Entretien
«Le mondialisme
est une dérive idéologique»
Me Fabrice Bonnard

Me Fabrice
Bonnard
Mercredi 24 octobre
2012
Assisterait-on à une nouvelle ère
européenne caractérisée par la
résurgence de multiples mouvements
indépendantistes ? Au Royaume-Uni, les
Ecossais réclament leur indépendance. A
cet effet, David Cameron et son
homologue écossais Alex Salmond viennent
de signer un accord pour l'organisation,
dès 2014, d'un référendum sur
l'indépendance de l'Ecosse. En Espagne,
les ardeurs indépendantistes semblent
exacerbées par la crise de l’euro. Dans
ce sens, près d’un million et demi de
manifestants ont défilé le 11 septembre
dernier à Barcelone pour réclamer
l’indépendance de la Catalogne !
Accusant le gouvernement central
d’injustement entraîner cette région du
Nord-est de l’Espagne dans la spirale de
la crise. Ibidem outre-atlantique, au
Québec, ancienne colonie française, avec
pratiquement les mêmes revendications
qui ont même inspiré le Texas.
En France, le 12 septembre
dernier la proclamation officielle
de l’indépendance de la Savoie a été
faite par Jean-François Cattelin,
président du Parti Pour La Savoie
(PLS) devant le tribunal de grande
instance d'Albertville-Savoie, en
audience plénière publique où le
peuple savoisien était venu nombreux
entendre cette parole de délivrance.
Le 17 septembre 2012, Maître Fabrice
Bonnard, avocat des Savoyards, a été
convoqué par devant le tribunal
putatif de grande instance
d'Albertville pour usurpation du
titre d’avocat !?!. Une bien
curieuse affaire dans un contexte
effrayant pour la France puisqu’elle
devra en démontrer le bien-fondé
avant janvier prochain, au risque
sinon de perdre définitivement rien
moins que ses deux départements les
plus riches. Il faut néanmoins s’y
attendre ; nous nous attellerons à
en démontrer les raisons dans le
cadre de cet entretien exclusif avec
Me Fabrice Bonnard, avocat de la
Savoie qui se trouve être le
président du Conseil national du
nouvel Etat de Savoie ce qui
explique sans doute la situation :
La Nouvelle république :
Pouvez-vous
nous dresser une brève rétrospective
historique de ce que fut la Savoie
avant son annexion par la France au
moyen du fameux traité de Turin du
24 mars 1860 dont vous estimez qu’il
n’a plus aucune validité ?
Fabrice
Bonnard : La Savoie a été un Etat
européen à part entière durant
plusieurs siècles jusqu’à ce qu’elle
soit annexée en 1860, à la même
époque donc que les confins
sahariens de l’Algérie… Pour les
même raisons colonialistes et
politiques d’ailleurs : la
constitution d’un immense, d’un
français, du plus vaste empire
colonial terrestre du 20e siècle. Je
tiens d’entrée à vous faire
remarquer que nos deux pays furent
d’ailleurs transformés et
administrés dans les deux cas sous
la forme juridique de départements
français. Elle était censée garantir
que leur absorption serait ainsi, à
jamais, rendue définitive et
irrévocable ! On connaît la suite :
l’Algérie est souveraine et
indépendante. La légitimité de la
France repose dans le cas précis de
la Savoie et de Nice, vous avez
raison de le rappeler, sur un traité
d’annexion territoriale, instrument
juridique d’une «initiative»
militaire aujourd’hui strictement
interdit par l’ONU qui fut créée en
1945 pour mettre fin à toutes les
situations de ce genre. Heureusement
pour les droits de l’Homme et le
droit des peuples souverains à
disposer de leurs destinées et de
leur avenir. Je déplore toujours à
ce sujet, que la tentation soit
grande pour certains Etats de
vouloir conserver au XXe siècle des
avantages issus de conquêtes et de
massacres sur des populations
autochtones, voire d’en mener de
nouvelles «en habillant» simplement
dorénavant leurs opérations en
interventions «humanitaires»,
puisque c’est désormais le seul
motif légitime d’ingérence
permettant de mener des opérations
de bombardements sur des zones
occupées par des civils…
La NR : Ce traité de
Turin, de 1860, a été abrogé par le
traité de Paris de 1947, ce qui
implique que la France est
juridiquement et administrativement
putative en Savoie selon vous.
