Entretien
Mezri Haddad à
Algeriepatriotique : «Les conditions
d'une destitution de Marzouki sont plus
puissantes en Tunisie»
Mezri
Haddad - D.R.
Vendredi 5 juillet 2013
Algeriepatriotique
: Selon le magazine Afrique
Asie, vous auriez rencontré, il y a
deux mois, deux officiers de l’armée
tunisienne dans un pays frontalier.
Confirmez-vous cette information ?
Mezri Haddad : A
supposer que cela soit vrai, en quoi ce
serait choquant ou suspect ? Des civils
et des militaires ont parfaitement le
droit de se rencontrer pour discuter ou
échanger des vues sur la musique, la
poésie, la philosophie, l’œuvre de Sun
Tzu ou Clausewitz, l’histoire d’Hannibal
ou d’Ibn Khaldoun… Que sais-je encore !
La liberté de fréquentation, comme la
liberté d’opinion et comme la liberté de
circulation, relève des droits de
l’Homme les plus élémentaires. Je
fréquente donc qui je veux, quand je
veux et où je veux.
Le renversement de Mohamed Morsi
et du pouvoir des Frères musulmans en
Egypte aura-t-il un impact sur la
Tunisie ?
Certainement, mais pas de la même
ampleur qu’on s’imagine, ni avec les
conséquences que beaucoup souhaitent et
que certains redoutent. Il faut les
mêmes causes pour avoir les mêmes
effets. Si les conditions politiques,
sociologiques et géopolitiques étaient
les mêmes dans les deux pays, c’est en
Tunisie que cela aurait dû se passer
d’abord et non guère en Egypte. Les
Tunisiens ont nettement plus de raisons
de chasser Moncef Marzouki que les
Egyptiens de se révolter contre Mohamed
Morsi. Après tout, et même si son
éviction me réjouit, ce dernier a été
démocratiquement élu au suffrage
universel. A l’inverse de la Tunisie, il
y a eu en Egypte des élections
législatives, ensuite présidentielles ;
il y a eu une nouvelle Constitution, un
nouveau gouvernement. En Tunisie, la
mascarade électorale du 23 octobre 2011
n’était ni législative ni
présidentielle. Pris dans la tourmente
pseudo-révolutionnaire, les Tunisiens
ont été «consultés» pour élire une
Constituante. Dans la limite d’une
année, l’assemblée folklorique qui en
est issue devait rédiger une nouvelle
Constitution, comme si l’ancienne (1959)
était anachronique ou désuète. Cette
assemblée a donc perdu toute légalité le
23 octobre 2012. D’un point de vue
strictement légal et juridique, tout ce
qui émane de ce conglomérat de
profiteurs et d’incompétents est par
conséquent nul et non-avenu. Quant à la
légitimité du docteur Marzouki, le moins
qu’on puisse dire est qu’elle est
leucémique, plus exactement
ghannouchienne. Si insignifiant soit son
pouvoir, on n’a pas le droit de présider
la Tunisie lorsqu’on a obtenu 7 000 voix
à Nabeul, et que le score obtenu par le
Congrès pour la République est dû à une
escroquerie électoraliste, puisque le
parti Ennahda a dopé sa ramification
«laïque» : le CPR. N’eut été ce
stratagème, le CPR aurait fait un score
inférieur à celui de Hamma Hammami. Il
n’y a donc pas une troïka qui gouverne,
comme certains continuent à le dire par
ignorance ou par duperie, mais un seul
parti, celui des Frères musulmans
locaux, avec une vitrine «laïque» (CPR)
et une vitrine socialisante (Ettakatol).
C’est pour vous dire que les conditions
objectives d’une destitution de Marzouki
et d’un rejet de la secte d’Ennahda
étaient plus puissantes en Tunisie qu’en
Egypte, que par conséquent, c’est la
géopolitique qui a été déterminante en
Egypte et non guère la situation
politique interne. En termes plus
clairs, le séisme politique en Egypte
est la conséquence de causes exogènes
plus que de causes endogènes. Pour être
encore plus précis, deux faits ont été
déterminants. D’une part, l’éviction des
deux Frères musulmans qui dirigeaient le
Qatar, Hamad Ben Khalifa et Hamad Ben
Jassim, qui ont joué un rôle
prépondérant dans la déstabilisation de
la Tunisie et de l’Egypte, dans la
destruction de la Libye et dans le
saignement de la Syrie. D’autre part, la
résistance héroïque du peuple syrien
face à l’invasion islamo-fasciste. Ces
deux faits majeurs ont complètement
changé la donne, pas seulement en Egypte
mais, à court terme, dans l’ensemble du
monde arabe.
Propos recueillis par Mohamed
El-Ghazi
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