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Bhutto réclame la démission de
l’homme fort des Américains au Pakistan
Keith Jones
Benazir Bhutto - Photo AP
14 novembre 2007
La présidente à vie du
Parti populaire du Pakistan, Benazir Bhutto, a été forcée de
condamner avec plus de fermeté l’officier soutenu par les Américains,
le général Pervez Musharraf et son régime de loi martiale.
Le lundi 12 novembre,
Bhutto a annoncé qu’elle mettait un terme à ses négociations
avec Musharraf, négociations qui ont débuté il y a des mois à
la demande pressante de l’administration Bush dans l’espoir
que cela offrirait un vernis démocratique au gouvernement contrôlé
par l’armée.
« Nous ne pouvons
travailler avec une personne ayant suspendu la constitution, imposé
l’état d’urgence et opprimé la branche judiciaire, a dit
Bhutto. Nous disons non à d’autres pourparlers. »
Puis, le lendemain, après
que le gouvernement ait, pour la deuxième fois en cinq jours,
mobilisé les forces de sécurité en masse pour l’empêcher de
prendre la tête d’une manifestation contre la loi martiale,
Bhutto a demandé la démission de Musharraf en tant que président
et chef des forces armées pakistanaises.
« Je demande que le
général Musharraf démissionne, qu’il quitte, qu’il
abandonne », a dit Bhutto à un groupe de journalistes lors
d’un entretien téléphonique de sa résidence de Lahore
qu’elle ne peut quitter depuis le 15 janvier.
Bhutto a clairement montré
que c’était avec regret qu’elle prenait cette position.
Parlant de Musharraf, qui a pris le pouvoir en 1999 par un coup
d’état, écrit une constitution donnant le rôle principal à
l’armée dans la politique gouvernementale, truqué plusieurs
fois les élections et utilisé la force pour réprimer
l’opposition, elle a dit: « Je crois qu’il a fait trop
peu, trop tard. Il continue à vouloir acheter du temps… Le
Pakistan a besoin de stabilité. Je ne pourrais pas être première
ministre si Musharraf demeurait président. J’aimerais pouvoir
le faire. »
Bhutto sait que l’administration Bush
souhaiterait la voir collaborer avec Musharraf, son allié de
longue date, et elle ainsi que la direction du Parti du peuple
pakistanais (PPP) admettent que l’armée est cruciale à la défense
de leurs propres privilèges, soit le maintien de l’ordre social
hautement inéquitable du Pakistan et de son intégrité en tant
qu’Etat-nation.
Durant des mois, elle a déconseillé le déclenchement
d’un mouvement populaire contre le régime militaire, affirmant
que cela pouvait rapidement échapper au contrôle de l’élite
politique traditionnelle.
Depuis que Musharraf a décrété la loi
martiale afin d’empêcher que la Cour suprême n’invalide son
simulacre de réélection à la présidence, Bhutto a tenté
d’aligner ses actions sur les appels de l’administration Bush,
demandant à l’opposition de faire preuve de « retenue »
et à toutes les « forces modérées » de collaborer
avec le général-président pour la « démocratie ».
En agissant de la sorte, elle s’est
davantage attirée l’opprobre de la population et a essuyé les
critiques du PPP, pour avoir frayé avec un violent régime
dictatorial qui s’en prend de plus en plus aux partisans du PPP.
Tard lundi en soirée et mardi, des milliers
d’agents des forces de sécurité, dont de nombreux armés de
AK-47, furent mobilisés pour empêcher le PPP d’organiser une
caravane de protestation, de Lahore à la capitale Islamabad. La résidence
à Lahore où se trouvait Bhutto était entourée de fils barbelés,
de véhicules et de 900 policiers. Dans ce qui était en fait un
acte d’intimidation, mais qui fut présenté comme une mesure
pour prévenir une attaque terroriste contre Bhutto, des tireurs
d'élite furent postés dans des buildings voisins.
