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Centre Palestinien
d'Information
Hamas : son histoire de l'intérieur (11)
Photo CPI
10 janvier 2009
Dr. Azzam Tamimi
L’ouvrage Hamas : Son
histoire de l’intérieur de Dr.
Azzam Tamimi s’inscrit dans une volonté de montrer au monde la
vision du mouvement du Hamas et d’expliquer ainsi son
développement. Le département français du Centre Palestinien
d’Information (CPI) a donc jugé intéressant d’en présenter ici
la traduction complète, diffusée régulièrement en de nombreuses
parties.
Les débuts (7)
Deux facteurs empêchèrent finalement les Ikhwan palestiniens de
s’engager dans l’effort national pour la Palestine. D’une part,
ils craignaient l’idée de perdre leur identité islamique. Ils
virent ceci se produire aux fondateurs du Fatah qui tous, à part
Yasser Arafat, étaient des membres des Ikhwan, mais qui finirent
par se détacher de leur idéologie islamique en faveur d’un
nationalisme laïc. D’autre part, les Ikhwan perdirent
l’assurance, et peut-être même la capacité de faire la
distinction entre les questions plus importantes et les
questions moins importantes. La persécution qu’ils subirent, ou
celle éprouvée par leurs frères en Egypte et dans d’autres pays
de la région, les conduire à diriger leur attention à
l’intérieur, vers eux-mêmes. En raison de cela, ils devinrent
incapables de reconnaître les questions nationales importantes
des questions islamiques qui méritaient leur attention. Leur
souci premier était d’établir, de préserver et d’exprimer une
identité islamique comme un moyen vers la mise en place du
projet panislamique. Il se peut que cette tendance ait été
assistée par le fait que dans la plupart des pays arabes, le
mouvement avait forcé à la clandestinité. Les membres des Ikhwan
déclarèrent que rien ne pouvait être accompli sans
l’établissement d’un ordre islamique. C’était une idée qui
n’était pas très éloignée de celle adoptée par les membres de
Hizb Al-Tahrir. Ils notèrent de précédents échecs, citant
notamment l’expérience des Ikhwan égyptiens avant leur conflit
avec Nassir.
Il était ironique que les Ikhwan, qui envoyèrent des centaines
de volontaires pour empêcher la tombée de la Palestine entre des
mains sionistes en 1948, commencent à justifier leur abstention
du djihad en Palestine vers le début des années 1970. Ce qui se
passait en Palestine, disaient-ils, n’étaient rien d’autre qu’un
symptôme de la maladie qui affligeait la communauté, qui avait
été affaiblie par le manque d’observance religieuse. La
conséquence la plus drastique de l’éloignement de la voie de
l’islam, expliquaient-ils, était l’effondrement du projet visant
à consolider une civilisation islamique, ce qui permit alors aux
ennemis de l’islam d’occuper des territoires musulmans, dont la
Palestine. La solution, selon leur explication, était de
retourner à l’islam et d’appliquer sa loi et ses règles. Ce
n’est qu’alors que la communauté serait en position d’affronter
ses ennemis externes, que ce soit en Palestine ou ailleurs.
Sheikh Hassan Ayyub rejetait cette logique et se moquait de ceux
qui la défendaient. Sa capacité à rassembler de nombreux
Palestiniens autour de lui alerta les Ikhwan palestiniens, les
poussant à repenser leur discours et leur stratégie. Agissant
ainsi, ils découvrirent combien leurs déclarations étaient
incorrectes et même dangereuses. Le phénomène du renouveau
islamique avait brisé le monopole de groupes organisés sur les
activités qui appelaient à prendre conscience de l’islam. A ce
moment, toutefois, il fournit à ces groupes une dose de
confiance qui détruisit les barrières de la peur et de
l’anxiété. Les jours où seuls les adhérents aux Ikhwan
montraient des signes de conscience religieuse étaient partis :
la société dans son ensemble devenait de plus en plus religieuse
et l’observance des valeurs et des règles islamiques devenait de
plus en plus la norme plutôt que l’exception. Les Ikhwan
palestiniens remarquèrent que tout ajournement dans l’adoption
de la cause de la libération de leur patrie de l’occupation
israélienne pouvait probablement leur coûter leur crédibilité et
annuler leurs accomplissements.
