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Palestine - Droit au Retour : Discussion entre Bassem Eid et Ali Abunimah



Espoir Manuel Loayza Venezuela 2006 - irancartoon.com
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Lors de débats qui ont eu lieu à Doha le 28 mars 2007, un forum public pour le dialogue et la liberté d'expression au Qatar, le Droit de Retour Palestinien a été discuté. Yossi Belin un membre du parlement israélien et dirigeant du parti Meretz /Yarad, et Bassem Eid directeur du Groupe de Surveillance des Droits Humains en Palestine, ont pris position en faveur d'une motion qui stipulait que « les palestiniens devraient renoncer à leur Droit Total au Retour ». Ali Abunimah cofondateur de l'Electronic Intifada et fils de réfugiés palestiniens, et l'universitaire israélien Ilan Pappe ont contesté la motion qui a été rejetée par presque 82% de l'audience. Le débat est diffusé par BBC World le 14 et 15 avril. Ci-dessous un échange d'email entre Bassem Eid et Ali Abunimah publié sur le journal britannique The Guardian (blog de commentaires libres.)

Bassem à Ali :

Cela a été un plaisir de te rencontrer au Débat de Doha de la semaine dernière sur le Droit de Retour Palestinien. Je pense que nous avons tous deux une position très intéressante puisque nous sommes tous deux réfugiés, pour discuter de cette question mais ni l'un ni l'autre n'a changé le point de vue de l'autre. Ma croyance c'est que pour construire la paix entre ennemis on a besoin de concessions pénibles.

En 1947, les palestiniens ont rejeté le plan de partition de l'ONU pour la division de notre pays et après cela, Israël nous a réoccupé en 1967. Bien que les Accords d'Oslo ne garantissaient pas la fondation d'un futur état palestinien, le 13 septembre 1993, Yasser Arafat a signé un accord de paix avec Israël mais le droit au retour des réfugiés palestiniens est devenu un obstacle à tout plan de paix potentiel.

Depuis la résolution de l'ONU 194 de 1948 et jusqu'à ce jour, rien n'a changé. Sans tenir compte de la propagande et des déclarations enthousiastes de dirigeants palestiniens entrant des camps de réfugiés en Syrie, au Liban, rien n'a changé.

Je crois que la fondation d'un état nation qui s'est battu contre l'occupation pendant plus de 40 ans ne sera réalisée que si certains droits sont abandonnés. Si la communauté internationale ne garantit pas le droit au retour des réfugiés palestiniens, alors quelle est la garantie palestinienne pour ce droit ?

Ali à Bassem :

A la base, tu admets que malgré les concessions faites par les palestiniens au mouvement colonial qui les a dépossédés et occupés, Israël ne leur a rien donné. Par conséquent, les palestiniens devraient faire encore plus de concessions dans l'espoir que le colonisateur les prendra finalement en pitié.

Ce pays s'est montré indivisible et pourtant des gens qui insistent sur la suprématie juive essaient de trouver une solution de Bandustan qui absoudra Israël de donner des droits politiques aux plus de 5 millions de palestiniens sur lesquels il règne, tout en maintenant la fiction que c'est une « démocratie juive ». Cet état raciste peut seulement maintenir cette fiction en insistant pour exclure des millions de plus de palestiniens et leurs descendants chassés de leurs maisons.

La seule solution viable est de mettre fin à cette structure de racisme et d'autoriser tous les peuples qui vivent en Palestine-Israel à vivre en paix et démocratie. Cela ne sera pas facile, mais cela sera mieux que l'Apartheid qui existe actuellement. Notre volonté de respecter le Droit de Retour est inhérente au fait de savoir si nous considérons comme égaux tous les humains qui appellent Palestine-Israel leur patrie.

Il existe des arguments racistes selon lesquels les palestiniens sont incapables de vivre en paix avec les juifs, mais l'histoire prouve le contraire. Les palestiniens veulent la paix, et cela veut dire la fin de l'occupation, la fin de la discrimination raciale contre les palestiniens à l'intérieur des lignes de cessez le feu de 1948, et la fin de l'exil forcé pour les réfugiés qui veulent retourner et vivre en paix avec leurs voisins. Ceci est la clé de la paix.

