Dossier Salah Hamouri
Note d'information et de mise au point
Jean-Claude Lefort
22 octobre 2008
En date du 20 octobre, le Quai d’Orsay a
publié un
communiqué sur la situation de Salah Hamouri.
Celui-ci appelle des mises au point factuels pour la clarté des
choses.
1. Le Quai
d’Orsay s’obstine à indiquer que Salah Hamouri « a
choisi de plaider coupable ». Ceci est inexact. Il
convient de rappeler que, après 3 ans passés en prison, Salah
Hamouri n’était toujours pas jugé. La position de la France
n’étant pas de demander, comme pour d’autres, la libération
pour notre compatriote mais seulement un « procès rapide », cet unique message a été transmis par
le Ministre des Affaires étrangères de France à ses homologues
israéliens. Cela s’est passé très exactement le 17 février
2008, suite à sa rencontre de quelques minutes avec la famille de
Salah au Consulat général de France à Jérusalem qui s’est déroulée
la veille, le 16 donc, en soirée exactement.
Le 18 février,
suite à cette demande française énoncée le 17, le procureur du
tribunal militaire (notons ce point : jamais dans son
communiqué le Quai ne parle de « tribunal
militaire » mais de « justice
israélienne »), faisait savoir par l’intermédiaire
de l’avocate de Salah Hamouri que son procès pouvait déboucher
rapidement et proposait un « arrangement ». Exactement
le suivant : « Ou
bien Salah accepte de plaider coupable et il sera condamné à 7
ans de prison ou bien il refuse et ce sera plus ». Telle
est la stricte vérité.
Salah et sa
famille, sur les conseils de l’avocate, a accepté cet « arrangement »
(comme le font 95% des prisonniers palestiniens). Autrement dit,
pour éviter une peine plus lourde, il s’est accusé faussement.
On ne peut donc pas parler d’un choix de Salah de plaider
coupable. Il s’agit d’autre chose que la France ne se résout
pas à reconnaître : à savoir un chantage odieux qui n’a
rien à voir avec la justice, telle qu’elle fonctionne du moins
dans un Etat de droit.
2. Dans le même
communiqué, il est indiqué que Salah « n’a
pas souhaité faire appel »
de la décision. Ceci est au minimum un non-sens puisque aucun
appel n’est permis devant un tribunal militaire israélien
d’autant qu’il y a un « accord » préalable sur la
hauteur de la peine au terme du plaider coupable (7 ans en l’espèce).
On ne peut dire tout et son contraire.
3. Il est indiqué
aussi que Salah n’a déposé « aucune
remise de peine ». Il est à noter, et à savoir,
qu’une remise de peine (rarissime au demeurant quant à son
aboutissement s’agissant d’une condamnation prononcée par un
tribunal militaire qui est installé à Ofer, dans les Territoires
palestiniens) ne peut avoir lieu, dans ce cas, qu’une fois les
2/3 du temps de la condamnation effectué. Ce qui repousse à
juillet prochain pareille éventualité.
3. Toujours dans
le même communiqué, il est indiqué que Salah n’a pas demandé
une « amnistie ». Il faut savoir que l’amnistie n’existe pas en
Israël. On ne parle pas ici, car il ne s’agit pas d’une
amnistie, des libérations décidées politiquement par vote du
Cabinet israélien, comme cela s’est passé récemment avec la
libération de 198 prisonniers palestiniens, décision politique
qui passe outre le respect des décisions de justice israélienne
alors qu’on on nous rebat les oreilles du côté français sur
son caractère « indépendant » ce qui gênerait
l’action de la France.
Il existe par
contre un système de grâce présidentielle. Bien avant
l’existence de notre comité, nous avons demandé expressément
que ce soit la France qui, à l’instar d’un autre cas bien
plus sulfureux, fasse elle-même la demande auprès du Président
Pérès.
On aura compris
que ou bien elle ne l’a pas fait ou bien la démarche a été
sans suite. Salah étant citoyen français c’est bien évidemment
à l’Etat français de faire tout ce qui est en son pouvoir ce
qui, en l’espèce, est autrement plus efficace qu’une demande
de Salah. On ne peut lui demander qu’il implore la grâce alors
qu’il n’a rien fait et qu’en plus il a plaidé coupable. On
voudrait faire comprendre que Salah est l’objet d’un juste
procès qu’on ne s’y prendrait pas autrement.
