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Bush réaffirme son soutien à
Musharraf alors que le dictateur pakistanais intensifie la répression
militaire
Joe Kay
Le général Pervez Musharraf
19 novembre 2007
Le président George Bush et la secrétaire
d’Etat Condoleezza Rice ont réaffirmé leur soutien au
dirigeant pakistanais Pervez Musharraf le week-end des 10 et 11
novembre au moment même où le général augmentait la répression
massive commencée avec l’imposition de fait de la loi martiale,
le 3 novembre.
Lors d’une conférence de presse, Musharraf a
annoncé que des élections se tiendraient au début du mois de
janvier, mais il a indiqué que l’état d’urgence et la
suspension de la constitution pakistanaise continueraient indéfiniment,
aussi peut-être pendant la période de l’élection elle-même.
Bush, Rice et d’autres responsables américains ont loué le
projet de Musharraf de tenir des élections bidon alors que toute
opposition politique est interdite, des journaux indépendants réprimés
et des milliers d’opposants politiques restent en prison, le
qualifiant de mesure « bienvenue » conduisant à la démocratie.
S’adressant à une conférence de
presse tenue à son ranch texan à la suite d’une rencontre avec
la chancelière allemande Angela Meckel, Bush a insisté pour dire
que les Etats-Unis et Musharraf « partageaient un but commun » :
leur opposition à al-Qaïda. Répétant la justification toujours
donnée pour tout aspect de la politique extérieure américaine,
Bush a dit que le soutien au chef d’Etat militaire du Pakistan
était la réponse nécessaire aux attentats du 11 septembre.
Bush a qualifié de démarches positives la
promesse de Musharraf de tenir des élections et de retirer son
uniforme militaire (tout en restant président) à un certain
moment dans l’avenir. Tout en répétant ses appels pour la
forme au Pakistan de « retourner à la normale », Bush
a dit clairement que les Etats-Unis soutiendraient Musharraf même
si celui-ci ne se tenait pas à ses injonctions.
Bush a déclaré que Musharraf, qui s’est
emparé du pouvoir par un coup d’Etat militaire en 1999 avait
« une option », faisant allusion à l’ultimatum donné
au Pakistan à la suite des attentats du 11 septembre. Il a dit
que Washington avait alors mis le dirigeant pakistanais au pied du
mur et lui avait posé cette question : « Êtes-vous
avec nous ou êtes-vous contre nous ? Et il s’est
clairement décidé à être avec nous et il a agi par rapport à
ce conseil »
Le soutien catégorique de Bush à Musharraf a
été réitéré par la secrétaire d’Etat Rice dimanche 11
novembre. Dans une interview avec George Stephanopoulos dans l’émission
« Cette semaine » d’ABC News, elle a dit que la
situation au Pakistan n’était « pas parfaite ».
« Toutefois, dit-elle, la solution c’est de faire une
chose à la fois. » Elle a esquivé la question de
Stephanopoulos qui lui demandait si Musharraf devait démissionner
de la présidence.
Lors d’une conférence de presse avec des
journalistes étrangers, Musharraf est apparu nettement fortifié
par le fait que Bush lui avait réitéré son soutien. Le général
a refusé de donner une date de fin de l’Etat d’urgence.
Reprenant à son compte la ligne adoptée par l’administration
Bush, Musharraf a insisté sur le fait que l’état d’urgence
– dont il se sert pour purger les tribunaux et réprimer les
avocats, les organisations des droits de l’Homme et d’autres
opposants au Pakistan — était une partie nécessaire de la
« guerre contre la terreur ».
Musharraf a dit qu’il avait reçu des appels
de la part de « leaders étrangers » exprimant leur
« compréhension » pour la décision de suspendre la
constitution. Il a aussi été clair sur le fait que toute élection
serait organisée sous la menace d’arrestations et de violence.
Quiconque « dérange la loi et l’ordre et veut créé
l’anarchie au nom des élections et de la démocratie, on ne le
laissera pas faire », dit-il.
