Entretien
Pierre JC Allard à
la Nouvelle République :
« Une minorité de juifs profitent des
conflits créés par Israël »

Mardi 27 mars 2012
De
la Palestine avec l’éternel « processus
de paix » inabouti, au problème iranien
tel un phénix renaissant de ses cendres
à la crise syrienne et ses
épisodes à rebondissements, Pierre JC
Allard, avocat et économiste canadien
fait le point avec La Nouvelle
République.
Pour
rappel, JC Allard a occupé plusieurs
postes importants dans différents
secteurs au Québec. De 1957 à 2002, il a
été avocat Membre en règle du Barreau du
Québec, coordonnateur général à la
Société canadienne d’assistance et
conseil au développement des relations
internationales des PME, Vice-président
(international) d’un consortium, pour
fin d’exportation, de quatre des plus
importantes sociétés québécoises
d’éducation et de formation,
Vice-président adjoint du plus grand
groupe canadien d’ingénierie-conseil.
Directeur technique de la planification
et supervision de projets d’éducation et
de formation, etc Comme il a été chargé
de mission internationales dans près
d’une soixantaine de pays (Afrique,
Europe, Amérique Latine, Australie,
Proche et Moyen-Orient, etc)
LA
NR/Récemment, l’Union Européenne a
publié un rapport soulignant qu’en 2011
près de 411 agressions ont été commises
par les colons israéliens à l’encontre
des Palestiniens. Alors que Netanyahou a
qualifié de « honteuse » la décision du
Conseil des droits de l’homme de créer
une commission d’enquête sur les
colonies juives en Cisjordanie.
Pensez-vous qu’avec cette fuite en avant
israélienne, on peut encore parler de «
processus de paix » ?
La paix en
Palestine ne peut venir que de la
résignation des Palestiniens, ou de la
disparition d'Israël comme "État juif",
ce qui ne suggère rien d'autre que
l'établissement sur son territoire d'une
gouvernance laïque reconnaissant des
droits égaux à tous ses habitants..., ce
qui est la norme dans l'Immense majorité
des états qui se disent démocratiques.
LA NR/La
propagande américaine a réussi à
enraciner une paranoïa iranophobe dans
l'esprit des sunnites dans tout le
Moyen-Orient. L’Iran et son axe chiite
constituerait-il à ce point une menace
pour les sunnites ou l’Occident
agirait-il selon d’autres desseins
inavoués? Si oui, lesquels
?
Il est courant,
depuis toujours, que chaque Etat cherche
à semer la zizanie au sein de ceux qui
pourraient s'opposer à son expansion, en
montant en épingles leurs différences et
en exacerbant les causes de dissensions
entre eux. Rien ici de nouveau, sinon le
contrôle quasi total de l'information
par les USA et leurs alliés.
LA NR/Suite à
la récente visite de Netanyahou aux
Etats-Unis, et l’intensification de la
campagne anti-iranienne, quelle
conclusion peut-on tirer ?
Cela ne présagerait-il pas d’une
éventuelle attaque israélienne des sites
nucléaires iraniens ?
Je ne crois pas
personnellement à une attaque contre
l'Iran, dont les conséquences pourraient
être néfastes pour l'image
non seulement d'Israël, mais aussi de la
diaspora juive. La menace d'une
intervention suffit, je crois, à
maintenir le climat d'inquiétude qui
sert les intérêts politiques et
économiques des bellicistes
LA NR/Dans la
crise syrienne, les Occidentaux se
trouvent dans une impasse, notamment
avec le double véto sino-russe. Dans ce
cas, seraient-ils prêts à contourner le
Conseil de sécurité pour une
intervention militaire ?
Je ne le pense pas.
Une aide financière et militaire aux
dissidents syriens devrait suffire à
saper l'économie du pays et à y créer un
climat d'insécurité qui, à brève
échéance, devrait susciter une
opposition croissante qui aura raison du
gouvernement en place.
Russie et Chine, bénéficiant
indirectement de l'impopularité de plus
en plus universelle des USA, ne
s'engageront pas dans une escalade.
LA
NR/Récemment, le ministre de la guerre
Ehud Barak a réaffirmé que la fin du
régime syrien d’Assad est proche, alors
que certaines parties accusent Israël de
jouer un rôle dans les événements en
Syrie dans le cadre d’un agenda étranger
bien défini. D’une part, jusqu’où peut
aller l’implication d’Israël dans ces
troubles ? Et d’autre part, serait-il
dans l’intérêt d’Israël que la Syrie
soit déstabilisée avec changement de
régime ou, au contraire, cela
risquerait-il de constituer une nouvelle
menace ?
