Jacques Neno, représentant de la Mission
« Bienvenue la Palestine », à la Nouvelle
République:
« Même les
journaux israéliens qualifient Israël
d'Etat raciste »

Mardi 24 avril 2012
Israël continue ses
exactions envers les Palestiniens avec
la complicité d’une communauté
internationale affichant un mutisme
sidérant. Toutefois, si les sphères
officielles ont relégué la question
palestinienne aux calendes grecques, il
n’en est pas de même à propos des
peuples. De ce fait, les missions de
solidarité avec le peuple palestinien se
succèdent, en dépit des mesures
inhumaines israéliennes envers ces
activistes. C’est dans ce contexte que
La Nouvelle République s’est entretenu
avec le Palestinien Jacques Néno,
représentant de la Mission « Bienvenue
en Palestine » et coordinateur de
l’association palestinienne EJE
(L’Education, le Jeu et l’Enfant) qui
œuvre essentiellement dans les camps de
réfugiés de la région de Bethléem.)
La NR/ D’abord, un
mot sur cette mission.
La plupart des gens
savent qu’il y a un blocus illégal et
inhumain sur la bande de Ghaza, mais
beaucoup ignorent qu’Israël maintient en
fait un blocus sur l’ensemble de la
Palestine.
La NR/ En quoi
consiste cette nouvelle mission «
Bienvenue en Palestine ?
C’est une
manifestation de solidarité essentielle
consistant à exiger le droit d’aller
rendre visite aux Palestiniens.. La
mission Bienvenue en Palestine du 8
juillet a eu un retentissement mondial,
et ce n’est pas pour rien. Même la
presse israélienne a été choquée de
constater qu’on interdisait à des
femmes, des hommes, des enfants
parfaitement pacifiques de se rendre en
Cisjordanie et à Jérusalem Est. Nos
gouvernants acceptent de laisser entrer
en France des personnes qui larguent des
bombes au phosphore sur les populations
civiles, qui pratiquent des exécutions
extra-judiciaires, qui torturent
impunément des enfants, mais nous, qui
sommes non violents, sans armes, qui
n’avons pas « de sang sur les mains »,
nous n’aurions pas le droit, de nous
rendre en Palestine ?
La NR/ Vous êtes
combien actuellement ?
Nous comptons être au
moins 1500 à 2000 participants de tous
les pays. De 9 à 94 ans (puisque c’est
l’âge de ce cher Stéphane Hessel).
Et nous devons exiger
de nos dirigeants qu’ils défendent
autant leurs ressortissants français que
les soldats de l’armée d’occupation
israélienne qui ont le droit de venir
parader en France, ou que les membres de
la LDJ autorisés à partir de France pour
aller en Palestine occupée, prêter main
forte aux colons.
La NR/En quoi
consiste votre projet pour cette mission
?
Notre projet est
transparent : nous allons directement en
Cisjordanie, pour contribuer à la
construction d’une école. Des cars nous
attendrons à la sortie de l’aéroport de
Tel Aviv le 15 avril pour nous amener
directement à Béthléem, où les familles
et associations palestiniennes nous
recevront. Nous apportons la preuve de
tout cela. Et si le gouvernement
israélien veut raconter, une fois de
plus, que nous avons l’intention de
détourner des avions ou de nous immoler
par le feu, tout le monde lui rira au
nez !
Un grand élan de
solidarité est plus que jamais
nécessaire.
Cette nouvelle
mission a donc pour but, comme la
précédente, de revendiquer le droit
d’entrer en Palestine et la libre
circulation pour les Palestiniens comme
pour tous ceux qui veulent leur rendre
visite.
La NR/ Selon
certaines sources, les forces
d’occupation ont déployé jeudi dernier
des centaines d’agents dans l’aéroport
de Ben Gourion, afin d’empêcher l’entrée
des centaines de militants dans les
territoires palestiniens. Comment vous
avez été accueillis ?
Ceux qui sont arrivés
ont tous été soit déportés ou mis en
prison du moment qu’ils déclaraient
qu’ils se rendaient en Palestine. La
délégation qui a pu est passer et
arriver à Bethleem en Palestine a dû
mentir sur l’objectif de son voyage en
prétendant qu’ils étaient des simples
touristes.
Quand on sait que
même une femme comme Hedy Epstein, juive
américaine de plus de 80 ans, rescapée
des camps nazis, a subi à l’aéroport de
Tel Aviv une fouille corporelle très
intime, à cause de ses positions
affirmées contre l’occupation des
territoires palestiniens, on ne peut pas
rester sans réagir.
Alors, nous avons
décidé de dire STOP. De refuser
l’arbitraire israélien et de dire haut
et fort que les territoires palestiniens
n’appartiennent pas à Israël et que nous
en avons assez de ses violations du
droit international et des droits de
l’Homme.
Si nos dirigeants
choisissent de collaborer avec
l’occupant israélien. PAS NOUS !
La NR/ Quelles sont
les attentes des familles
Palestiniennes, d’après-vous ?
Elles nous appellent
à l’aide, et nous demandent de leur
manifester notre solidarité en réclamant
haut et fort l’application du droit
fondamental à la libre circulation ;
raison pour laquelle nous avons décidé
d’aller à la rencontre des familles et
des associations palestiniennes.
Les Palestiniens
savent qu’ils ne peuvent compter sur les
gouvernements occidentaux, ni sur la
plupart des gouvernements arabes pour
cela. Pas plus que sur les grandes
institutions internationales. Mais ils
comptent sur nous. Ils nous appellent et
nous sommes déjà nombreux à répondre à
cet appel.
