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Libérez Salah Hamouri
Lettre de sa famille à Salah pour Noël
Jérusalem le 31 décembre
2008
Salah, mon fils,
Cela
fait trois ans, neuf mois et dix-huit jours que tu as été enlevé
par les forces d’occupation israéliennes. C’était un dimanche,
le 13 mars 2005. Tu n’avais pas encore vingt ans quand on t’a
injustement dépossédé de ta liberté. Citoyen français et
résident de Jérusalem, étudiant en sociologie à l’Université de
Bethlehem, tu partais avec des amis pour t’amuser à Ramallah.
Les soldats israéliens t’ont appréhendé au
check point de
Qalandya, point de passage obligé entre les villes
palestiniennes de Jérusalem-Est et Ramallah. Ou plutôt
kidnappé, devrais-je
dire.
Deux heures plus tard, ils sont arrivés chez nous.
Ils ont tout retourné,
saisi le disque dur de ton ordinateur. Ils sont allés jusqu’à
démonter les lavabos, pour tenter de mettre la main sur des
indices compromettants.
Peine perdue, naturellement. Nous n’avons rien à cacher.
Pendant
de longs mois, nous sommes restés sans nouvelles. C’est par la
presse que nous avons appris les charges fantaisistes retenues
contre toi : tentative de complot d’assassinat contre la
personne du Rabbin d’extrême droite Ovadia Youssef et
appartenance à un mouvement de jeunesse. Tu as été jeté dans un
cachot, torturé, puis transféré de prison en prison, avant
d’être condamné à sept ans d’enfermement. Inhumain, dégradant,
ton procès, a été reporté à 26 reprises. Il est intervenu après
plus de trois ans de détention provisoire. Jamais, le tribunal
militaire israélien qui t’as jugé n’a été en mesure de fournir
la moindre preuve matérielle de ce qui t’est reproché. Ni armes,
ni plans, ni début d’exécution du dit-complot.
«Mais il a avoué » ,
me dit-on. Effectivement, comme des milliers de palestiniens
pris au piège de la machine militaro-judiciaire israélienne, tu
as été poussé aux aveux. Le marché proposé par le procureur
israélien ne te laissait guère le choix : « sept
ans s’il avoue, quatorze s’il continue à nier ».
Le
temps des fêtes est arrivé : Noël, ses lumières et une nouvelle
année à venir.
Il est impensable que ce soit le 4ème Noël sans toi…
Mes
pensées sont plus que jamais avec toi Salah, tout
particulièrement dans ces moments où l’on est censé être sereins
et joyeux. A vrai dire, tu ne me quittes jamais : depuis le
moment ou je dois te laisser derrière la vitre opaque du parloir
ou je te rends visite, jusqu'à notre maison à Jérusalem où
chaque photo, chaque objet nous rappelle que tu reviendras
…bientôt?
Tu nous
manques. Ton étreinte forte me manque. Tes gestes, ta tendresse
envers ta sœur Caroline et ton frère Amir nous manquent. Ton
père se rappelle toujours avec affliction comment lorsque tu
rentrais de la fac, tu lui demandais souvent de discuter avec
toi. Il aimait que tu confies à lui.
Pendant
cette période de fête où chacun devrait oublier un peu ses
soucis, je pense très fort à toi, Salah et à tous ceux qui
endurent l’insupportable dans l'obscurité de leurs petites
cellules.
Leur fête à eux, c'est leur solidarité, et l'espoir que pour les
prochaines fêtes, la liberté sera leur cadeau.
Ma fête
à moi, c’est ce lien invisible mais très fort qui unit mes
pensées aux tiennes pendant qu’ailleurs les lumières brillent.
Meilleurs vœux mon fils, et surtout n’oublie pas que pour tous
ceux qui vivent, il y a de l’espoir.
Maman,
papa, Amir et Caroline
Denise Hamouri
Dossier Salah
Hamouri
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