Entretien
Jonathan Moadab à La Nouvelle République :
« L'affaire Merah ressemble de plus en
plus à un «11 septembre à la française»
»

Jonathan
Moadab
Dimanche 8 avril 2012
A quelques
semaines des élections présidentielles
françaises, beaucoup de zones d’ombres
planent sur le jeu sarkozien. Après les
récents faux débats sur le Hallal et
quelques sorties » fracassantes de
Nocholas Sarkozy, voilà l’affaire Merah.
Une autre affaire qui vient étoffer le
registre de cette campagne électorale
pour finalement occulter les vraies
préoccupations des masses françaises. Ce
dernier, acculé selon certains
observateurs, semble jouer son va-tout,
en jouant sur les cordes islamophobes et
antisémites. Face à ce concurrent,
François Hollande semble également jouer
le joker israélien en se rapprochant
notamment du CRIF.
C’est dans ce contexte houleux que
Jonathan Moadab, journaliste,
journaliste indépendant français,
(partisan d'une révolution démocratique
et populaire ayant participé à la
création du Cercle des Volontaires et du
mensuel l'Audible, journal de résistance
dont le premier numéro sortira la veille
de l'élection présidentielle) répond aux
questions de La Nouvelle République.
La
NR/Actuellement, deux candidats semblent
retenir l’attention de cette campagne
présidentielle, en l’occurrence François
Hollande et Nicholas Sarkozy ?
D’après-vous pourquoi ?
Tout simplement parce que ni Nicolas
Sarkozy, ni François Hollande ne sont
dangereux pour le système en place. Le
Parti Socialiste n’a plus de socialiste
que le nom depuis qu’il s’est convertit
à l’idéologie de marché ! Lorsqu’on
s’attarde sur les questions
fondamentales de gouvernance, on peut
s’apercevoir que le PS s’est comporté en
véritable chien de garde du système. Il
suffit de voir comment les députés et
sénateurs socialistes ont lâchement
laissé passer le Mécanisme Européen de
stabilité en février-mars dernier…
Ceux-là ont décidé de céder notre
souveraineté budgétaire à des individus
servant des intérêts privés et insoumis
à un quelconque contrôle. Ceux qui
seront à la tête de ce mécanisme seront
pourvus d’une immunité judiciaire
concernant leurs activités ! Ca en
serait presque comique si ça n’était pas
vrai… Je me demande comment certains
peuvent ainsi affilier leur nom à
l’infamie… Ont-ils seulement pleine
conscience de leurs actes ?
L’opposition entre
Sarkozy et Hollande est purement factice
car elle n’a lieu que sur des sujets
mineurs. Ainsi, vous n’entendrez jamais
François Hollande dénoncer l’article 123
du traité de Lisbonne qui confère aux
seules banques privées le droit de
prêter de l’argent aux Etats, avec
intérêts ! Alors que la BCE pourrait
prêter à 0% aux Etats (comme le faisait
la banque de France en son temps, avant
la loi du 3 janvier 1973…), ce sont les
banques qui empruntent à 1% (1 000
milliards ont été prêtés à ce taux, rien
qu’en janvier) et prêtent ensuite à des
taux qui deviennent de plus en plus
élevés à mesure que la situation
économique se dégrade. Cette folie du
système de création monétaire entraine
les Nations dans un démantèlement
progressif au profit des intérêts privés
et de pouvoirs supra-nationaux, comme la
Commission européenne.
Mais si ces candidats
peuvent éviter les problématiques
épineuses, c’est avant tout grâce à la
complicité des grands groupes privés de
médias. La France, loin de là, n’échappe
pas à la propagande ! On le voit chaque
jour lorsque, au lieu de parler des
racines de la crise, les journalistes
(si on peut les appeler ainsi…),
véritables bras armé du système,
répercutent avec zèle les pitreries de
nos puissants et instrumentalisent de
façon obscène les faits divers…
Sans cette puissance
de feu médiatique et les réseaux
d’influences dont ils bénéficient, ces
deux candidats ne vaudraient pas
grand-chose. Sur le terrain des idées
j’entends… Ils ont abandonné l’idée de
la défense de l’intérêt général il y a
bien longtemps ! C’est pour ça que tant
qu’aucun journaliste n’aura le courage
de poser des questions dérangeantes dans
la campagne, les candidatures de l’UMPS
resteront crédibles aux yeux de
beaucoup.
