Sputnik
Le Cameroun résiste jusqu’ici
parce qu’il a regardé à temps du bon
côté
Mikhaïl Gamandiy-Egorov
©
Photo. Thierry Mbepgue
Mercredi 25 février 2015
Thierry Mbepgue est
un activiste patriote et souverainiste
camerounais. Il est président fondateur
du Mouvement Africain pour la Libération
du Continent (MALCON) et par ailleurs
Secrétaire général adjoint du Réseau
Mondial des Défenseurs de la Cause
Africaine (RMDCA).
Notre entretien
portera sur les actualités brûlantes de
son pays, à l'heure où le Cameroun fait
face à la menace de la secte islamiste
de « Boko Haram », ainsi que sur les
questions d'actualité du continent
africain.
Mikhail Gamandiy-Egorov, Sputnik France:
Bonjour Thierry. Nous avons eu
l'occasion de nous entretenir en juin de
l'année dernière. Depuis, bon nombre de
choses se sont passés, aussi bien au
niveau du Cameroun, de l'Afrique et plus
globalement du monde. La République du
Cameroun mène aujourd'hui une lutte sans
relâche contre la secte islamiste de «
Boko Haram ». Quelles sont les nouvelles
actualisées du front?
Thierry Mbepgue:
Merci de m'avoir ouvert à nouveau vos
colonnes pour cet entretien dans lequel
vous me donnez l'occasion de parler du
Cameroun, de l'Afrique et même du monde.
C'est la preuve que, tout ce que nous
faisons intéresse bien plus de personnes
dans le monde qu'on ne pouvait
l'imaginer. Comme vous l'avez si bien
annoncé dans votre introduction,
beaucoup de choses se sont passées, tant
au niveau national qu'international. Le
fait marquant de l'actualité reste la
secte islamiste Boko Haram qui, telle
une pieuvre a décidé de tendre ses
tentacules dans toute la sous-région en
perpétrant des actes terroristes au
Cameroun, au Nigeria, au Niger et au
Tchad. N'étant pas un soldat ou un
fonctionnaire du ministère de la Défense
du Cameroun, je ne peux que vous dire
que les forces armées qui sont engagées
sur le front contre la vermine font avec
le soutien de la Russie et de plusieurs
pays africains du bon travail.
Sputnik France:
A l'heure où les forces armées du
Cameroun avancent et mènent des
opérations à succès contre les
terroristes, nous voyons au même moment
une pression sans précédent des pays
occidentaux sur le gouvernement
camerounais qui insistent sur la «
nécessité » d'une intervention
occidentale. Une « offre » à laquelle
s'oppose le leadership du Cameroun. Ton
avis là-dessus et quelles sont selon toi
les véritables motivations des élites
occidentales?
Thierry Mbepgue
: Les élites occidentales dont la
France rêvent de prendre le contrôle des
ressources naturelles de non seulement
tous les pays de l'Afrique centrale,
mais également celles de tous les pays
du Golf de Guinée. Pour cela il faut
s'attaquer au poumon économique de
l'Afrique centrale qui est le Cameroun.
Bien avant le déclenchement de la crise
centrafricaine, j'annonçais déjà au
monde entier qu'après toutes mes
analyses faites, j'étais sûr et certain
que le Cameroun est la cible d'un vaste
complot international qui se profilait à
l'horizon. En conséquence, nous avons
lancé un appel pour dire aux Camerounais
de toute obédience politique,
religieuse, régionale et ethnique que
c'est l'action nationale fondée sur le
patriotisme et l'unité de ses
populations qui pouvait les sauver.
Pour nous, l'armée
française avait planifié son affaire:
profiter de la crise en Centrafrique
pour diviser le Cameroun en deux. En
effet, le déploiement des forces
françaises de l'opération SANGARIS, en
son temps, par le port de Douala et
l'installation d'une base militaire
provisoire à Ngaoundéré n'était pas un
fait du hasard. La France voulait ainsi
mettre en marche son même schéma qu'en
Côte d'Ivoire ou en Libye. Ceux que vous
appelez Boko Haram, aujourd'hui allaient
à cette époque profiter de la présence
de la France dans cette ville
stratégique du Cameroun pour lancer une
manifestation au cours de laquelle les
manifestants allaient provoquer les
forces de l'ordre qui à leur tour
devaient réagir. Ainsi les médias
hexagonaux allaient être actionnés par
l'élite française pour accuser l'armée
camerounaise d'avoir tiré sur les
populations aux mains nues. Ce schéma
s'apparentait déjà à celui de la Côte
d'Ivoire dans lequel la France a armé
des rebelles du nord pendant dix ans et
qui ont finalement eu raison du pouvoir
de Laurent Gbagbo.
Comme la force
Licorne en Côte d'Ivoire, les forces
françaises stationnées à Ngaoundéré,
devaient profiter de leur présence pour
demander un mandat d'intervention à
l'ONU sous le prétexte de protéger les
populations civiles menacées de tueries
massives perpétrées par « une armée au
service du dictateur Paul Biya ».