4. Selon le texte
du communiqué, « la France a également demandé à
l’Autorité palestinienne de relayer auprès d’Israël son
souhait que Salah Hamouri soit inclus dans la liste des
prisonniers à libérer par Israël ». Il faut savoir que dès
que les responsables israéliens ont fait savoir leur intention,
à Paris, de procéder à un élargissement de prisonniers
palestiniens, nous sommes intervenus auprès du Quai et autres
pour que la France demande que Salah soit sur la liste. Cela
a été demandé le 7 août exactement. Si la France a bien exprimé
« son souhait que Salah Hamouri soit dans la liste »,
on notera qu’elle n’a pas été entendue. On se demande bien
comment on peut se retourner en pareille situation vers
l’Autorité palestinienne qui est encore bien moins écoutée
que la France (euphémisme) et qui, renseignements pris, n’
jamais son mot à dire sur le sujet. Les décisions israéliennes
sont unilatérales en ce domaine aussi. Cette façon de se décharger
sur l’Autorité palestinienne ne témoigne pas d’une hauteur
de vue ainsi qu’à une certaine dignité de soi.
*
* *
Tous ces éléments
concrets pour que tout soit clair. Ce sont des faits. Uniquement
des faits. On notera donc finalement que, en demandant
aujourd’hui simplement la « clémence » pour Salah,
la France s’inscrit dans une démarche qui consiste à considérer
que tout ce qui arrive à Salah Hamouri est « normal »,
sinon que c’est de sa faute et celle de l’Autorité
palestinienne, relativement à la situation qui prévaut en Israël,
y compris en matière de « justice ». Le droit
international qui souligne et condamne l’occupation israélienne
et ses conséquences, les Conventions de Genève – tout cela
tombe puisque, aux yeux des autorités françaises actuelles, Israël
est un Etat de droit comme les autres.
Ce communiqué du
Quai d’Orsay qui tente de faire contre-feu à l’action de
notre Comité en confirme au contraire la nécessité et le
bien-fondé. Ne pas dire la vérité est une toujours preuve de
faiblesse et de gêne, d’embarras. Celles-ci ne sont pas de
notre côté.
Note d’information rédigée par Jean-Claude Lefort, le 22 octobre
2008
Communiqué
du MAE du 20 octobre 2008 (ci-après)
Communiqué du MAE du 20 octobre 2008
PARIS,
20 octobre 2008 (AFP) - La France demande à Tel-Aviv de faire un
"geste de clémence" en faveur de Salah Hamouri, un
Franco-palestinien emprisonné en Israël depuis 2005, a indiqué
lundi un communiqué de son ministère des Affaires étrangères.
"Nous
continuons de saisir chaque occasion pour demander aux autorités
israéliennes un geste de clémence à l'égard de notre
compatriote et restons en contact avec sa famille aussi bien en
France qu'en Israël", indique le communiqué.
Selon
ce texte, la France a également demandé à l'Autorité
palestinienne de "relayer auprès d'Israël son souhait que
M. Hamouri soit inclus dans les listes de prisonniers à libérer
par Israël".
Un
comité de soutien à Salah Hamouri, 23 ans, a été constitué la
semaine dernière à Paris.
Le
jeune homme a été accusé d'être impliqué dans un complot
destiné à assassiner Yossef Ovadia, guide spirituel du parti
ultra orthodoxe séfarade Shass, selon le comité.
Selon
le communiqué du Quai d'Orsay, M. Hamouri a choisi de plaider
coupable devant la justice israélienne. Condamné au mois d'avril
2008 à sept ans de prison, "il n'a pas souhaité faire appel
de sa condamnation ni demander une remise de peine ou une
amnistie".
« Le
ministre (Bernard Kouchner) s'est directement investi, après la
condamnation de Salah Hamouri, pour obtenir des autorités
politiques et judiciaires israéliennes sa libération, en geste
de clémence", affirme le communiqué.
Le
texte souligne que "dès son incarcération le 13 mars 2005,
M. Salah Hamouri a fait l'objet d'un suivi constant par les
autorités politiques, diplomatiques et consulaires françaises"
et "reçoit régulièrement depuis mars 2005 la visites des
agents consulaires français, la dernière datant du 15 septembre
2008".
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