Les commentaires de Musharraf et de
l’administration Bush suivent une vague de répression qui a mené
à l’arrestation de très nombreux manifestants qui sont à présent
prisonniers de l’armée. Personne ne sait ce qui arrive à ceux
qui sont arrêtés, mais la torture est utilisée de façon
routinière par l’armée et la police civile au Pakistan.
Vendredi 9 novembre, le régime militaire a
interdit une manifestation du PPP (Pakistani Peoples Party —
Parti populaire pakistanais) et de son leader Benazir Bhutto et a
arrêté de nombreux organisateurs de la manifestation. Le
gouvernement a aussi amendé une loi de 1952 pour permettre à
l’armée de faire passer des civils en cour martiale.
Parmi les chefs d’accusation que des
tribunaux militaires peuvent à présent utiliser, il y a la
trahison – passible de la peine de mort — la sédition et
celui de « faire des déclarations conduisant au désordre
public ». Certaines des personnes arrêtées la semaine
dernière ont déjà été jugées pour trahison.
Selon un article du Washington Post,
« les modifications ont aussi été rendues rétroactives
jusqu'à 2003, ce dont les organisations [des droits de l’Homme]
affirment que cela était destiné en partie à légitimer les
disparitions et les tortures de prisonniers, y compris celles de
dissidents séparatistes de la province du Baloutchistan, dont la
cause a été reprise par des tribunaux civils. »
La réaction de Bhutto, la dirigeante du PPP,
dont les Etats-Unis ont fait la promotion en tant que partenaire
potentiel de Musharraf dans un gouvernement de partage du pouvoir,
ressemblait à celle de l’administration Bush. Bhutto a qualifié
l’annonce d’une élection de « non positive »
dimanche. En dépit de la répression de ses propres partisans,
Bhutto dit qu’elle « n’avait pas fermé la porte à des
négociations » avec Musharraf.
Le soutien à Musharraf de la part
Washington est motivé par les intérêts stratégiques de l’impérialisme
américain en Asie du Sud et au Moyen-Orient. Le Pakistan a des
frontières communes avec l’Afghanistan au nord-ouest, l’Iran
à l’ouest, la Chine au nord-est et l’Inde à l’est.
L’Iran et la Chine sont considérés comme une menace pour l’hégémonie
américaine en Asie. Les Etats-Unis mènent depuis huit ans une
occupation difficile et précaire en Afghanistan et cherchent à
faire de l’Inde, un pays affligé par des tensions sociales et
politiques explosives, un allié nucléaire et un contrepoids à
la Chine.
L’administration Bush n’en est que plus
ferme dans son soutien au régime militaire pakistanais parce
qu’elle a besoin d’une certaine stabilité au Pakistan avant
de prendre une décision d’attaquer l’Iran militairement. Les
déclarations de Bush en soutien à Musharraf sont venues après
la rencontre avec Merkel et peu après la visite aux Etats-Unis du
président français Nicolas Sarkozy. Le premier objectif de ces
visites était de discuter une aggravation de sanctions et une
possible action militaire contre l’Iran. Au début de sa conférence
de presse commune avec Merkel, Bush avait dit qu’ils « s’étaient
mis d’accord sur le besoin d’« envoyer un message commun
et ferme aux Iraniens ».
Le contraste entre l’attitude de Bush envers
le Pakistan et les accusations qu’il a lancées contre le
Myanmar (anciennement appelé Birmanie), est juste un exemple des
deux poids deux mesures qui prévalent dans la politique étrangère
américaine et le cynisme de sa prétendue croisade pour la démocratie.
Si pour la Birmanie, allié de longue date de la Chine,
l’administration Bush avait poussé à des sanctions économiques,
pour le Pakistan, elle a montré clairement qu’elle n’avait
aucune intention de réduire l’aide militaire, qui totalise
depuis 2001 plus de dix milliards de dollars.