Comme le professeur Ilan Pappe l'a dit si éloquemment, lors du Débat de Doha, aucun peuple ne devrait avoir à choisir entre une occupation militaire et l'exil forcé. On demande aux palestiniens de faire ce choix pour préserver l'état raciste qui les oppresse. Pas étonnant que vous avez perdu le débat avec un vote contre aussi massif. (Lors du vote presque 82% de l'audience a rejeté la motion : « Cette assemblée pense que les palestiniens devraient renoncer à leur droit total au retour. »--ed

Bassem à Ali :

Nous perdons du temps à ne pas faire ce qui est nécessaire pour atteindre la paix. Oui, nous risquons de perdre des propriétés mais comparé avec le fait que des gens perdent la vie le choix semble clair.

Souviens toi que quand le président Sadat a fait la paix avec Israël en 1979 il a récupéré des israéliens toutes les terres de son pays sans verser le sang. C'est une vraie paix. Arafat a rejeté l'offre de Sadat de se joindre à lui en Israël, mais imagines s'il avait accepté. Penses à combien de colonies n'auraient jamais été crées dans les territoires occupés et penses que la Palestine aurait pu être établie depuis.

Je veux aller de l'avant et regarder vers le futur de nos enfants. A mon avis, l'histoire devrait être rejetée et des gens comme nous devraient regarder vers l'avant.

Les dirigeants palestiniens continuent de demander qu'Israël enlève plus de 160 check points dans les territoires occupés, qu'il évacue les « colonies illégales » ainsi appelées, autorisent les travailleurs palestiniens à entrer en Israël pour travailler et démolisse le mur qui sépare les palestiniens des israéliens (et d'autres palestiniens) Mais à quelle fin ? Apres les dernières six années d'Intifada, nous palestiniens avons tant perdu – pas moins de 4000 d'entre nous ont été tués par les israéliens.

Considères aussi, que depuis qu'Israël a quitté Gaza en septembre 2005, les palestiniens ont crée le chaos. Donc qui fera appliquer ce Droit de Retour ? En janvier 2007 il y a eu 17 palestiniens tués par les israéliens, mais 35 ont été tués par les palestiniens, donc Droit de Retour ou Droit à la Vie ?

Ali à Bassem :

Ce qui est le plus prégnant dans ton raisonnement (si on peut appeler cela un raisonnement) c'est que tu mets sur le même pied d'égalité l'occupant et l'occupé, le colonisateur avec le dépossédé. Bien, tu ne doit jamais oublier que ton occupant ne te considère même pas comme totalement humain, encore moins son égal. En tant que palestinien de Cisjordanie tu n'as aucun droit, légalement ou moralement, d'essayer de vendre les droits de tes frères palestiniens en exil pour d'infimes améliorations de ta condition par tes geôliers.

Il n'y a pas de preuve qu'Israël soit intéressé à te donner un état : il continue d'investir des millions dans de nouvelles colonies pour juifs seulement, au nord et au sud de l a Cisjordanie. Comme tu le sais, seulement 1/3 des palestiniens vivent en Cisjordanie. Depuis 1993, les dirigeants de l'OLP ont essayé de vendre la majorité des palestiniens pour essayer d'obtenir un mini état de pacotille pour régner sur la Cisjordanie.

L'occupation de la Cisjordanie et de Gaza ne sont qu'une des faces du racisme et du colonialisme d'Israël. Au lieu d'essayer de vendre tes soeurs et frères qui vivent comme des citoyens de troisième classe en Israël, ou comme réfugiés à Gaza, au Liban, en Syrie, en Egypte, en Jordanie, ou au Canada, tu devrais te lever en solidarité avec tous les palestiniens.

Bassem à Ali :

Je ne veux pas vraiment sortir du sujet et discuter des problèmes mentionnés dans ton dernier mail. Revenons au Droit au Retour.