La NR/Après un bilan
jugé morose par la plupart des
observateurs, d’où le fait que 73% des
français considère que l’une des
priorités présidentielle est la lutte
contre le chômage, Sarkozy a-t-il une
chance de remporter ces élections ?
« Morose » ? Le mot
est faible ! + 500 milliards d’euros
d’endettement, explosion du nombre de
chômeurs (+ 1,2 millions depuis le début
de son mandat, lorsque l’on prend les
chiffres non manipulés), précarisation à
outrance des travailleurs… Huit millions
de français vivent aujourd’hui sous le
seuil de pauvreté ! Ceci ne saurait être
imputé à la sacro-sainte crise, à
laquelle on fait porter tous les maux
qui frappent le peuple français.
L’attention des français devrait
davantage se porter sur les racines de
cette crise afin de comprendre qu’elle
n’a pas été accidentelle, mais belle et
bien provoquée pour justifier des
restrictions qui n’auraient jamais pu
être mises en place sans le contexte
actuel. Regardez donc la Grèce,
l’Espagne, le Portugal… Les peuples sont
exposés à ce que Naomi Klein appelle la
« Stratégie du choc ». Si certains
pensent qu’ils regagneront leurs droits
une fois l’orage passé, ils se
fourvoient, car le pire est devant nous…
Pour revenir à votre
question, j’aimerai commenter le chiffre
que vous communiquez. Je crois que ce
désir de la lutte contre le chômage est
mis en avant pour permettre aux
candidats à la présidentielle de
multiplier les promesses qu’ils ne
tiendront jamais, car ils savent très
bien qu’aucune de leurs solutions ne
sauraient porter leurs fruits à long
terme. La grande priorité me semble être
le fait de mettre en place une Assemblée
Constituante par, pour, et sous le
contrôle du peuple. Une nouvelle
Constitution, la première de l’Histoire
qui verrait à instaurer une démocratie
réelle, instaurant l’égalité politique
entre les citoyens.
C’est en s’attaquant
au sommet de la pyramide que l’on pourra
effectuer de grands changements ! Les
français doivent retrouver leur audace
et leur caractère révolutionnaire, et se
saisir de leur destin politique.
Quant à savoir si
Sarkozy a une chance de remporter les
élections, je ne ferais pas de
pronostic… Je m’attends à tout type de
scénario, mais j’espère que les
électeurs, s’ils se trompent, sauront
admettre et rectifier leur erreur après
le scrutin, et rejoindre ceux qui
essaieront d’instaurer une 6e
République ! Mais attention, je ne parle
pas ici du projet de Jean-Luc Mélenchon…
Cet homme m’agace particulièrement, car
son discours est trompeur et détourne
les français du véritable combat en
faisant croire que l’Union Européenne
est réformable.
Pour l’UE, c’est
l’article 50, ou la dictature de
Bruxelles !
La NR/ Au cours de
cette campagne, nous avons l’impression
que les candidats tentent de jouer sur
des cordes dissonantes par rapport aux
attentes des français. D’une part,
François Hollande qui a ouvertement
déclaré son soutien à Israël lors du
dernier dîner du CRIF, alors que Sarkozy
vient de signer un autre pacte avec les
juifs de France en tentant
d’instrumentaliser l’affaire Merah, avec
notamment la criminalisation des
musulmans et la victimisation des juifs.
Ne pensez-vous pas dans ce cas que ces
candidats affichent un vrai mépris
vis-à-vis des français de souche ?
Je crois surtout que
ces manœuvres politiques servent à
diviser la République. En attisant le
feu du communautarisme, nos puissants
cherchent à créer des dissensions
internes entre les citoyens afin, une
fois encore, qu’ils oublient les causes
réelles de leurs problèmes. Le soutien
inconditionnel du CRIF et des élites
sionistes (il faut appeler un chat un
chat…) à Israël est totalement
contreproductif, voir même dangereux
pour les Juifs de France. En amalgamant
les croyances religieuses à des
agissements purement politiques, ceux-là
favorisent la confusion entre
antisionisme et antisémitisme, alors
même qu’ils utilisent cet argument pour
discréditer les critiques d’Israël… Les
pro-palestiniens (pour parler
grossièrement) ont aussi un vrai
problème au niveau de leur analyse : ils
n’attaquent pas le problème à la racine,
c’est à dire les lobbistes parasites qui
empêchent la tenue d’un débat
démocratique et transparent pour des
prétextes fallacieux.
