La Tunisie connaît depuis la fin décembre une
rare agitation sociale, les jeunes dénonçant la pénurie
d'emplois. Les troubles ont été déclenchés par le suicide
d'un vendeur sans permis qui s'était fait confisquer sa
marchandise de fruits et légumes à Sidi Bouzid (265 km au
sud de Tunis) et qui s'est immolé par le feu le 17 décembre.
Un dirigeant de l'opposition a fait état dimanche d'au
moins 20 personnes tuées par balles à Thala et Kasserine,
dans le centre-ouest de la Tunisie, et a appelé le président
Zine El Abidine Ben Ali à "faire cesser le feu". Le
gouvernement tunisien a, quant à lui, déclaré dans un
communiqué que huit personnes étaient mortes au total dans
des affrontements avec la police au cours des dernières 24
heures.
"Les informations qui nous proviennent de Kasserine et
Thala font état d'au moins vingt morts tombés sous les
balles depuis samedi dans des affrontements qui se
poursuivaient ce matin même", a déclaré Ahmed Nejib Chebbi,
chef historique du Parti démocratique progressiste (PDP,
opposition légale). "On a tiré sur les cortèges funèbres",
a-t-il affirmé, expliquant tenir ses informations des relais
de son parti dans les deux villes.
Affirmant vouloir attirer l'attention du chef de l'Etat
sur "la gravité de la situation", M. Chebbi l'a appelé à
"faire cesser le feu immédiatement". "J'adresse un appel
urgent au président de la République pour lui demander de
faire cesser le feu immédiatement afin d'épargner la vie des
citoyens innocents et de respecter leur droit à manifester",
a-t-il déclaré.
Samedi soir, des affrontements à Thala, localité situé à
50 km de Kasserine, avaient fait au moins quatre morts et
six blessés graves, selon des sources syndicales. Le
ministère de l'Intérieur a donné un bilan de deux tués et
huit blessés par balles parmi la population de Thala.
Samedi, un nouveau marchand ambulant s'est immolé par le
feu à
Sidi Bouzid. Agé de 50 ans, Moncef Ben K., marié et père
de famille, s'est aspergé d'essence alors que se tenait le
marché de la ville. Il a été emmené en ambulance et son état
est jugé grave.
A Tunis, lors d'un rassemblement public samedi, la
centrale syndicale unique, l'Union générale des travailleurs
tunisiens (UGTT), a proclamé son appui aux revendications
"légitimes" du mouvement. "Nous soutenons les revendications
de la population de Sidi Bouzid et des régions intérieures",
a-t-il déclaré à la foule depuis les locaux de la centrale,
sur la place Mohamed Ali. "Il est contre nature de condamner
ce mouvement, il n'est pas normal d'y répondre par des
balles", a-t-il lancé sous les applaudissements, appelant
plutôt au "dialogue avec les jeunes". La foule a observé une
minute de silence à "la mémoire des martyrs" du mouvement
social, entre hymne national et chansons engagées diffusés
par hauts-parleurs.