al-Ra’uf Al-Rawabidah
comme un outil et une couverture pour ses propres fins. Il
s’était comporté d’une manière frappait même ses plus proches
associés. Il crut évidemment que ses pouvoirs étaient illimités
et que personne n’avait d’autorité pour l’interroger sur ses
actions. Au-dessus de tout, il insista à éloigner le Hamas de la
Jordanie de la manière la plus humiliante, alors que cela aurait
pu se faire de façon moins désagréable. Les leaders du Hamas
savaient quelle pression énorme était exercée sur la Jordanie
par Israël, l’autorité palestinienne et les Etats-Unis. Ils
reconnaissaient que leur présence en Jordanie et les activités
qu’ils étaient autorisés à conduire étaient tous basés sur un
noble accord conclu entre eux et les autorités jordaniennes à
l’époque du défunt roi Hussein. Si le nouveau roi souhaitait
mettre un terme à cet arrangement, tout ce dont il avait besoin
de faire était de dire au Hamas que les circonstances avaient
changé et que la Jordanie ne pouvait plus fournir d’abri sûr à
ses leaders, avec leurs médias et leurs activités politiques. Ce
fut un moyen d’action imprudent et non-nécessaire que d’arrêter
les leaders du Hamas et de lancer des accusations absurdes
contre eux, alors que tout le monde savait que leur présence et
de leur activité en Jordanie étaient parfaitement légales et en
accord avec un précédent accord. Les Jordaniens se trompèrent
lourdement de jugement. Ils croyaient que le processus de paix
entre Israël et l’autorité palestinienne allait faire un bond en
avant et que le Hamas déclinerait alors. Ils s’imaginèrent donc
qu’ils n’auraient rien à regretter en mettant un terme à
l’opération du Hamas.
A Doha, les membres du bureau politique du Hamas affichèrent dès
le début leur détermination à se battre pour le droit à
retourner en Jordanie. Le groupe du Hamas persuada les Qataris,
qui avaient inconsciemment joué un rôle mineur dans leur
déportation, qu’ils avaient une responsabilité morale de
faciliter leur rapatriement. Les Qataris promirent de n’épargner
aucun effort, mais dirent qu’ils voulaient attendre un peu, le
temps que le calme revienne. A l’insistance des leaders du Hamas
déportés, toutefois, le Qatar reprit bientôt ses efforts de
médiation. Le ministre des affaires étrangères Hamad Bin Jassim
transmit des messages au roi Abdullah lui-même, lui rappelant
que les individus déportés étaient des citoyens jordaniens, qui
avaient tout droit, selon la constitution jordanienne, de
retourner dans leur pays. Les autorités jordaniennes, d’autre
part, voulaient fixer des règles de communication. Par exemple,
ils refusaient de reconnaître Khaled Meshaal comme chef du
bureau politique du Hamas si la question en considération était
son retour en Jordanie en tant que citoyen jordanien. La
position des déportés du Hamas était sans équivoque. Ils
insistèrent pour que la distinction soit faite entre leur droit
absolu, en tant que Jordanien, de vivre en Jordanie et de jouir
des droits entiers de leur citoyenneté jordanienne, et leur
volonté de diriger l’activité du Hamas à l’intérieur de la
Jordanie. Alors que la seconde question était négociable, la
première ne l’était pas, et ils ne voulaient faire de compromis
là-dessus.
Une délégation jordanienne comportant le directeur du DRG Samih
Al-Battikhi et le ministre des affaires étrangèrs Abd Al-Ilah
Al-Khatib se rendirent au Qatar pour deux jours au milieu de
l’an 2000, quelques mois avant qu’Al-Battikhi ne soit écarté de
son travail. Ceux qui regardaient Qatar TV le jour où la
délégation fut reçue par l’émir du Qatar ne purent s’empêcher de
conclure qu’Al-Battikhi était responsable. En violation du
protocole diplomatique, on le vit donnant une lettre du roi
Abdullah à l’émir du Qatar. L’objectif de la visite était
essentiellement de prier les Qataris de ne pas demander à la
Jordanie d’accepter le retour des déportés du Hamas. Al-Battikhi
dit à ses hôtes qataris : « Nous ne les voulons pas ; nous
espérions, lorsqu’ils sont partis à Téhéran, qu’ils y restent.
Alors arrêtez de nous demander de les reprendre ». Durant les
discussions que la délégation tint avec l’émir du Qatar, Al-Battikhi
reçut une lettre en réponse au roi Abdullah. Il ouvrit la lettre
tout en étant en présence de l’émir, la lut et dit qu’il n’était
pas d’accord avec son contenu. L’émir du Qatar lui dit avec
colère que la lettre ne lui était pas adressée et qu’il n’aurait
pas dû l’ouvrir en premier. En colère suite à l’attitude
discourtoise de son invité jordanien, l’émir mit soudainement
fin au meeting.