Les étudiants et les jeunes gens en général composaient la
section de la population la plus influencée par le renouveau
islamique. C’était la génération dans laquelle le potentiel de
recrutement était le plus élevé, et c’était chez elle que la
compétition était la plus intense entre les diverses factions
idéologiques et politiques. Dans les années 1970, les Ikhwan,
comme d’autres groupes, commencèrent à viser des étudiants de
l’établissement supérieur, les recrutant et leur demandant de
former des associations étudiantes islamiques qui à leur tour
faisaient de la publicité et encourageaient à davantage de
recrutements. Cependant, leur plus grand succès était dans les
mosquées, où des comités de mosquée allaient être mis en place
pour veiller sur les jeunes et pour leur fournir des services
sociaux, récréatifs et éducationnels. L’établissement d’une
section estudiantine à l’intérieur de l’organisation des Ikhwan
palestiniens au Koweït au milieu des années 1970 était un
tournent historique. C’était un moment opportun, qui coïncidait
avec l’entrée à l’Université du Koweït du premier groupe de
jeunes membres des Ikhwan qui avaient été recrutés avant même
qu’ils aient quitté leurs établissements supérieurs. Une de ces
jeunes recrues était Khaled Meshaal, qui est aujourd’hui le chef
du bureau politique du Hamas.
Khaled Meshaal naquit en 1956, dans le village cisjordanien de
Silwan, près de Ramallah. Il vécut ici pendant onze ans,
jusqu’en 1967, lorsqu’il fut contraint de quitter sa maison et
de s’installer en Jordanie. Peu de temps après, le jeune Khaled
quitta la Jordanie pour le Koweït, où son père avait vécu et
travaillé avant 1967. En 1970, après avoir terminé son éducation
primaire, il alla à la prestigieuse Ecole Secondaire Abdullah
Al-Salim, qui n’était ouverte qu’aux élèves de hauts niveaux, et
qui était au début des années 1970 une serre d’activités
politiques et idéologiques intenses. Dans sa deuxième année à
l’école Al-Salim, il fut recruté par les Ikhwan, chez qui il
devint un membre sérieux et dévoué. Après avoir terminé son
éducation à l’école, il fut admis à l’Université du Koweït, où
il étudia pour obtenir une licence en physique.
L’Université du Koweït avait une branche active de l’Union
général des étudiants de Palestine (GUPS), qui était sous le
contrôle absolu du mouvement du Fatah. Bien que les islamistes
aient d’abord évité la GUPS, ils décidèrent en 1977 de la
rejoindre et de participer à l’élection de sa direction. Ceci
coïncida avec la visite à Jérusalem du président égyptien Anwar
Al-Sadat, pour appeler à une fin du conflit palestinien. Khaled
Meshaal et ses collègues formèrent une liste pour l’élection de
la GUPS sous le nom Al-Haqq (vérité), qui lança une campagne qui
se focalisait essentiellement sur deux questions : la guerre au
Liban et son impact sur la cause palestinienne ; et la visite de
Sadat à la Knesset israélienne à Jérusalem et ses répercussions.
Toutefois, il s’avéra impossible de travailler de l’intérieur de
la GUPS. Les islamistes se sentirent constamment freinés et ils
conclurent qu’ils ne pourraient jamais mettre leurs idées en
pratique. Vers 1980, deux années après l’obtention du diplôme de
Khaled Meshaal de l’Université du Koweït, ses cadets décidèrent
de quitter la GUPS et de former leur propre association
palestinienne à l’université. L’Association Islamique
d’Etudiants Palestiniens au Koweït était une des diverses
associations estudiantines fondées par les Ikhwan palestiniens à
travers le monde comme des plates-formes pour les étudiants
palestiniens qui ne voulaient pas se joindre à la GUPS dominées
par l’OLP. Parmi les plus actives d’entre ces associations, il y
avait celles mises en place au début des années 1980 aux
Etats-Unis, au Royaume-Uni et dans d’autres pays européens où
des Palestiniens poursuivaient leurs études. Nombre de ces
étudiants avaient déjà perdu leur confiance en l’OLP. Ils
étaient désillusionnés de la direction de l’OLP, dont
l’intention semblait se contenter de bien moins que le rêve avec
lequel la jeunesse palestinienne avait grandi, à savoir la
libération de la Palestine du fleuve jusqu’à la mer, et le
retour chez eux de tous les réfugiés.
Fin du
premier chapitre
Hamas: son histoire de
l'intérieur (10)
Hamas: son histoire de
l'intérieur (12)
Traduction réalisée
par le Centre
Palestinien d’Information (CPI)
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