La NR/ Récemment, la
compagnie Air France s’est trahie en
refusant l’embarquement d’une passagère
parce qu’elle n’était ni juive, ni
israélienne. Quelle lecture à cela ?
Air France, au
service de l’occupation, s’est illustrée
par son racisme aussi, mais cette
situation va changer avec la pression de
nos campagnes qui vont se renforcer pour
passer à un rythme mensuel sous peu. On
annonce déjà une nouvelle campagne fin
août après le Ramadhan et une autre pour
Noël 2012.
La NR/ Il y a
également la fameuse affaire du passager
suédois qui a été forcé de signer un
engagement de ne pas rencontrer des
personnes ou des organisations «
pro-palestiniennes ». Ne pensez-vous pas
qu’avec ces mouvements de soutiens aux
palestiniens, le régime israélien
commence à paniquer ou a-t-il quelques
chose à cacher?
Des français ont
aussi signé ce papier mais ils se
trouvent comme le suédois avec nous. C
est une peine perdue pour l’occupant qui
préfère le mensonge sur la vérité
LA NR/Le ministre de
l’Intérieur, Yitzhak Aharonovitch, a
déclaré que la police compte expulser
les participants à cette campagne vers
leurs pays d’origine, et a souligné que
« le traitement des participants à ce
voyage provocateur sera ferme et
immédiat afin d’éviter les actes de
provocation ». Quelle serait votre
réponse à ces déclarations ?
Il y a eu beaucoup de
mensonges du côte de l’occupant pour
justifier leur traitement inhumain et
exagéré à l’égard des pacifistes dont le
seul crime est d’être du côte des
occupés et de défendre la justice et le
droit. D’ailleurs, beaucoup de journaux
israélien ont signalé cette exagération
et les mensonges
La NR/ On parle
également d’une lettre officielle qui
serait remise aux activistes de «
Bienvenue en Palestine » qui auront
réussi à arriver à l'aéroport Ben Gourion. Vous l’a-t-on remise ? Si oui,
que pensez-vous des propos de Netanyahu
qui justement, s’adresse aux membres de
cette mission dans ce message d’accueil?
Aucune lettre n’a été
donnée à ceux qui sont arrivés, mais une
lettre en général à été envoyée pour
dire que les participants devaient
plutôt aller en Syrie ou en Iran au lieu
de venir dans la seule « démocratie du
Proche-Orient »
La NR/ En riposte à
ce message, je suppose, vous avez publié
un communiqué ; pouvez-vous nous le
résumer en substance ?
Non. les journaux
israéliens eux-mêmes ont déjà répondu en
rappelant qu’Israël est un Etat raciste
et qu’il occupe illégalement les
territoires depuis 45 ans
La NR/ Lors de
l’époque de l’apartheid, les différentes
campagnes menées par des pacifistes ont
fait fléchir cet Etat raciste (Afrique
du Sud), comment expliquez-vous que ces
campagnes n’aient pas encore réussi en
Palestine ?
Pour la simple raison
qu’ici il y a un soutien et une
collaboration de la plupart des pays
occidentaux. Seules les sociétés civiles
agissent aujourd'hui pendant que les
gouvernements arabes et occidentaux
collaborent avec l occupant.
Toutefois, on ne
désespère pas. Les peuples tunisien et
égyptien ont montré que la mobilisation
populaire pouvait soulever des
montagnes. Ne rien faire, c’est se
rendre complice des crimes israéliens
contre un peuple soumis à un terrible
nettoyage ethnique depuis des dizaines
d’années.
La Palestine est un
test, nous devons tous le comprendre. Un
test, non pas dans un laboratoire ou une
éprouvette, mais un test grandeur
nature, sur des hommes, des femmes et
des enfants, pour voir jusqu’où on peut
aller dans l’atrocité sans que le monde
ne bouge.
C’est le prototype de
l’injustice, du mépris du droit, et de
la loi du plus fort, déguisés en « choc
des civilisations » ou en « conflit
religieux ».
La NR/ Une campagne BDS à large échelle
ferait-elle partie de votre programme ?
Oui. BDS fait partie
de la résistance populaire avec d autres
initiatives qui vont se multiplier à l’
avenir. Toutes les formes de solidarité
actives sont importantes : la campagne
internationale BDS (Boycott,
désinvestissement, Sanctions), les
flottilles et les convois pour rompre le
blocus de Ghaza, le soutien à des
projets éducatifs, agricoles, culturels,
médicaux, le soutien aux manifestants
contre le mur, contre la démolition des
maisons palestiniennes, le soutien aux
prisonniers politiques palestiniens, aux
comités de résistance populaire…
La NR/ Enfin quelles
initiatives comptez-vous encore prendre
au cas où celle-ci n’atteindrait pas son
but ?
Nous organisons ce
vendredi un atelier de 6 heures en vue
de la préparation du forum social
mondial qui aura lieu à Porte Allegre
fin octobre 2012 avec une question
centrale : « comment en finir avec
l’occupation ? »
La NR/ Jusqu’où
seriez-vous prêts à aller dans votre
soutien aux palestiniens ?
Tant que ce peuple
est occupé, toutes les initiatives de la
société civile sont primordiales jusqu’à
la libération. Le mouvement va s
intensifier et se renforcer avec un
rythme mensuel et l’élargissement de
l’appel BDS.
Entretien réalisé par
Chérif Abdedaïm, La Nouvelle République
du mardi 24 avril 2012
Publié sur
La Nouvelle République
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