La déstabilisation
de la Syrie ou de quelque pays de la
région ne peut en aucune façon
constituer une menace réelle pour Israël
... et ne peut non plus constituer un
avantage que dans une stratégie de
protection à très, très long terme.
On est donc dans une guerre
d'images, Israël voulant à la fois faire
peur et optimiser le soutien de la
diaspora juive américaine en se
prétendant menacée. Le seul
risque est celui d'un malentendu dans
l'exécution des jeux de rôles.
LA NR/Si
demain la Syrie est déstabilisée,
quelles répercussions cela
pourrait-il avoir,
d’une part, sur la suite du
conflit israélo-palestiniens, et d’autre
part, cela pourrait-il altérer l’axe
Hezbollah, Téhéran ?
Je ne vois pas de
répercussions directes immédiates sur le
conflit israélo-palestinien, mais il est
certain que le contrôle du Hezbollah est
une partie entre plusieurs
joueurs qui se joue tous les jours, par
l'infiltration et la corruption.
Je suis trop loin du terrain pour
porter un jugement sur l'évolution de ce
jeu, mais le temps travaille toujours
pour une Indépendentisation éventuelle
des mouvements nationaux
soutenus pas des forces étrangères.
LA NR/Entre
aspiration hégémonique américaine dans
cette région et intérêts israéliens, qui
d’après-vous dirige le jeu ?
Je crois que le
véritable meneur de jeu est une petite
minorité de la diaspora juive américaine
qui tire d'immenses profits des conflits
fomentés par Israël. Le reste de
cette diaspora est soumis à
une terrible pression sociale pour
soutenir ces aventures et donner à cette
minorité le levier sur la politique des
USA qui rend ces aventures possibles.
Il est possible que
l'émergence du mouvement JSTREET aux USA
- et de son pendant JCALL en Europe -
soit une tentative pour libérer la
gouvernance américaine du chantage de
cette minorité qui travaille de
connivence avec le gouvernement
d'Israël, lequel s'appuie de même sur
une minorité de fanatiques en Israël,
pour assurer son pouvoir sur une
population sans doute plus pacifique
dans son ensemble que ce que l'on
voudrait nous faire croire
LA NR/Le
Qatar fait preuve d'un activisme
international important ces derniers
temps. Il a été le seul pays arabe à
participer à la guerre en Lybie y
compris sur le plan militaire (notamment
en fournissant des armes, de l'argent et
la grosse caisse de résonnance de sa
chaîne de télévision Al-Jazeera). Et
maintenant il est aussi
très impliqué médiatiquement et
financièrement dans l'offensive contre
la Syrie. Quels seraient ses objectifs,
d’après-vous ?
On ne peut parler
sérieusement du Qatar comme d'un pays.
Vous avez un territoire et une
population sous la coupe totale d'une
oligarchie. Cette
oligarchie prend les décisions les plus
rentables pour ses intérêts, lesquels
dépendent des offres qu'on lui fait.
L'offre de monter au front contre la
Libye de Kadhafi a apparemment été
acceptée.
LA
NR/Plusieurs sources concordantes
avancent que des unités des opérations
spéciales britanniques et qataries
opèrent, sous couverture, auprès des
forces rebelles dans la ville syrienne
de Homs. Au vu de la similitude avec ce
qui s’est passé en Libye, la Syrie
risque-t-elle de subir le même scénario
?
Le risque existe,
bien sûr, mais je ne crois pas que
l'équilibre des forces soit le même et
je ne pense donc pas que
les choses se terminent de la même façon
à court terme. Il faut
plutôt craindre un travail de sape
pendant 12 ou 24 mois.
LA NR / Dans
l’un de vos article vous dites « Il
faudrait que le temps de la paix ne soit
plus le temps de l’exploitation, mais le
temps de bâtir ». D’une part, ne
serait-ce pas là une réflexion utopique
? Et d’autre part, comment et sous
quelles conditions ?
Elle est utopique
dans les circonstances actuelles et
annoncer aujourd'hui les conditions qui
permettraient qu'il en soit autrement
pourraient compromettre gravement les
chances que ces conditions se réalisent.
Il y a un temps pour parler et un temps
pour agir...
Entretien
réalisé par Chérif Abdedaïm, La Nouvelle
République du 27 mars 2012
Publié sur
La Nouvelle République
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