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RPL France
Pourquoi
Général Michel Aoun au pouvoir ?
Bernard Mikael
Le général Michel Aoun - Photo Cape France
16
octobre 2007
Revue historique communautaire
Selon la Constitution libanaise, le Président de la République
est élu par la majorité des deux tiers des députés de la
Chambre au premier tour et à la majorité simple au deuxième
tour.
Or, depuis l’accord de Taëf, les pouvoirs du Président
maronite de la République ont été transférés au gouvernement,
présidé par un sunnite. Ce gouvernement est composé par une
moitié chrétienne et une autre musulmane,-chiite, sunnite et
druze-.
Depuis l’invasion syrienne du 13 octobre 1990 et l’exil forcé
du Général Aoun en France, deux présidents se sont succédés
au poste suprême, Elias Hraoui et Emile Lahoud.
N’ayant aucun poids au niveau de la représentativité populaire
et législative, les deux Présidents n’avaient plus aucune
influence sur le cours des événements. Ce qui a considérablement
augmenté l’effacement voire l’écrasement de la participation
chrétienne dans la vie politique libanaise. C’est la raison
principale pour laquelle les chrétiens, démoralisés, ont perdu
tout espoir ce qui a mené à l’immigration massive de la
population active.
Conséquence probablement voulue et planifiée pour faciliter
l’implantation des réfugiés palestiniens au Liban. Pays
communautaire, en conflit perpétuel, surpeuplé, la formule
actuelle du Liban ne permet pas l’implantation de 400.000 réfugiés
palestiniens sunnites. Cet élément changera la démographie et
l’équilibre confessionnel du pays. Les chrétiens étaient
toujours opposés à cette implantation –Guerre de 1975 à 1977.
Cela réduit davantage la proportion des chrétiens au Liban et
par conséquent leur rôle au pouvoir et donc leur existence.
.
La présence d’un Président fort à la tête de l’état rétablira
l’équilibre entre les trois grandes communautés représentant
de la mosaïque libanaise.
Malgré la loi électorale de 2005 dite loi Ghazi Kanaan et préparée
par le régime syrien pour assurer une représentativité conséquente
au Parlement libanais de Hariri et Joumblatt alors alliés stratégiques
de la Syrie, au détriment des chrétiens, le Général Aoun a
quand même pu remporter 69% des voix chrétiennes. Ce qui lui a
permis de s’affirmer comme étant l’homme fort de la scène
chrétienne et ainsi former, avec 22 députés élus,
confortablement, le deuxième plus grand bloc parlementaire après
celui du Courant du Futur de M. Hariri.
Par conséquent, la présence du Général Aoun à la tête de
l’Etat permettra la répartition rééquilibrée des Pouvoirs
entre les trois communautés, la stabilité et l’immunité du
Liban contre les tentatives de déstabilisations étrangères.
La composition des gouvernements au Liban est aussi communautaire
et proportionnelle aux blocs parlementaires. Sachant que le bloc
aouniste a 22 députés des 128 de l’Assemblée à son compte,
il doit être représenté par 4 ministres dans un gouvernement de
24 ministres et 5 ministres dans un gouvernement de 30.
La composition de la Chambre des députés permet de mieux
comprendre cette image :
- Bloc du Courant du Futur : 66 députés -à domination
sunnite-.
Courant du Futur : 36
Parti Socialiste Progressiste : 15
Forces Libanaises : 4
Kornet Chehwan : Phalanges Libanaises et Parti National Libéral
: 5
Bloc Tripolitain : 4
Mouvement du Renouveau Démocratique : 1
Mouvement de la Gauche Démocratique : 1
- Indépendant : 4
- Bloc Amal et Hezbollah -à domination chiite- : 35
Bloc de la Libération et du Développement (Amal) : 15
Bloc de la Fidélité à la Résistance (Hezbollah) : 14
Parti Social Nationaliste Syrien : 2
Autres : 4
- Bloc de la Réforme et du Changement : 22 (à domination chrétienne)
: 22
Courant Patriotique libre : 15
Bloc Skaff Zahlé : 5
Bloc Murr : 2
Total 127 -la place du député assassiné Antoine Ghanem étant
restée vacante-.