Pouvez-vous nous expliquer le
mécanisme?
F.B. : C’est très simple : il
suffit de lire et de respecter l’art
44 du traité multilatéral signé à
Paris le 10 février 1947 par toutes
les grandes puissances (21)
victorieuses de la Seconde Guerre
mondiale ayant créé l’ONU et je ne
peux pas croire que la France puisse
violer sa signature encore longtemps
en conservant un pays souverain de
notoriété publique et reconnu comme
tel durant près d’un millénaire
(l’Etat de Savoie est né au Xe
siècle, ndlr). La France n’a pas
notifié le traité de Turin en
violation des dispositions strictes
de l’art 44§1 ; elle n’a ensuite pas
pu enregistrer cette notification
malgré l’art 44§2 qui lui rappelait
l’obligation générale
d’enregistrement de tous les traités
figurant à l’art 102 de la Charte de
l’ONU. L’abrogation dont bénéficie
la Savoie et qui restitue leurs
droits aux Savoisiens découle donc«plein texte» de l’art 44§3 du
traité de Paris du 10 février 1947.
En ma qualité d’avocat spécialiste
de la décolonisation et surtout
d’ancien avocat de la direction
générale des Douanes françaises, je
me réjouis d’avoir découvert que
c’est le droit français et un traité
international signé dans la capitale
de la France qui a rendu sa liberté
et ouvert à la renaissance et un
avenir radieux à environ un million
et demi de personnes…
La NR : Avez-vous
entrepris des démarches juridiques
auprès des instances internationales
? Si oui, lesquelles ?
F.B. : Bien sûr, je
me suis personnellement mis sous la
protection du Haut commissariat des
droits de l’Homme à Genève dès 2006
où j’ai rencontré deux hauts
représentants de l’ONU car je venais
d’accepter de m’engager dans la
juste et noble cause de défendre un
pays et son peuple quel qu’en soit
le danger. Dieu est miséricordieux
d’avoir, par le plus grand et
amusant des hasards, confié cette
tâche à celui qui fut le plus jeune
des collaborateurs de feu Me Mourad Oussedik. Je crois que le nom
illustre de cet avocat est à jamais
gravé dans la mémoire de l’Algérie
et de tous les algériens ayant
courageusement, au péril de sa vie
et de sa carrière professionnelle,
osé lutter pour votre liberté. Je
pense à lui bien souvent. Il nous
manque à tous. C’était un grand
patriote. Un très grand avocat.
La NR : Le
12 septembre dernier vous avez
proclamé l’indépendance de la
Savoie, d’une part, quelle a été la
réaction des autorités françaises,
et d’autre part, y-aurait-il déjà
des Etats membres de l’ONU qui
auraient reconnu la Savoie
souveraine ?
F.B. : Ce n’est pas moi qui
l’ai fait. Je n’estimais pas avoir
la légitimité personnelle de la
faire contrairement à M. Jean
François Cattelin,dirigeant
emblématique et intègre de la lutte
indépendantiste savoisienne depuis
deux décennies. Il est, pour être
précis, le président du Mouvement
«Pour la Savoie» (PLS) identifié
officiellement par la France et à
juste titre aujourd’hui comme le «
Parti de Libération de la Savoie
».La France sait depuis juin 2010
que la partie est perdue; depuis que
le gouvernement français a admis
n’avoir pas enregistré le traité
d’annexion de la Savoie afin de
retarder sa décolonisation
obligatoire en vertu de l’article
premier de la Charte de l’ONU. C’est
extraordinaire. Un cas unique au
monde. Pour la première fois, en
effet, un pays a pu se libérer par
le droit pur instauré par son Etat
oppresseur lui-même. Sans un seul
coup de feu. Sans un seul mort à
déplorer pour l’instant. J’en suis
très fier pour la Savoie et la
France qui commence, je vous le fais
remarquer, à reconnaître du bout des
lèvres les méfaits qui furent
parfois commis durant ou pour
prolonger son époque coloniale. La
ville et la population de Sétif,
l’Algérie toute entière peut je
l’espère bénéficier bientôt de ce
mouvement de bon sens…
La NR : Vous avez déjà
fait l’objet de trois condamnations
par les tribunaux français, pour
quels motifs ?