Il faut noter aussi
que la même France avait demandé à
installer une base militaire dans l'est
du pays pour, selon les autorités de
l'Elysée « combattre les rebelles de la
Seleka qui faisaient des incursions du
côté du Cameroun ». Pour nous c'était un
autre complot car en réalité, il
s'agissait d'une stratégie planifiée
pour prendre le contrôle du plus grand
gisement de diamant au monde qu'on
venait de découvrir dans cette région.
Elle voulait ainsi s'installer pour
transformer avec la complicité des
rebelles de la Seleka cette région en «
zone de guerre ». La France aurait eu la
possibilité de piller les ressources
minières, en toute tranquillité, comme
ce fut le cas dans le nord de la Côte
d'Ivoire, comme dans le nord du Mali.
Vous comprenez donc que le désir ardent
d'intervenir au Cameroun fait partie
d'un complot savamment conçu par
l'Occident pour s'installer au Cameroun
où il n'existe aucune base militaire
étrangère, chose rare en Afrique
francophone. Nous sommes avertis, c'est
pourquoi nous ne voulons pas de leur
présence sur notre territoire. Donc
laissez-moi vous dire que c'est
désespérément qu'ils veulent par tous
les moyens intervenir au Cameroun, sous
le prétexte de lutter contre Boko Haram.
Le président Biya sait que le même
peuple qui a fait bloc derrière lui dans
cette lutte peut se retourner contre lui
s'il accepte que la France, qui a des
comptes à rendre au peuple camerounais
pour le génocide bamiléké et bassa,
intervienne sur le territoire
camerounais. Certains médias français
ont lancé une véritable campagne de
dénigrement de notre armée faisant écho
d'elle comme étant « une armée
désorganisée, faible et pas équipée »
malgré leurs victoires reconnues sur le
front, tout ceci pour pousser certains
Camerounais faibles d'esprit à mettre la
pression sur leur président afin qu'il
accepte une intervention française. Des
Camerounais ont été recrutés pour salir
l'image du pays mais c'est peine perdue
car le complot a déjà été déjoué.
Souvenez-vous que dans notre entretien
passé, j'avais dit qu'une Afrique
nouvelle pointait à l'horizon. Il s'agit
d'une Afrique déterminée à se prendre en
charge, il s'agit d'une Afrique qui ne
désire plus être traitée comme un enfant
ou élève à qui on doit donner des
leçons. Le Cameroun est devenu une
"Nation" depuis que la secte islamiste
Boko Haram a attaqué l'intégrité de son
territoire.
Sputnik France:
On parle de plus en plus ces temps-ci
des liens supposés entre la secte « Boko
Haram » et les services secrets
occidentaux. Plus encore, il n'y a pas
si longtemps des combattants européens
qui se battaient aux côtés des
terroristes, ont été capturés par
l'armée camerounaise. Sans oublier les
armes de pointe et les moyens de
transport de dernière génération que
possèdent les extrémistes et dont on a «
un peu » de mal à comprendre la
provenance.
Thierry Mbepgue:
Je ne suis pas le seul à accuser les
Occidentaux d'être derrière ce groupe.
Tout récemment le président de la
République du Soudan, Omar el-Béchir,
dans un entretien avec la presse l'a
confirmé. Oui plusieurs terroristes de
race blanche ont été capturés selon
certains médias, plus d'un millier de
combattants de Boko Haram capturés se
trouvent dans les prisons du nord.
Plusieurs blindés, des chars de combat
ont été saisis par notre armée.
Officiellement, ils diront que les
terroristes ont acheté ou volé ces armes
en Libye, peut être que c'est aussi
l'une des raisons pour laquelle ils ont
attaqué la Libye et tué le guide Kadhafi
en son temps. Ils disent aussi que ce
sont des armes récupérées dans des
casernes militaires nigérianes après la
fuite de leurs soldats, mais la question
est la suivante: qui forment ces fous
furieux au maniement de ces armes?
Sputnik France:
Quelles seraient les forces dont
l'assistance selon toi aurait un impact
positif dans la lutte contre le
terrorisme, aussi bien pour le Cameroun
que toute la région, voire tout le
continent?
Thierry Mbepgue:
Le Cameroun résiste jusqu'ici parce
qu'il a regardé à temps du bon côté.
Être du côté de la Russie, de la Chine
aujourd'hui est un parapluie qui vous
couvre de la pluie d'hypocrisie et de
mauvaise foi de certains pays
occidentaux. Le bilan de la jeune
coopération militaire avec la Russie et
la Chine est très positif
comparativement avec la France et
certains pays occidentaux depuis les
années cinquante. Donc sachez que si la
Russie et la Chine assistent la
coalition militaire qui a été mise en
place par les pays d'Afrique centrale et
l'Union africaine, la secte Boko Haram
ne sera plus qu'un triste souvenir dans
un délai très bref.