Il n’y a aucun moyen de déterminer précisément
le nombre de politiciens, d’avocats, de militants des droits de
l’homme et de syndicalistes qui ont été mis sous détention préventive
ou arrêtés pour avoir défié le régime de la loi martiale. Le New
York Times a rapporté lundi, avant qu’une nouvelle vague
d’arrestations ne soit dirigée contre des partisans du PPP qui
prévoyaient rejoindre la caravane de mardi, que des diplomates
occidentaux évaluaient leur nombre total à 2500. L’appareil
judiciaire a été purgé. La plupart des stations de télévision
privées ne diffusent pas, ayant refusé de se plier à un code de
censure draconien qui menace d’emprisonner les diffuseurs qui
s’opposent au gouvernement.
Le week-end dernier, le gouvernement a
soumis des civils aux tribunaux militaires sous des chefs
d’accusation allant de trahison à « déclarations ayant
entraîné des méfaits publics ».
Après l’appel de Bhutto à la démission
de Musharraf, des diplomates occidentaux ont dit au Financial
Times de Londres qu’ils ne croyaient pas que le dirigeant du
PPP et deux fois ancienne premier ministre ait véritablement fermé
la porte à une entente avec Musharraf et les militaires. « Mon
sentiment est qu’une rupture complète n’a pas encore eu lieu,
compte tenu de l’influence américaine sur les deux parties »,
a déclaré un diplomate anonyme. Le Washington Post,
pendant ce temps, citait un autre diplomate occidental anonyme,
qui aurait dit « Bhutto est experte en relations
publiques. Elle ne va pas renverser sa propre "charrette de
pomme". »
Mais Musharraf et le régime militaire ont répondu
aux manœuvres de Bhutto avec de plus en plus de colère et de
crainte. Dans des entrevues données mardi avec NBC et le New
York Times, Musharraf divaguait contre les activistes des
droits de l’homme et la presse, tout en accusant Bhutto
d’adapter une attitude de « confrontation » depuis
son retour au Pakistan le 18 octobre après huit ans d’exil.
Inquiet de voir que les événements au
Pakistan pourraient mener au scénario cauchemardesque pour
Washington d’une confrontation entre le peuple pakistanais et
l’armée, l’administration Bush a annoncé que le secrétaire
d’État adjoint, John Negroponte, allait se rendre à Islamabad
plus tard cette semaine.
L’administration Bush veut désespérément
soutenir le régime militaire d’Islamabad, parce qu’il joue un
rôle si crucial autant dans l’occupation américaine de l’Afghanistan
– la moitié du pétrole utilisé par les forces en Afghanistan
ainsi que d’autres équipements cruciaux arrivent par le
Pakistan – que pour les préparatifs d’une confrontation
militaire du Pentagone contre l’Iran.
Selon le département d’État, le message
que Negroponte est supposé livrer à Musharraf est qu’il doit
lever la loi martiale avant les élections du début janvier.
Apparemment, même l’administration Bush trouverait difficile de
soutenir à la face du monde qu’une élection durant laquelle
les gens pouvaient être emprisonnés pour avoir critiqué le
gouvernement, la presse était censurée et les rassemblements
interdits est « libre et impartiale ».
Dans un article publié mardi soir, le New
York Times citait des représentants anonymes de
l’administration Bush, qui auraient dit être « de plus en
plus frustrés tant par le général Musharraf que par Bhutto »
et qu’ils « tentent de prendre discrètement le pouls de
l’armée pakistanaise pour y déceler des signes au sein de la
caste des officiers » de « refroidissement à son égard ».
« Ce n’est pas une question de
provoquer quelque chose », a dit un responsable. « Nous
voulons seulement être certains de garder un œil sur la
situation de toutes les parties concernées. »
En d’autres mots, l’administration Bush
explore la possibilité de changer de général, de disposer de
Musharraf dans le but d’éviter un soulèvement populaire qui
pourrait menacer le gouvernement contrôlé par les militaires.
Mais les événements au Pakistan, et ceux
en Irak, ont déjà démontré que les visées de l'impérialisme
américain excèdent de plus en plus ses capacités.
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Publié le 20 novembre 2007 avec l'aimable autorisation du WSWS
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