Donc, aucun bloc parlementaire ne possède à lui seul une majorité
des deux tiers (86 députés). Dans un environnement démocratique,
des alliances doivent se créer pour assurer l’élection présidentielle.
Les alliances et ententes à ce jour se résument à :
- Bloc de la Réforme et du Changement du CPL et deux indépendants
: 59 députés
- Bloc du Courant du Futur avec 2 indépendants : 68 députés
La majorité gouvernementale (i.e le bloc Hariri), et au lieu
de faire de nouvelles alliances avec les autres partis politiques
(Amal, Hezbollah ou le CPL) essaie de donner une fausse interprétation
de la Constitution libanaise en faisant supposer qu’en
l’absence de la majorité des deux tiers, le Parlement libanais
peut élire un Président à la majorité simple de 65 députés.
Cette décision est d’autant plus dangereuse, qu’elle permet
dorénavant à n’importe quelle communauté libanaise d’élire,
seule, un Président de la République, puisque le Parlement
libanais est constitué de 64 députés chrétiens et 64 députés
musulmans chiites et sunnites.
Vu la distribution des chrétiens sur le territoire libanais et à
cause de la loi électorale de 2005 imposée par les syriens, ils
ne sont pas capables d’élire leurs 64 représentants à la
Chambre des députés et donc l’élection du Président chrétien
reviendra ipso facto à la communauté musulmane. Cette situation
qui pose un risque d’équilibre des pouvoirs et un risque
existentiel pour les derniers chrétiens de l’Orient toujours
représentés au pouvoir de leur pays. En effet, la communauté
chrétienne est la seule qui garde un pouvoir institutionnel,
certes pour des raisons historiques. L’exemple des chrétiens de
l’Irak, de l’Egypte, de la Syrie montre bien quel peut être
l’influence et l’existence des chrétiens du Liban s’ils ne
sont plus représentés au Pouvoir.
Pourquoi Michel Aoun ?
L'état Laïc
La République ne peut exister si les lois ne sont pas respectées
et sont bafoués. La première équation était celle de Michel
Chiha, un des principaux rédacteurs de la Constitution du Liban,
ses idées ont profondément marqué la fondation de la ligne
politique et économique du Liban moderne, à savoir “celui qui
essaierait d’éliminer une confession libanaise du système
politique confessionnel prévalant, éliminera le Liban”.
Cet équilibrage du Pouvoir était depuis la création en 1926 de
l’Etat libanais, le seul garant de la stabilité. Néanmoins,
cette formule n’a pas concrètement achevé ses fins :
- En 1861 : conflit chrétien/druze dans le Mont Liban et
notamment au Chouf.
- En 1958 : révolution sunnite contre le pouvoir chrétien
représenté par l’homme fort de l’époque, le Président
Camille Chamoun, allié de l’Occident.
- En 1967, 1969 : déstabilisation du Liban en jouant sur le
sectarisme sunnite/chrétien.
- En 1975 : la guerre palestino-chrétienne au Liban. Après
l’intervention syrienne, la guerre devient
intercommunautaire et syro-chrétienne.
- En 1990 : Invasion syrienne, subtilisation des prérogatives
des chrétiens au profit de la communauté musulmane.
Il est aussi vrai que toutes ces guerres étaient
instrumentalisées par les puissances étrangères, les libanais
eux, n’étaient que les outils. Les mouvements indépendantistes
étaient toujours écrasés, comme celui du Général Aoun en
1990. Toutefois la méthode utilisée est toujours la même :
Jouer sur les « cordes » ou plutôt les « discordes » dans
l’appartenance communautaire des uns et des autres, chrétien/musulman/druze,
pour attiser les animosités, qui mèneront ensuite aux affronts.
Si la diversité communautaire fait la particularité si vantée
du Liban, elle peut aussi en faire sa faiblesse.
Le Général Aoun, à travers le Courant Patriotique Libre, forme
le premier parti politique d’envergure au Liban, qui se veut laïque,
transcommunautaire, qui regroupe dans ses rangs et à travers ses
alliances toutes les confessions. Le Général Aoun veut
transformer cette faiblesse en force, en respectant et étayant le
pluralisme libanais. Réclamant un Etat laïc, le Général Aoun
met l’accent sur les fondements d’un Etat de droit basé sur
la citoyenneté et non pas sur le confessionnalisme et le clientélisme.