Sputnik France:
Comment entrevois-tu, surtout au vu des
événements récents, l'avenir du Cameroun
et plus globalement de l'Afrique
centrale? Et en tant que panafricaniste,
partages-tu l'avis d'un autre
panafricaniste avec lequel on s'est
entretenu récemment, en l'occurrence Luc
Michel, qui considère que le
néocolonialisme US se prépare à
remplacer celui des anciennes métropoles
coloniales, dont bien évidemment la
France? Quel impact cela aurait-il pour
les pays africains?
Thierry Mbepgue:
Certes, le réveil du Cameroun a mis du
temps mais il n'est jamais trop tard
pour se ressaisir. Les Camerounais ont
très vite compris que s'était à eux de
décider de leur destin et non pas à
l'élite occidentale. La diversification
de partenariat économique a mis le
Cameroun à l'abri d'une certaine
hégémonie historique dont il faisait
face. Luc Michel, que je salue en
passant est un homme avisé et averti que
je respecte beaucoup pour ses analyses
approfondies de la situation politique
dans le monde. Ce qu'il dit des USA est
juste. Mais aussi nous devons savoir que
nous ne sommes plus à l'époque où une
puissance fut elle la première du monde,
pourrait soumettre aussi facilement des
peuples à son diktat. Dans le cas du
Cameroun et à l'heure où nous avons
lancé sérieusement la diversification de
nos relations extérieures, j'ai la foi
que les USA ne pourront pas atteindre
leurs objectifs néocolonialistes aussi
facilement qu'ils le souhaiteraient.
Surtout au moment où le Cameroun a le
soutien de plusieurs grandes puissances,
dont la Chine et la Russie.
Sputnik France:
Tu as lancé récemment un projet de
rassemblement des mouvements
panafricanistes avec pour base la mise
sur pied d'un état-major destiné à
lutter en coordination pour la
libération du continent africain: le
projet UNIRTA. Raconte-nous ses
objectifs et les résultats escomptés.
Thierry Mbepgue:
Le « Projet UNIRTA » est un projet de
rassemblement des mouvements
panafricains, des partis politiques aux
idéaux panafricanistes et des activistes
panafricanistes. Plusieurs objectifs
sont visés, parmi lesquels la mise sur
pied d'une organisation de la résistance
africaine dirigée par un bureau élu pour
un mandat dont la durée sera définie par
les textes fondateurs qui seront
rédigés. La mise sur pied d'un mécanisme
d'alerte générale, rendre facile et
rapide l'échange d'informations entre
les différents membres de la plate forme
qui sera créée, rassembler les Africains
au sein d'une organisation capable
d'engager de façon instantanée des
mouvements de soutien ou de protestation
à travers tout le continent et même le
monde. Puis créer une force populaire
capable d'influencer les décisions non
réglementaires prises par certains
dirigeants africains, combattre ensemble
et en masse les dictateurs et leurs
parrains et alliés en Afrique, soutenir
les dirigeants panafricanistes
persécutés par les impérialistes,
proposer des solutions en cas de crise
sur le continent africain, œuvrer pour
la paix en Afrique. Nous avons commencé
à mobiliser les Africains pour sa mise
en œuvre. Un tel projet nécessite un
potentiel énorme en ressources humaines,
moyens financiers et matériels, le
soutien des dirigeants africains, de
l'Union africaine, des organisations
sous régionales ou même de toute
personne désireuse de le voir être
réalisé est souhaité. Je profite donc de
cet entretien pour lancer un appel à
tous ces Africains qui rêvent de voir
l'Afrique sortir la tête de l'eau, aux
amis de l'Afrique et je suis disposé à
répondre à l'invitation de tous ceux qui
désireraient avoir plus d'informations
sur ce projet.
Sputnik France:
Que peuvent faire les dirigeants
africains, l'Union africaine, ainsi que
les pays des BRICS pour soutenir votre
projet?
Thierry Mbepgue:
Les dirigeants de l'Afrique digne
doivent soutenir ce projet en facilitant
les déplacements dans leurs pays
respectifs, en mettant à notre
disposition les informations
susceptibles de nous aider à atteindre
nos objectifs et en nous aidant
financièrement. Etant conscient qu'un
tel projet soulèvera l'indignation des
ennemis de l'Afrique, il revient à nos
dirigeants d'assurer la sécurité de tous
ces Africains qui s'engageront dans la
lutte pour la libération de leur
continent. L'Union africaine doit savoir
dorénavant à travers ce projet quels
sont les aspirations réelles de la
majorité des peuples africains. Nous
attendons d'elle de mettre à notre
disposition les moyens financiers,
matériels et morals nécessaires pour sa
réalisation. L'Union africaine doit nous
ouvrir sa tribune et ses médias pour
expliquer aux Africains le bien fondé
d'un tel projet. La Russie et la Chine
sont rentrées en Afrique par la grande
porte, il faut qu'elles acceptent d'y
rester en œuvrant pour son développement
comme elles le font déjà si bien. Ce
sont des pays amis.
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