Il y a trois ans, je suis allé visiter le village palestinien de Qariut situé entre Naplouse et Ramallah. L'occupation israélienne a confisqué leur terre et y a établi une colonie appelée Eli. Quand j'ai quitté les habitants de Qariut je leur ai posé une question spécifique : si les israéliens évacuaient la colonie d'Eli demain, seriez vous d'accord pour donner la terre et les maisons à vos frères, les réfugiés ? Et personne n'était d'accord…

Donc si même les palestiniens ne veulent pas accepter ce Droit de Retour, comment peut on escompter que les israéliens l'acceptent ?

Tous les accords de paix et les initiatives depuis 1993 parlent du Droit de Retour des réfugiés palestiniens et ils ont tous eu la bénédiction des dirigeants palestiniens mais tous ont été rejetés par les réfugiés palestiniens eux –mêmes. Il n'y a aucune base commune ni statut entre les réfugiés palestiniens et leurs dirigeants. Et par manque de base commune nous perdons des terres, des propriétés et des vies.

Ali à Bassem :

Tu parles de colonialisme et de racisme comme si c'était des choix de vie que nous sommes tenus de respecter et dont nous devons nous accommoder. La raison pour laquelle les colonisateurs ne veulent pas abandonner la terre c'est parce qu'ils pensent qu'ils ont (a) des droits spéciaux et meilleurs que les palestiniens et (b) parce qu'ils ne sont pas obligés pas le faire ; ils ont le pouvoir.

Il y a une véritable analogie avec l'Apartheid de l'Afrique du Sud. Tant que les blancs n'avaient pas à renoncer au pouvoir et reconnaître le droit de la majorité, ils ne l'ont pas fait. C'est à cause des pressions internes de même qu'une campagne internationale de boycott, de désinvestissement, et de sanctions que cela s'est fait.

Au lieu de proposer que les palestiniens abandonnent plus de droits humains afin d'apaiser les colons racistes, tu devrais soutenir l'appel fait par des centaines d'organisations palestiniennes pour soutenir un boycott universitaire et culturel d'Israël. Je crois fermement en la paix et la coexistence entre les israéliens et les palestiniens. Mais la paix ne peut être basée que sur la justice et l'égalité totale. Peux tu t'imaginer si Mandela avait adopté ton raisonnement ?

Bassem à Ali :

J'aimerai dire que le racisme, l'extrémisme et la corruption se propagent partout dans le monde donc ces raisons n'ont pas de sens en ce qui concerne le Droit de Retour. Je ne soutiendrai jamais un boycott parce que ce n'est pas une mesure efficace. Je pense que l'Afrique du Sud est un endroit totalement différent où il y a eu une catastrophe différente à l'époque.

Nous devons nous souvenir que la cause des réfugiés palestiniens c'est précisément les pays arabes. Ils ont ouvert leurs frontières aux réfugiés palestiniens en 1948 et ces pays arabes aujourd'hui, comme la Syrie et le Liban, utilisent ces réfugiés palestiniens pour leur propre confrontation avec Israël. Donc ces réfugiés sont devenus une carte de jeu importante pour les régimes arabes. C'est du racisme et aussi de la corruption. Donc si tu cherches la justice et l'égalité en Israel-Palestine, s'il te plaît demande la justice et l'égalité pour les réfugiés palestiniens dans les pays arabes où ils vivent depuis plus d'années que les colons dans les territoires occupés.

Ali à Bassem :

Comme tu sais, le plus grand nombre de réfugiés palestiniens ont vécu sous la tyrannie militaire israélienne depuis 1967. Bien que tu peux condamner les états arabes pour la façon dont certains d'entre eux ont traité les réfugiés palestiniens, c'est le traitement pas Israël qui est de loin le pire. Et c'est bien sûr Israël qui les utilise politiquement. En leur refusant leur droit humain fondamental à vivre dans l'égalité et la dignité dans leur pays, Israël espère maintenir un état illégitime raciste ethnique et empêcher la démocratie.