Chaque « camp » doit
faire son auto-critique pour parvenir au
dialogue et à une troisième voie… L’idée
d’un altersionisme pourrait peut être
réconcilier les esprits subtils et
désireux d’instaurer une paix juste et
respectueuse de l’égalité des citoyens ?
Les peuples israélien
et palestinien ont eux aussi le droit de
vivre heureux et libres. Dans ces
conditions, accorder un soutien de fait
à un gouvernement qui viole vertement
les principes élémentaires des Droits de
l’Homme et les résolutions onusiennes
n’est pas vraiment une façon de servir
l’intérêt général. Le débat doit
néanmoins être mené avec intelligence et
perspicacité, afin de permettre des
échanges constructifs, et de ne pas
sombrer dans les travers qui ont si
longtemps fait primer l’émotion sur la
raison.
Quant à la
récupération politique de l’affaire
Merah, elle est obscène et indigne. On a
monté de toutes pièces un climat de peur
dans le pays en agitant l’épouvantail de
l’antisémitisme, et cela a fonctionné !
Le climat créé par la propagande a
engendré une augmentation sensible des
actes antisémites en France, comme l’a
noté le SCPJ… Chacun doit rester lucide
sur les intentions des acteurs
politiques et ne pas entrer dans la
spirale dans laquelle ils cherchent à
nous entraîner : celle du choc des
civilisations. La République doit tenir
et permettre aux citoyens de s’unir !
La NR/Toujours
concernant cette campagne, après le
premier faux débat sur le Halal, Sarkozy
vient de mettre le paquet sur le cheval
« sécuritaire » et historique. D’une
part, avec cette affaire Merah qui lui
ouvre la voix de la répression
antimusulmane et de plonger les français
dans une islamophobie post- « 11
septembre » américain. Et d’autre part,
en s’alignant sur les positions de la
LICRA (Organisme juif faisant partie du
CRIF) concernant l’accusation du Général
De Gaulle de crimes de guerre contre les
Harkis et les Pieds Noirs (avec une
majorité juive), d’où sa décision de
rayer les Accords d’Evian de l’histoire
de France. Quelle lecture peut-on faire
de tout cela, d’après-vous ?
J’ai bien peur que
l’affaire Merah dépasse encore vos
perspectives. Elle ressemble en fait de
plus en plus à un « 11 septembre à la
française », avec la propreté du travail
en moins. Les liens entre Merah et la
DCRI, le manque de preuves concernant sa
culpabilité, les multiples zones d’ombre
comme les témoignages décrivant le tueur
comme un homme corpulent avec une marque
sur le visage, ou encore les multiples
voyages dans des destinations sensibles,
le déroulement du siège et de l’assaut
etc. Tout cela montre bien que la
version officielle des événements
s’apparente plus à du story-telling qu’à
une enquête sérieuse. Bien peu de gens
se sont d’ailleurs manifestés pour
réclamer l’établissement de la Vérité, à
croire que cette version de l’histoire
convient à ceux qui régissent l’agenda
médiatique.
Il est vrai que
Nicolas Sarkozy a annoncé des mesures
sécuritaires inquiétantes, comme la
pénalisation de voyages à l’étranger, ou
l’interdiction de visiter des sites
considérés comme diffusant des «
idéologies extrémistes ». Ceci semble
être un premier pas vers
l’institutionnalisation de la
criminalisation de l’opinion et de la
dissidence, au delà même d’une supposée
menace islamique, si tant est qu’il en
existe réellement une. Mais le Président
est coutumier de ce genre d’annonce, qui
reste parfois sans suite. Néanmoins, si
l’hypothèse de l’opération sous
faux-drapeau venait à être confirmée
pour les tueries de Toulouse, il se
pourrait bien que ces annonces finissent
pas être effectives.
Au sujet de la prise
de position de la LICRA, il est d’abord
nécessaire d’être conscient du caractère
nuisible des propositions émanant de ce
genre d’associations qui sont, comme
vous le soulignez, loin d’être
indépendantes. Je trouve totalement
absurde et grotesque cette volonté de se
débarrasser du fardeau de l’Histoire en
l’occultant… Pourquoi ne pas instaurer
une loi mémorielle pendant que nous y
sommes ? Laissons les historiens et les
chercheurs faire parler les faits de
façon libre et indépendante, c’est la
seule et unique façon de relater ces
évènements…
LA NR/ D’après-vous,
élections et populisme peuvent-ils se
réconcilier ?
