La Voix de la Russie
Proche-Orient :
une explosion énergétique ?
Chems
Eddine Chitour
Chems
Eddine Chitour - © Photo :
www.algerie360.com
Mardi 9 octobre
2012 Deuxième partie. Le Professeur
émérite Chems Eddine Chitour a
accepté de répondre à nos questions
et dans un long entretien nous livre
son analyse de la situation actuelle
au Proche-Orient, notamment le
problème syrien. Dans une première
partie, il évoquait le poids du
passé.
Laurent Brayard, La Voix de la
Russie : Bonjour Professeur,
je suis heureux de vous accueillir à
nouveau, vous êtes le professeur
émérite Chems Eddine Chitour,
professeur à l’école polytechnique
d’Alger. La semaine dernière vous
nous aviez livré vos impressions sur
la mort d’Arafat et l’implication de
l’Occident, de très longue date au
Proche-Orient. Vous aviez terminé en
nous parlant de la Syrie et du poids
du passé sur la situation actuelle,
que pensez-vous des événements
syriens ?
Professeur Chems Eddine Chitour :
C’est un conflit qui dure depuis
seize mois et qui aurait fait des
milliers de morts selon une
comptabilité tenue soigneusement par
les médias des pays occidentaux qui
attribuent insidieusement les morts
uniquement au régime de Damas et pas
aux insurgés armés lourdement par
les Occidentaux avec l’argent des
roitelets du Golfe. Les chrétiens
ont peur de servir de variables
d’ajustement d’un conflit qui les
dépasse. Les dépouilles sont
toujours les mêmes, les dirigeants
arabes faibles, continuent à
s’étriper pour le plus grand bien de
l’Empire et de ses vassaux. Avec
cette fois-ci, un coup d’arrêt à la
tentation d’Empire, de la part des
puissances asiatiques qui
s’affirment.
La
Voix de la Russie : Oui le
conflit dure depuis trop longtemps,
mais pourquoi l’Occident
s’acharne-t-il à vouloir la chute du
régime d’el-Assad ?
M.
Chitour : Que se passe-t-il
réellement, et pourquoi Assad ne
tombe pas malgré les communiqués
triomphalistes présentant des
personnalités qui ont lâché le
pouvoir, le général Tlass,
l’ambassadeur de Syrie en Irak qui
s’est enfuit au Qatar… Et plus loin
il y a un autre tour de négociations
sur le règlement pacifique en Syrie
qui s’est tenu dernièrement à
Moscou. Cette fois, le ministère des
Affaires étrangères de Russie a
invité le président du Conseil
national syrien (CNS) Abdel Basset
Sayda. Mais il n’y a pas eu de
rapprochement des positions. D’autre
part, l’émissaire international Kofi
Annan, qui poursuit sa tournée en
Iran, a rencontré Bachar el-Assad en
Syrie pour tenter de trouver une
issue au conflit dans le pays. Il
avait annoncé le lundi 9 juillet
être tombé d’accord avec le
président Bachar el-Assad sur une «
approche » qu’il soumettrait aux
rebelles syriens. Mais si la version
matraquée tous les jours par les
médias français n’était pas la bonne
? C’est en tout cas l’avis du
politologue Gérard Chalian, sur le
plateau de
C
dans l’air du 14 juin, sur
France 5. Ce qu’il ne s’agit
pas uniquement « d’un méchant contre
des gentils » et que la volonté
d’intervention et les hésitations
des Occidentaux ne sont pas
forcément liées à des sentiments
purement humanistes. Il dit qu’une
intervention impliquerait beaucoup
de conséquences géopolitiques. Pour
lui, ce qui se passe en Syrie est
avant tout une affaire politique et
non humanitaire. C’est en fait,
l’exacerbation du conflit artificiel
sunnite contre chiite avec d’un côté
pour les sunnites l’Arabie Saoudite,
le Qatar, l’Union européenne, les
Etats-Unis et Israël et de l’autre,
les chiites, c’est-à-dire les
Alaouites aidés par l’Iran. Le but
de la manipulation est de casser
l’Iran et de réduire le Hezbollah.
La
Voix de la Russie : Est-ce
l’argument principal de
l’intervention ou il existerait
également une ou d’autres raisons
Monsieur Chitour ?