Je suis allé dans les camps de réfugiés au Liban, de même qu'en Jordanie, et bien sûr je me suis joins à l'appel pour que les réfugiés soient traités correctement dans tous les pays. Mais rien de tout cela n'absout Israël de sa responsabilité pour avoir chassé les réfugiés et les empêcher de revenir. Ton argument est très faible Bassem. Cela semble se résumer à ceci :
« Israël est fort donc nous devrions l'apaiser et renoncer à notre combat. Les états arabes sont mauvais et corrompus, donc nous devrions fermer les yeux sur les crimes d'Israël. » Mais les palestiniens ont le droit de se battre pour la justice et pour leur pays. Israël est le dernier état colonisateur soutenu par les puissances occidentales et leur idéologie. Il y a un devoir moral, comme il y en a eu un contre l'Apartheid, de s'opposer à ses pratiques, et de revendiquer la démocratie pour toutes les personnes qui y vivent.

Bassem à Ali :

Comme tu sais, je suis toujours entrain de me battre contre l'occupation. Ces derniers 18 ans je me suis mis en première ligne, défendant les droits et les vies des palestiniens. Comme tu sais aussi, je vis toujours dans un camp de réfugiés mais tandis que je vis dans un trou je dois arrêter de creuser. Je ne souhaite à personne, même à mes ennemis, de vivre dans un camp de réfugiés. Crois moi Ali, la vie dans un camp de réfugiés est une vie misérable. Les égouts se déversent dans les ruelles étroites où grandissent mes enfants. Imagine la situation malsaine dans laquelle nous vivons.

Je t'envie parce que tu vis à Chicago. Je peux seulement imaginer la vie merveilleuse que tu as. Je crois que tu es toujours plein d'énergie pour continuer de te battre mais je suis complètement à plat. Crois moi Ali, ce serait mieux pour toi de continuer à te battre, lutter de l'un des camps de réfugiés dans la Bande de Gaza ou la Cisjordanie. Alors ton combat serait bien plus efficace que celui que tu mènes à Chicago.

Ali à Bassem :

Je ne pense pas que cela soit juste d'essayer de réduire cela à un problème personnel et d'essayer de jouer de ma situation privilégiée contre ta souffrance. Il y a des gens qui ont souffert et se sont sacrifiés beaucoup plus que nous deux et qui n'ont pas vécu des aides étrangères que tu reçois et qui n'ont pas renoncé à leurs droits.

Qui est ferme dans sa défense du droit au retour ?

Ce sont les milliers de dépossédés dans les camps de réfugiés de Cisjordanie, Gaza, au Liban, et en Jordanie.

Qui est prêt à y renoncer ?

C'est un minuscule segment de l'élite palestinienne qui a signé les Accords d'Oslo et bénéficié de ces accords personnellement. C'est cette petite coterie, soutenue par l'Occident, qui gravite autour du président palestinien Mahmoud Abbas, qui est désespérée de maintenir ses privilèges.

Le fait est le suivant : malgré les efforts de cette minorité soutenue, la vaste majorité des palestiniens a montré à chaque opportunité (dont l'élection démocratique en Cisjordanie et à Gaza en janvier 2006) qu'ils refusent de renoncer à leurs droits humains et à l'égalité pour se soumettre à un état raciste qui les considèrent comme des détritus non voulus. La différence entre moi et un réfugié au camp de Shatila à Beyrouth c'est seulement cela : j'ai été suffisamment chanceux quand ma famille a été expulsée elle s'est dirigée vers l'est du Jourdain, alors que la sienne s'est dirigée vers le nord. Pure chance.

Je ne les trahirai pas et j'utiliserai mes privilèges et toute opportunité pour défendre leurs droits de là où je me trouve. J'espère vraiment que tu te joindras à nous et que tu rejoindras le mouvement qui grandi qui comprends que la paix ne viendra seulement que dans une Palestine décolonisée où les israéliens et palestiniens ont les mêmes droits quelque soit la race, la religion, l'ethnie ou tout autre caractère arbitraire.

Bassem Eid versus Ali Abunimah 06/04/07 Electronic Intifada www.electronicintifada.net

Traduction bénévole Mireille Delamarre pour www.planetenonviolence.org

Bassem Eid est directeur du Groupe de Surveillance des droits Humains en Palestine. Ali Abunimah est cofondateur d'Electronic Intifada et auteur de One Country: A Bold Proposal to End the Israeli-Palestinian Impasse. (Un pays : une proposition audacieuse pour mettre fin à l'impasse israélo palestinienne ).

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Source : Planète non violence
http://www.planetenonviolence.org/...


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