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Centre Palestinien
d'Information
Hamas : son histoire de l'intérieur (65)
Photo CPI
Lundi 8 février 2010
Dr. Azzam Tamimi
L’ouvrage
Hamas : Son histoire de l’intérieur
de Dr. Azzam Tamimi s’inscrit dans
une volonté de montrer au monde la vision du mouvement du
Hamas et d’expliquer ainsi son développement. Le département
français du Centre Palestinien d’Information (CPI) a donc
jugé intéressant d’en présenter ici la traduction complète,
diffusée régulièrement en de nombreuses parties.
Le djihad et le martyre (6)
Pour aller plus loin
Les opérations-suicides ou “martyres” ne sont en aucun cas
restreintes à la Palestine, mais sont aussi exécutées par des
musulmans ailleurs dans le monde. Le débat sur le martyre s’est
intensifié, avec des divisions devenant plus grandes que jamais.
Peu de savants acceptent d’approuver toutes les
attaques-suicides comme des opérations martyres, quel que soit
le lieu ou le moment où elles sont exécutées. Il est à noter
qu’un certain nombre d’éminents savants qui soutiennent les
opérations “martyres” en Palestine furent sans équivoque sur les
attaques du 11 septembre à New York. Ces érudits condamnèrent
aussi les dernières attaques à Bali, à Riyad, à Rabat, à
Istanbul, à Madrid et à Londres, ainsi que les attaques qui
prennent en cible des civils dans divers lieux en Irak ou en
Afghanistan. Ils jugent ces attaques d’actes de criminalité, et
non pas des actes de djihad légitime.
En juillet 2004, Sheikh Yussuf Al-Qaradawi, qui dirige le groupe
des savants qui tiennent cet avis, fut invité par le maire de
Londres, Ken Livingstone, pour réunir le meeting annuel du
Conseil Européen pour la Fatwa et la Recherche aux quartiers
généreux de l’Autorité du Grand Londres. Cette initiative venait
en geste de bienveillance de la part du maire à l’égard des
musulmans de Londres, qui constituent environ dix pour cent de
la population de la ville. Sheikh Al-Qaradawi saisit l’occasion
pour inviter des centaines de savants du monde musulman à venir
à Londres durant sa visite pour inaugurer l’Union Internationale
des Savants Musulmans, un projet sur lequel lui et nombre de ses
invités travaillaient.
Des groupes pro-israéliens au Royaume-Uni condamnèrent la
présence de Sheikh Al-Qaradawi à Londres, l’accusant de soutenir
le terrorisme. La député travailliste britannique Louise Ellman
et le Conseil de Députés Juifs dirigèrent la campagne pour que
le sheikh soit expulsé, n’ayant pas réussi à empêcher sa visite
en premier lieu. La controverse au sujet de la visite de Sheikh
Al-Qaradawi attira l’attention des médias. La presse de droite
concentra son attention sur la position du sheikh sur les
attaques-suicides. Pressé de clarifier sa position, le sheikh
insista à dire que la Palestine était un cas particulière, où
« les opérations martyres sont légitime, car les Palestiniens
n’ont d’autre moyen efficace d’auto-défense ». Interrogé sur les
attaques-suicides en Irak, Al-Qaradawi expliqua qu’il soutenait
le droit du peuple irakien à résister à l’invasion de l’Irak
dirigée par les Etats-Unis et à se battre pour libérer leur pays
de l’occupation étrangère. Cependant, il ne pensait pas que
l’utilisation d’attaques-suicides soit justifiée, car les
Irakiens, non pas comme les Palestiniens, avaient un grand
nombre de ressources disponibles pour résister à l’occupation
étrangère et n’étaient pas obligés d’employer des opérations
martyres, qu’il décrivit être l’arme de dernier recours.
Lorsque quatre hommes musulmans exécutèrent une attaque-suicide
à Londres le 7 juillet 2005, Sheikh Al-Qaradawi condamna
l’attaque, en sa capacité individuelle ainsi qu’au nom de
l’Union Internationale des Savants Musulmans. Il refusa de la
comparer à ce qu’il insistait à considérer comme des opérations
martyres en Palestine. Il dit à l’époque que contrairement aux
Palestiniens, dont la terre est occupée et qui souffrent de
l’occupation israélienne jour et nuit, ces jeunes hommes
n’avaient aucune justification quelconque pour attaquer des
Londoniens comme ils le firent.
Il est à noter, toutefois, qu’il y a quelques savants influents,
notamment en Arabie Saoudite, qui considèrent ceux qui exécutent
des attaques-suicides comme des martyrs, et leurs actions comme
étant légitimes. Le désaccord dans ce cas n’est pas sur la
question de savoir si l’acte en soi est un suicide ou un
martyre, mais plutôt de distinguer la cible légitime de la cible
illégitime.
Les organisations palestiniennes qui font usage des opérations
martyres soutiennent qu’elles ne prennent jamais d’enfant en
cible. Elles insistent à dire qu’elles prennent en cible du
personnel militaire en premier lieu, et que toute attaque contre
des civils est soit involontaire, soit inévitable, tant
qu’Israël continue de viser des civils palestiniens. De plus,
elles remarquent qu’Israël est un Etat militaire où chaque homme
et chaque femme, à part les juifs ultra-orthodoxes, servent dans
l’armée. Elles expliquent qu’elles prennent en cible des bus,
car des soldats les utilisent pour se déplacer. Lorsqu’elles
visent des bars et des boîtes de nuit, c’est parce que ce sont
des lieux de rencontre pour des hommes et des femmes de service
en congé, qui plus tôt dans la journée pouvaient être activement
engagés dans des opérations militaires dans les territoires
occupés.
Les Palestiniens sont arrivés à un large consensus vis-à-vis de
la nature militaire de la société israélienne. Pour de nombreux
palestiniens, cela reste un moyen, plutôt qu’un objectif, qui
devint le sujet d’une investigation théologique et
jurisprudentielle. La nature de l’opération est la question
centrale pour estimer la légitimité ou l’illégitimité de
l’attaque-suicide ou de l’opération martyre. Comme toujours dans
le cas de la publication d’une fatwa sur une question, la
difficulté émane du fait que dans l’islam sunnite, il n’y ait
pas une seule autorité ou une autorité incontestée à laquelle il
peut être faire référence. En outre, il est banal en des temps
agités comme le nôtre d’aujourd’hui que la politique ait une
grande influence sur l’opinion des savants religieux.
Fin du
chapitre.
Hamas: son histoire de
l'intérieur (64)
Hamas: son histoire de
l'intérieur (66)
Traduction réalisée
par le Centre
Palestinien d’Information (CPI)
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