Opinion
Ferhat Rajhi confirme la pratique
de la torture, les arrestations arbitraires et la corruption
Mondher Sfar
Dimanche 17 avril 2011
Dans son
interview avec Essabah parue en date du 16/04/2011, l’ancien
ministre de l’Intérieur Ferhat Rajhi confirme le bien-fondé des
informations de l’ALTT, de Liberté et Équité, de l’AISPP et de
la LTDH sur les graves actes de violence et de torture et
d’arrestations illégales que continuent de commettre les forces
de la police tunisienne et qui n’épargnent pas les personnes
ayant participé à la révolution en décembre/janvier.
Mais ce qui attire l’attention dans cette interview, c’est
que M. Rajhi laisse entendre que l’appareil policier échappe à
la volonté de l’État puisqu’il a donné des consignes pour mettre
fin à la torture et aux arrestations illégales et que ces
consignes ont tout simplement été ignorées sans qu’il ait pu (ou
voulu) prendre des sanctions à leur encontre, comme si ce corps
d’État bénéficiait d’une immunité dont on ignore ses origines.
Ces informations confirment nos analyses sur le danger que
constitue le corps de la police pour nos libertés actuelles – ou
ce qu’il en reste – et pour notre avenir. Elles confirment aussi
notre pronostic sur le danger pour la révolution et pour notre
pays le maintien de l’appareil policier en dehors de tout
contrôle du peuple puisqu’il agit comme s’il était un corps
étranger à la nation et à l’État.
Mais il serait naïf de croire que ce corps de la police
puisse échapper à l’État sans que le Gouvernement actuel, son
Premier ministre et même le Président de la République ne s’en
émeuvent et ne le dénoncent comme un corps hors-la-loi. Il est
bien évident que c’est le régime de la dictature actuelle – qui
est la continuité de la dictature d’hier – qui est responsable
des exactions policières actuelles qui bénéficient de l’impunité
politique et judiciaire malgré les protestations des ONG et de
la société civile.
Et il apparait de plus en plus clairement que le projet des
élections n’est qu’une manœuvre dilatoire pour gagner du temps
et jouer sur le pourrissement de la situation politique et
économique afin de justifier le régime policier et le retour à
la dictature.
La réforme en profondeur de l’appareil policier, comme l’a
rappelé la LTDH dans sa Conférence nationale tenue à Tunis les 6
et 7 mars 2011, reste une exigence absolue et non négociable
pour la préservation de la dignité des Tunisiens.
Seulement, cette exigence ne peut rester un vœu pieux et nous
devons cesser de faire des déclarations et commencer à nous
battre sur le terrain pour en finir avec la police criminelle et
anti-polulaire. Nous ne pouvons non plus faire le jeu des
prétendues élections voulues par la dictature pour se faire une
nouvelle virginité et une nouvelle légitimité sans toucher au
pilier du système de la dictature policière contre laquelle le
peuple tunisien s’est soulevé et payé le prix du sang.
Rien ne changera en Tunisie avant que la police ne soit
réformée et ne respecte les droits humains les plus
élémentaires. Et ce serait une grave erreur de notre part de
croire le contraire: que les élections serviraient à réformer la
police. Si cette police arrive déjà aujourd’hui à défier
impunément son ministre en refusant d’obéir à ses ordres,
comment imaginer que demain elle obéirait à la volonté du peuple
issue d’élections même des plus transparentes et honnêtes du
monde !
Mondher Sfar, Tunisien en exil à Paris, Docteur
en philosophie à la Sorbonne Chercheur en anthropologie et en
histoire de la pensée.
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