F.B. : (Rires). Non je n’ai
pas encore été condamné. J’ai
simplement à plusieurs reprises
connu les geôles françaises mais
c’était dans le cadre «gendarmesque»
de gardes-à-vue pathétiques,
limitées dans le temps et destinées
à m’impressionner ou à m’empêcher
d’agir ponctuellement. A chaque fois
j’en suis sorti libre et ravi. Ce
fut certes désagréable et humiliant
mais j’ai à chaque fois pris cela
avec philosophie et honneur. Mon
maître et parrain dans la profession
Me Oussedik a connu le même
traitement lorsqu’il défendait le
FLN. Les uniformes étaient les mêmes
et les raisons strictement
comparables au plan juridique. Je
suis menacé mais je ne suis pas
encore mort. Je reste seulement
poursuivi pour usurpation du titre
d’avocat. C’est ridicule et je suis
serein dans la capacité de la France
à réaliser qu’elle se ridiculise à
vouloir encore cacher un problème
juridique insurmontable pour elle
qui est de notoriété publique
grandissante. (Rires) et ce n’est
pas cette interview qui inversera le
phénomène…. L’Algérie et la Savoie
sont des nations sœurs dans
l’histoire coloniale française.
La NR : Dans
le cas où la France ne reconnaîtrait
pas le droit des savoisiens de
disposer de leur propre Etat,
quelles seraient d’après-vous les
démarches envisageables sur le plan
national et international ?
F.B. : En ma
qualité d’ancien avocat de la France
et d’ancien officier Saint-Cyrien
patriote et tricolore, je ne peux
pas imaginer cette triste autant
qu’indigne hypothèse pour la
République française. La Nouvelle
Calédonie colonisée en 1853 soit 7
ans avant la Savoie n’est-elle pas
en cours de libération sous le
contrôle de l’ONU et ce, depuis les
accords de Nouméa. Il aura hélas
fallu des massacres et des dérapages
malheureux ayant fait des veuves et
des orphelins. La France doit
toujours rester dans mon esprit
fidèle aux valeurs proclamées par
elle en 1789 et que je vous rappelle
figure dans le préambule
c'est-à-dire à la première place de
sa Déclaration universelle des
droits de l’Homme et du Citoyen :
«Considérant que l’ignorance,
l’oubli et le mépris des droits
fondamentaux sont les seules causes
des grands malheurs publics et de la
corruption des gouvernements… les
hommes (et les peuples) naissent et
demeurent libres et égaux…» La
Savoie sera donc bientôt aux yeux de
tous, elle est déjà aux yeux de
beaucoup, disposée à devenir un Etat
partenaire et sincère de la France.
Cela prendra simplement la forme
d’accords internationaux bilatéraux
rapide de coopération et d’entraide
mutuelle et équilibrée que j’appelle
de tous mes vœux. C’est la seule
solution juridique honorable pour la
France et le président François
Hollande. Elle permettra d’éviter et
de prévenir avec efficacité tout
dérapage sanglant : un gendarme
français a sorti un jour son arme de
service pour menacer de s’en servir
«avec plaisir» contre le peuple
savoisien. Il a immédiatement été
sévèrement sanctionné par sa
hiérarchie et il n’est plus gendarme
aujourd’hui. Côté savoisien,
certains esprits sont de plus en
plus chauds et la jeunesse en
particulier est de plus en plus
motivée et elle sait; elle serait
éventuellement prête à en découdre
frontalement. Je ne le souhaite pas
et c’est pourquoi, je fais tout pour
que la vérité, la raison, le
pragmatisme et le droit seuls
l’emportent et triomphent bientôt.
