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Parti communiste libanais
Dangereuses
tergiversations au Liban
Et préparatifs d’une nouvelle guerre israélienne
Marie Nassif-Debs 27
février 2008
Tergiverser »
est le verbe qui se conjugue le plus, depuis quatre mois, dans les
hautes sphères de la politique libanaise. Il est, en quelque
sorte, le mot d’ordre des leaders du « 14 mars »
mais aussi de ceux du « 8 mars », c’est-à-dire ceux
qui se prénomment « la majorité parlementaire » et
ceux qui ont pour titre « l’opposition ».
Les
premiers, poussés par les Etats-Unis (secondés par l’Arabie
saoudite et les pays arabes dits « modérés »),
veulent boucler la boucle des « victoires » enregistrées
dans les instances du pouvoir à la suite de l’assassinat de
l’ex Premier ministre Rafic Hariri, en élisant un président de
la République qui leur soit acquis corps et âme sans pour autant
céder aux revendications de leurs protagonistes sur le futur
gouvernement. Les autres, épaulés par la Syrie et l’Iran,
veulent récupérer des points perdus lors des élections législatives
de 2005, à travers un gouvernement qui leur garantirait le tiers
des voix (ce qui constitue, disent-ils, moins que « la part
de 45% » qu’ils détiennent au sein du parlement) et une
plus grande part aux décisions.
Au
milieu de ce chaos, où pointent, de temps en temps, des attentats
à la voiture piégée ou des événements sanglants vite réprimés,
le peuple libanais, tiraillé de toutes parts, ne sait plus où donner
de la tête. Surtout que l’avenir proche, qui coïncide avec la
dernière année du second mandat de G. W. Bush à la Maison
blanche, s’annonce fermé devant les solutions au Moyen Orient
et, aussi, que l’alliance politique au pouvoir depuis 2005 ne détient
plus des clés du pouvoir que celles que les Etats-Unis ont bien voulu
leur laisser. D’où les tergiversations…
Mais,
tergiverser pour aboutir à quoi et dans quel but ?
Là,
les attentes sont, paraît-il, nombreuses et diversifiées.
Certains
considèrent avec intérêt ce qui se passe dans la bande de Gaza,
avec l’aide du gouvernement de Mahmoud Abbas et de l’Egypte. Ils
espèrent que les violations par l’aviation israélienne du territoire
libanais et les préparatifs de l’armée israélienne sur la frontière
Sud du Liban ne sont que les préludes d’une nouvelle offensive,
généralisée, contre le Hezbollah et tous ceux qui veulent poursuivre
la résistance dans le but de libérer les territoires toujours occupés
dans les fermes de Chebaa et les hauteurs de Kfarchouba. Pour eux,
le rapport de la « Commission Winograd » est très explicite
à ce sujet, puisqu’il souligne bien clairement la nécessité pour
Israël de réorganiser sa « force de frappe politique et militaire »,
ce qui lui permettrait de dissuader ses voisins de penser à mener
« une attaque quelconque » et lui rendrait, par suite,
« sa position de leadership tout en obligeant ses ennemis à
accepter la pais qu’il leur propose ». Surtout que le rapport
ajoute expressément que « l’armée [israélienne] doit se
préparer à la guerre qui sera en se basant sur les enseignements
de celle qui fut [entendre l’agression de l’été 2006 contre
le Liban] » et qu’il saura, comme en 1982 et en 2006,
trouver l’alibi nécessaire à son agression.
D’autres
attendent les résultats concrets (et prochains) des pressions saoudiennes
et égyptiennes contre la Syrie, à la veille du Sommet arabe
qui se prépare (pour la fin du mois de mars) à Damas. Ce qui veut
dire que les menaces saoudiennes de boycotter le Sommet pourraient
être mises en exécution si la Syrie refuserait de faire pression
sur ses alliés libanais afin de les obliger à accepter l’initiative
de la Ligue arabe et que ce boycottage, lié à une situation explosive
au Liban, aurait ses répercussions sur la stabilité politique de
ce pays… On cite, dans ce sens, les déclarations du secrétaire
général de la Ligue arabe, Amro Moussa, concernant « les dangers
de la situation au Liban et ses répercussions sur la région
arabe. Parce que le Liban est un modèle réduit de ce qui se passe
dans la région ; et, il est possible d’appliquer ce modèle
dans tout le monde arabe. Ce qui veut dire que les fissures, déjà
présentes [entre Sunnites et Chiites], peuvent représenter, si elles
ne sont pas contrées, une menace directe contre tous les pays
arabes. Voilà pourquoi, nous appelons tous ceux qui ont une relation
quelconque avec la situation libanaise de se montrer responsables
avant qu’il ne soit trop tard »…
D’autres,
enfin, mais cette fois du côté de l’opposition, parlent de nouvelles
explosions, dans Beyrouth notamment. Ils disent que des « cellules
militaires » ont été formées par « des officiers appartenant
à un service de renseignements arabe » dans le but de déstabiliser
la situation intérieure libanaise au moment où Israël commencerait
son attaque généralisée contre le Hezbollah et ses alliés. Ce
qui annonce, à la lumière des déclarations d’un des leaders de
la majorité, ancien ami d’Israël, que des événements (venant
de l’intérieur et de l’extérieur) se préparent dans un avenir
proche (deux mois, dit cet ami d’Israël) dont le but sera de
neutraliser, en même temps, la Résistance libanaise et la Syrie.
Ce leader a, parait-il, précisé que l’attaque aura pour premier
objectif l’occupation de la région de la Békaa Ouest, région
stratégique pour le Hezbollah et, aussi, à quelques kilomètres
de Damas.
Et,
tandis que l’administration étasunienne réitérait ses directives
à « la majorité » libanaise de faire fi de la Constitution
et de procéder à l’élection d’un nouveau président de la République
à la majorité simple, tandis que le Secrétaire d’Etat britannique
aux Affaires moyen-orientales déclarait « avoir entendu, de
sources différentes », qu’il a omis de nommer, « que
le Hezbollah a construit des fortifications au nord du fleuve Litani
et refuse toute avancée vers l’élection d’un nouveau président »,
et que le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki Moon,
exprimait, dans une interview à la chaîne de télévision
« Al Arabiyah », son inquiétude de ce que le « vide
constitutionnel » puisse se prolonger au Liban, le chef du service
de renseignement de l’armée israélienne déclarait, le mardi 26
février, devant la commission des affaires étrangères à la
Knesset, que le Hezbollah tenterait prochainement de venger
l’assassinat d’un de ses leaders, Imad Moghniah, tué à Damas
par des « amis d’Israël ».
Est-ce,
là, « l’alibi » dont Israël usera pour légaliser
sa nouvelle guerre contre le Liban ? Y aura-t-il un nouvel ambassadeur
israélien trucidé, comme en 1982 à Londres
Marie
NASSIF-DEBS
(Beyrouth,
le 27 février 2008)
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