Je crains que les
élections n’aient jamais servies les
intérêts du peuple. Pour comprendre
cela, il est nécessaire de se pencher
sur la contre-révolution des années 1790
qui déposséda les masses des droits que
Robespierre ou Saint Just voulaient leur
accorder. L’instauration du marc
d’argent, et donc du suffrage
censitaire, exclua dès le départ la
majorité des citoyens au profit d’une
minorité soi-disant éclairée et à même
de représenter l’intérêt général. Cela
a, entre autres, constitué le terreau
nécessaire à l’établissement d’une
véritable oligarchie politique, que les
individus ont jusque là servilement
reconduits au pouvoir, malgré quelques
sursauts révolutionnaires.
Je crois donc
qu’élection et populisme sont
inconciliables étant donné que le
processus électif ne permet que de
placer au pouvoir des individus déjà en
position dominante. Si certains petits
candidats sont passés (je pense à
Jacques Cheminade), d’autres ont tout
simplement été occultés… L’exemple de
François Asselineau (Union Populaire
Républicaine), personnalité politique
isolée sur la question de la sortie de
l’Union Européenne a été
particulièrement frappant. Le système,
par le biais des médias, des sondages,
et autres barrières antidémocratiques
s’occupe de guider les choix de la
masse, qui n’a plus alors qu’à choisir
ses maîtres pour 5 ans.
C’est ici que les
propositions d’Etienne Chouard
concernant le tirage au sort en
politique sont intéressantes. Véritable
« bombe politiquement durable contre
l’oligarchie », ce système inspiré de la
démocratie (certes limitée) athénienne
devrait faire l’objet de débats de fond,
tant les possibilités induites sont
immenses et porteuses d’espoir.
Le peuple ne devrait
pas avoir peur d’être populiste ! Le
paradoxe ne serait-il pas plutôt que les
masses soient élitistes ? Il est plus
que temps que les français s’occupent de
la politique, avant que la politique ne
s’occupe définitivement d’eux…
La NR/Qui
d’après-vous pourrait remporter ces
élections ?
Je ne sais pas qui
pourrait remporter l’élection, mais ce
qui est certain, c’est que le peuple en
ressortira grand perdant… Aucun
vainqueur potentiel ce match truqué
n’est en mesure d’apporter des solutions
crédibles pour redresser la France. Je
dirais que, pour ne pas sombrer dans le
défaitisme, il est important de
considérer la partie comme perdue
d’avance et d’anticiper sur les
alternatives possibles. Je fais ici
référence à une insurrection
démocratique et populaire…
La NR/ Dans cette
campagne, on a l’impression que la
plupart des médias se laissent entraînés
par le jeu des politiques, voire même,
participent à l’instrumentalisation de
certains sujets au détriment des vraies
préoccupations des français. N’est-ce
pas là une certaine complicité qu’il
faudrait quand même dénoncer ?
Vous savez, ce n’est
pas qu’une impression… La Fabrique du
consentement est parfaitement
calibrée pour rendre crédible ce
simulacre de démocratie. Mais je serais
tenté d’affirmer que nous avons les
médias que nous méritons… Tant que le
public continuera d’accorder de
l’importance aux gesticulations de nos
sublimes politiques, ceux-là ne pourront
qu’être encouragés à continuer leur
cirque !
C’est pour cela que
l’avenir de la Démocratie est dans les
mains de la presse libre. Tout
simplement, car, tant que la liberté de
la presse sera limitée, la liberté de
penser le sera d’autant.
A ce sujet, nous
préparons la sortie d’un journal papier
d’information indépendant, l’Audible,
dont la Une sera titrée « La liberté de
presse, ou la mort ! ». Le ton est ainsi
donné ! Espérons que nos idées et
analyses réussissent à subvertir les
esprits anesthésiés de nos concitoyens
et à développer leur esprit critique…
Entretien réalisé par
Chérif Abdedaïm, La Nouvelle République
du 8 avril 2012
Publié sur
La Nouvelle République

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