Ce sont d’ailleurs ces valeurs qui
ont conduit la Principauté de Monaco
à être le premier Etat membre de
l’ONU (depuis 1993 Ndlr) à
reconnaître officiellement le 24
juillet 2012 l’indépendance du
nouvel Etat de Savoie, son Conseil
national et son Président votre
serviteur.
La NR : Actuellement, on assiste
à ces ardeurs indépendantistes, en
Ecosse, en Catalogne, au Québec, et
bien sûr en Savoie. Peut-on parler
d’un réveil inspiré des soulèvements
arabes ?
F.B. : A la différence de ces
trois cas, la Savoie entre de plein
droit dans le cadre de l’article 77b
de la Charte de l’ONU. La tutelle de
l’ONU ne peut plus lui être refusée
compte tenu du droit international
en vigueur et surtout de
l’abrogation juridique pure et
simple du traité d’annexion de la
Savoie en 1860. Il y a un rapport
entre tous ces phénomènes, mais il
est lointain et subtile, vraiment
très intéressant : si la
mondialisation est une réalité
factuelle et incontournable; cela
n’est pas le cas du mondialisme qui
en est une dérive idéologique qui
est devenue insupportable à des
peuples fiers et décidés à ne pas
laisser les intérêts et instances
dirigeantes de la finance et de la
politique mondiale les conduire à la
misère en continuant de les asservir
en les nivelant par le bas. A ne pas
oublier que leurs ancêtres ont versé
leur sang pour imposer le droit des
peuples dont les droits de l’Homme
sont les plus purs joyaux.
Conscients de cet héritage
magnifique et grâce à internet les
individus, les peuples comprennent
désormais très vite et efficacement
ce qui les menace. Vous voyez, on en
revient à l’ignorance, l’oubli et le
mépris des droits fondamentaux qui
sont toujours catastrophiques…Dans
le cas du nouvel Etat de Savoie, 152
ans de lois publiques globalement
liberticides aux quatre coins du
monde, ont disparu par
l’enchantement d’un coup de gomme
juridique aussi efficace que
paisible. La gomme en a été le
traité de Paris du 10 février 1947
et précisément son article 44.
La NR : Si
demain, ces Etats qui réclament leur
autonomie devenaient indépendants,
comment envisagez-vous la nouvelle
configuration européenne ?
F.B. : Si
l’Europe parvient à triompher des
dérives et menaces qui pèsent sur
elles, si elle réagit et évite de se
construire de manière chaotique,
empiriques et antidémocratique,
niant les peuples, leurs véritables
histoires et leurs aspirations
légitimes, je sens bien les choses.
L’Europe est un grand projet et une
force pour les peuples qui la
composent. Mais il y a la barrière
des langues qui peut devenir
paradoxalement une force
exceptionnelle si l’Europe respecte
chacun des peuples qui la composent
en respectant chacune de leurs
souverainetés au lieu de les forcer
à y renoncer pour les laisser
s’évanouir dans un monstre
administratif oublieux des droits
des Peuples et de leurs aspirations.
Je crois donc en un nouvel Etat de
Savoie reconnu par une France lui
restituant «spontanément» ses droits
et son honneur sans se vautrer dans
le mensonge et en s’accrochant
piteusement à la Savoie ou à des
nostalgies d’un autre temps, avec un
dossier juridique qui aujourd’hui
l’accable. Je rêve d’une Savoie
nouvelle, neutre, renaissante de
façon exemplaire et brillante ;
respectueuse, dans ce processus
historique et juridiquement
inéluctable de séparation, des
quatre valeurs auxquelles le plus
vieil Etat d’Europe et son peuple
autochtone aspirent. Ces quatre
valeurs universelles sont: la
Pureté, la Vérité, la Fierté et la
Liberté.
Entretien réalisé par Chérif Abdedaïm
Chérif Abdedaïm,
La Nouvelle République du
24 octobre 2012
Le sommaire de Chérif Abdedaïm
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