Pro-syrien et anti-syrien
L’alliance des forces dites du « 14 Mars » a collaboré durant
28 ans avec l’occupant syrien, de 1978 jusqu’en 2005. A titre
d’exemple :
- En 2005, M. Joumblatt n’a pas demandé plus que le « redéploiement
» des forces syriennes dans le Békaa.
- En 2004, le Bloc Hariri a voté l’amendement de la
Constitution et la réélection du Président Lahoud.
- De même qu’en septembre 2004, Hariri et ses forces alliées
condamnent tous le Général Aoun pour avoir été à
l’origine de la résolution de l’ONU 1559. Ils refusent
l’application de cette résolution qui met fin à l’ingérence
et l’occupation syrienne du Liban.
- En 2003, Hariri et Joumblatt critiquent ouvertement
l’adoption du Congrès américain de la loi « Syria
Accountability and Lebanese Sovereignty Restoration Act of
2003 ». C’est encore Hariri et Joumblatt qui condamnent le
Général Aoun pour avoir été à l’origine de ce texte de
Loi, et pour laquelle il est traduit en justice; cette loi est
à l’origine de la résolution 1559. Joumblatt qualifiera
alors Mme Rice en ces termes : « son visage noir ressemble au
pétrole ». Ironie de la politique étrangère, M. Joumblatt
est aujourd’hui présent aux Etats-Unis pour rencontrer des
hauts responsables de la Pentagone…
Le Général Aoun, à la tête du CPL, est à l’origine du
mouvement du 14 mars. Cette date correspond au lancement de la
guerre de Libération contre l’occupant syrien en 1989. Depuis
cette date, les aounistes la célèbrent tous les ans par des
manifestations et sit-in dans le monde entier. Ces mouvements étaient
farouchement réprimés par tout l’Exécutif d’alors, avec à
son chef et pendant des années successives, feu le premier
ministre Rafic Hariri.
Rétablir les ponts
Depuis le retrait des troupes syriennes du Liban en avril 2005,
l’invasion de l’Irak et l’effritement de l’Etat irakien,
les ponts entre sunnites et chiites ne cessent de se rompre. La
confiance n’existe plus entre ces deux communautés au bord de
l’affrontement. Mus par leurs ressentiments dans ce tumulte général
de guerre, les sunnites libanais et non libanais massés au Liban,
se réarment pour faire face au Hezbollah et se réapproprier le
droit à la Résistance dont lui seul, armé depuis 1985 pour résister
à l’occupation israélienne du Sud Liban, s’est montré maître,
en leur raflant la popularité dans un monde arabe et musulman,
harcelé par la guerre menée par les USA contre le terrorisme, et
en quête de victoires.
Depuis le 6 février 2006, date de la signature de la feuille
d’entente avec le Hezbollah, le Général Aoun joue un rôle de
catalyseur et de soupape entre les deux grandes communautés.
Partant toujours du principe de l’équilibre communautaire pour
arriver à un Etat laïc, cette entente a réussi d’éviter
l’isolement du Hezbollah et donc, de la communauté chiite et éviter
ainsi une guerre civile entre les chiites d’une part et les
sunnites et druzes d’une autre part. Dans un pays grand comme
l’Ile-de-France, les chrétiens ne peuvent pas rester à l’écart
par la logique de la géographie et la distribution communautaire.
Le Général Aoun est la seule personnalité politique qui peut réconforter
le Hezbollah d’une part, et les exigences du « 14 Mars »
d’une autre part, vu qu’il est plus royaliste que les rois du
refus de toute occupation ou ingérence syrienne.
Statistiques
Et enfin, parce que tous les sondages, et ce depuis 2005, donnent
Michel Aoun favori, à plus de 50% des voix des Libanais. Le
premier vient loin derrière, souvent Nassib Lahoud ou Boutros
Harb, n’arrivant pas à cumuler plus de 10% des voix.
Par Bernard MIKAEL, Secrétaire Général du RPL France
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