La position stratégique importante du Pakistan
et l’inquiétude devant l’instabilité politique et sociale
dans le pays pourraient entraîner l’arrivée au pouvoir d’un
gouvernement moins favorable aux intérêts américains, ce qui
explique pourquoi la critique des médias et de l’establishment
politique américain du soutien non dissimulé de Musharraf
par l’administration Bush a été aussi discrète. Les critiques
qui ont été soulevées avaient surtout à voir avec l’inquiétude
que les Etats-Unis ne soutiennent un régime totalement isolé,
discrédité et condamné à tomber, ce qui aurait le potentiel de
déclencher des éruptions sociales et politiques pouvant prendre
des dimensions révolutionnaires.
Ces inquiétudes se trouvaient exprimées dans
une lettre de la direction démocrate du sénat à
l’administration Bush. « Il est de plus en plus clair que
la politique de l’administration n’a servi ni les besoins du
peuple pakistanais ni les intérêts de sécurité de notre pays »,
avertissent les démocrates. Sans poser de revendications concrètes
quant au soutien des Etats-Unis pour Musharraf, la lettre dit que
« les événements du Pakistan et d’ailleurs démontrent
de manière convaincante qu’il est plus que temps d’avoir une
stratégie efficace quant au Pakistan lui-même, à la situation
en Afghanistan en rapport avec lui, ainsi qu’à une approche des
autres menaces et défis que l’Amérique confronte dans le monde ».
Certains critiques avertissent de ce que le
soutien américain à Musharraf pouvait conduire à une débâcle
pour l’impérialisme américain semblable à celle qui suivi la
chute d’un autre allié clé des Etats-Unis dans la région, le
Shah d’Iran.
Un éditorial du Washington Post publié
dimanche clarifie la position de ceux qui, au sein de l’élite
dirigeante américaine, s’inquiètent de l’attitude de
l’administration envers Musharraf. Intitulé « Le général
doit partir », l’éditorial déclare : « La
seule manière de préserver les intérêts américains et la
cause de la modération au Pakistan est d’éliminer l’obstacle
que représente un Musharraf s’accrochant désespérément et de
façon nuisible au pouvoir. »
Ce journal poursuit en faisant l’éloge
d’un successeur probable de Musharraf, le général Ashfaq
Kiyani comme d’un « modéré pro-occidental qui soutient
le programme de contre-insurrection parrainé par les Etats-Unis
». Le journal exprime l’espoir qu’un nouveau chef de
l’armée serait capable de constituer une alliance avec des
sections de l’establishment politique pakistanais dans le
but de créer un gouvernement plus stable – mais un gouvernement
qui continuerait de soutenir la politique américaine dans la région.
« Les actions de M. Musharraf dans les semaines passées ont
détruit toute chance qu’il aurait eue de jouer un rôle
dirigeant dans ce processus », conclut le Washington Post.
Un article d’information publié le 9
novembre 2007 dans ce même journal, faisait état de l’inquiétude
régnant chez les responsables militaires américains quant au
fait que la tourmente pakistanaise pourrait perturber les opérations
militaires le long de la frontière avec l’Afghanistan. Ces
responsables ont indiqué que les opérations se poursuivaient en
dépit des actions de Musharraf. Au centre de ces efforts, écrit
le journal, il y avait Kiyani, le second en chef de l’armée
pakistanaise.
Le Washington Post notait aussi le peu
d’enthousiasme pour les opérations américaines au sein de
l’armée pakistanaise qui a des liens de longue date avec les
groupes islamistes intégristes qui sont présentement la cible
des Etats-Unis.
Toutes les factions de l’establishment
politique des Etats-Unis sont d’accord pour que les ceux-ci
continuent de soutenir l’armée pakistanaise en tant que garant
de l’intégrité territoriale du Pakistan, le principal rempart
contre les masses populaires et l’instrument des intérêts impérialistes
américains le plus fiable dans cette région du monde.
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Publié le 19 novembre 2007 avec l'aimable autorisation du WSWS
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