M.
Chitour : Nous verrons qu’il
existe aussi l’argument énergétique.
Le témoignage d’une Française,
épouse d’un Franco-Syrien, qui a
séjourné en Syrie du 19 mai au 12
juin 2012, est édifiant : «
Alors que ce pays offrait une totale
sécurité, « les Amis de la Syrie » y
ont semé la violence. À Alep, des
bandes armées ont fait leur
apparition dans le 2ème semestre
2011 : kidnapping, demandes de
rançons, une mafia très lucrative.
La population, qui est confrontée
aux kidnappings, bombes, asphyxie
des commerces, connaît des
difficultés d’approvisionnement en
fuel, essence et gaz. Il n’y a pas
pénurie en Syrie, mais les véhicules
de transport sont attaqués et brûlés
sur les routes.
Sur
les grands axes routiers, l’ASL
effectue des contrôles. Il n’y a pas
de guerre civile en Syrie, les
communautés continuent de vivre en
harmonie. Il y a des actes de
barbarie et de violence de la part
des mercenaires et de l’ASL contre
des minorités pour provoquer une
guerre civile. Monsieur Sarkozy a
dit au patriarche maronite venu le
rencontrer que les chrétiens
d’Orient devaient laisser leur pays
aux musulmans et que leur avenir
était en Europe. L’Occident applique
en Syrie le même scénario qu’en Irak
et en Libye. L’opposition en Syrie
participe de façon légale au
changement. Les gens sont écœurés
par le manque d’objectivité des
médias français. La seule source, l’Osdh,
basée à Londres, est animée par un
Frère musulman, payé par les
services secrets britanniques
».
La
Voix de la Russie : Vous avez
évoqué l’argument énergétique,
pouvez-vous nous précisez en quoi
cela consiste ?
M.
Chitour : Le professeur Imad
Fawzi Shueibi a analysé les causes
et les conséquences de la récente
position de la Russie au Conseil de
Sécurité de l’ONU. Le soutien de
Moscou à Damas n’est pas une posture
héritée de la Guerre froide, mais le
résultat d’une analyse en profondeur
de l’évolution des rapports de force
mondiaux. La crise actuelle va
cristalliser une nouvelle
configuration internationale, qui
d’un modèle unipolaire issu de la
chute de l’Union Soviétique, va
évoluer progressivement vers un
autre type de système qui reste à
définir. Inévitablement, cette
transition va plonger le monde dans
une période de turbulences
géopolitiques. L’attaque médiatique
et militaire à l’encontre de la
Syrie est directement liée à la
compétition mondiale pour l’énergie,
ainsi que l’explique le professeur
Imad Shuebi: la Syrie, centre de la
guerre du gaz au Proche-Orient.
C’est ainsi que Imad Fawzi Shueibi
analyse la situation actuelle. Il
écrit : «
L’attaque médiatique et militaire à
l’encontre de la Syrie est
directement liée à la compétition
mondiale pour l’énergie »,
ainsi que l’explique le professeur
Imad Shuebi : «
Avec la chute de l’Union soviétique,
les Russes ont réalisé que la course
à l’armement les avait épuisés,
surtout en l’absence
d’approvisionnements d’énergies
nécessaires à tout pays
industrialisé. Au contraire, les USA
avaient pu se développer et décider
de la politique internationale sans
trop de difficultés grâce à leur
présence dans les zones pétrolières
depuis des décennies. C’est la
raison pour laquelle les Russes
décidèrent à leur tour de se
positionner sur les sources
d’énergie, aussi bien pétrole que
gaz. Moscou a misé sur le gaz à
grande échelle. Le coup d’envoi fut
donné en 1995, lorsque Vladimir
Poutine a mis en place la stratégie
de Gazprom ».
Laurent Brayard, La Voix de la
Russie : Professeur Chems
Eddine Chitour, ce que vous
développez ici est extrêmement
intéressant, nous nous retrouverons
la semaine prochaine pour analyser
plus en profondeur ce problème,
notamment et surtout l’argument
énergétique, en attendant nous vous
souhaitons à vous et aux lecteurs de
La
Voix de la Russie, une bonne
journée. A la semaine prochaine !
1ère partie de cet entretien
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