Plus tard au cours de la même année, Khaled Meshaal eut une
opportunité de rencontrer le nouveau premier ministre jordanien,
Ali Al-Raghib, au sommet de l’Organisation de la Conférence
Islamique (OCI) à Doha en novembre 2000. Peu de changement avait
eu lieu dans la position de la Jordanie. Le nouveau premier
ministre insistait à dire que Meshaal et ses collègues avaient à
choisir entre deux options. Premièrement, s’ils acceptaient de
renoncer au Hamas, ils pouvaient retourner en Jordanie en tant
que citoyens jordaniens. Là, il leur serait possible de
rejoindre un parti politique, ou d’en créer un eux-mêmes. Si
toutefois, ils choisissaient de s’accrocher au Hamas, ils
devraient rendre leurs passeports jordaniens et accepter des
passeports de deux ans de validité (du type donné aux
Palestiniens résidant temporairement en Jordanie). Ils
pourraient alors effectuer des visites limitées en Jordanie
s’ils gardaient les autorités de la sécurité informés. Tel était
l’arrangement avec le leader du FPLP George Habash et du leader
du FDLP Nayif Hawatmah. Clairement, cette rencontre ne fut pas
productive.
Le changement de gouvernement en Jordanie, cependant, ainsi que
le révocation de Samih Al-Battikhi de son poste, et la seconde
Intifada, qui commença en septembre 2000, tout cela prépara la
voie à la réhabilitation du membre restant du bureau politique
du Hamas en Jodanie, Muhammad Nazzal. Voici comment Nazzal
rapporta la résolution de ce problème :
« J’ai commencé à me cacher le 30 août 1999 et est resté ainsi
jusqu’au 27 décembre 2000. Durant toute cette période, j’ai
continué à être recherché par les autorités, qui n’ont pas
arrêté de me chercher jusqu’à ce que la seconde Intifada
commence en septembre 2000. Je crois qu’un certain nombre de
facteurs sont entrés en jeu. Tout d’abord, le directeur du DRG a
été remplacé par son suppléant, Sa’d Khayr. Il aurait été très
difficile de voir mon problème se résoudre si Samih Al-Battikhi
avait toujours était au pouvoir. Ensuite, un nouveau
gouvernement dirigé par le premier ministre Ali Abu Al-Raghib a
remplacé celui d’Abd Al-Ra’uf Al-Rawabidah, qui avait largement
contribué à la crise. Troisièmement, j’avais un ami à
l’intérieur du nouveau cabinet. C’était Faris Al-Nabulsi,
premier ministre adjoint et ministre de la justice.
Quatrièmement, tout le climat politique avait changé en raison
de l’Intifada. Un ami commun m’a contacté pour me parler du
souhait de Faris Al-Nabulsi de trouver une solution à mon
problème. J’ai dit que j’étais prêt à tout tant que je ne
perdais pas ma nationalité jordanienne et qu’il ne m’était pas
demander d’abandonner ma position au Hamas. Après une série de
contacts, j’ai été informé que le problème avait été résolu et
que tout ce que j’avais besoin de faire avant que la situation
rentre dans l’ordre était de rencontrer un officiel du DRG. J’ai
hésité au début, de peur que cela soit un piège pour m’arrêter.
Finlament, j’ai rencontré l’officiel du DRG, qui m’a assuré que
je pouvais retourner à une vie normale si je ne m’engageais pas
dans une activité médiatique ou politique au nom du Hamas ».
Entre-temps, les Qataris continuèrent à discuter avec la
Jordanie pour qu’elle change de position, mais en vain. En mars
2001, le ministre des affaires étrangères qatari, qui assistait
au sommet arabe à Amman, dit à son homologue jordanien et au
premier ministre jordanien que « les gens du Hamas insistent à
retourner, et si vous ne résolvez pas le problème, ils
trouveront un moyen pour rentrer d’eux-mêmes ».
Les Jordaniens semblaient indifférents. Ayant conclu que les
autorités jordaniennes n’étaient pas sérieuses sur la résolution
du problème, le bureau politique du Hamas, après une réflexion
minutieuse, d’envoyer deux de ses membres, Ibrahim Ghosheh et
Sami Khatir, pour qu’ils retournent à Amman. Le plan était
qu’ils y aillent au début du mois de juin. Mais Khatir ne put
finalement pas voyager pour des raisons familiales et Ghosheh
dut partir seul. Le gouvernement qatari fut informé que Ghosheh
avait acheté un billet aller simple pour Amman et que son
assistance serait appréciée. En retour, les autorités qataries
demandèrent au pilote de l’avion qatari du passager sur lequel
Ghosheh voyageait de ne pas le ramener à Doha, en aucun cas. Le
Qatar, déjà non-content de l’attitude jordanienne, était ravi de
donner de l’aide à Ghosheh dans son avion pour retourner en
Jordanie.
Hamas: son histoire de
l'intérieur (48)
Hamas: son histoire de
l'intérieur (50)
Traduction réalisée
par le Centre
Palestinien d’Information (CPI)
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