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Liban
Le Projet de George Mitchell :
« Un plan de paix » ou bien la préparation de guerres arabes ?
Marie Nassif-Debs
Samedi 12 septembre 2009
Avec le retour prochain de George Mitchell
au Moyen Orient, on a recommencé à parler du « plan de paix »
qu’il présenta, à la fin du mois de juillet, sur les bases du
discours de son président, Barak Obama, au Caire. Et les
déclarations se sont multipliées de la part des Israéliens et
des Arabes, à commencer par Benjamin Netanyahu et son ministre
de la guerre Ehud Barak, mais aussi Amro Moussa, secrétaire
général de la Ligue arabe, et Khaled Mechaal, chef politique du
Hamas.
Ainsi, Netanyahu, qui avait commencé,
dimanche passé, ses discours presque quotidiens par une décision
ambiguë selon laquelle il gèlerait la construction des colonies
en Cisjordanie, s’est vite rétracté en spécifiant qu’il
poursuivrait ses exactions à Jérusalem (Al Qods), tandis que son
gouvernement prenait la décision de donner le feu vert à la
construction d’une colonie au Nord du Jourdain, selon une
décision, dite stratégique, déjà prise par l’ex ministre de
guerre Amir Perets.
Quant aux Arabes, et aux Palestiniens en
particulier, ils sont divisés sur eux-mêmes, mme d’habitude,
entre ceux qui, comme Khaled Mechaal, pensent que la
« normalisation des relations avec Israël doit se faire après
qu’il ait accepté de mettre un terme définitif à la construction
des colonies » et ceux qui, comme Amro Moussa, trouvent que la
normalisation doit se faire, mais ne doit pas être « gratuite ».
Cependant les deux tendances ne disent mot sur le droit au
retour de tout le peuple palestinien et oublient de parler de la
nécessité d’une position unique et ferme en ce qui concerne
l’Etat palestinien et l’avenir d’Al Qods que Barak Obama
voudrait transformer en ville ouverte.
Paix provisoire et bombe à
retardement
Commençons, d’abord, par préciser le contenu
du « plan Mitchell », ainsi que ses différentes étapes et si les
Etats-Unis sont vraiment sérieux en ce qui concerne la mise en
avant d’une solution juste du problème palestinien ou si le
nouveau projet ira rejoindre d’autres, semblables, rédigés au
fil des ans, depuis les années Soixante du XX° siècle.
D’ailleurs, il est nécessaire pour nous d’ajouter que nous
partons, dans notre étude, de la vision pragmatique en politique
de la nouvelle administration étasunienne (en quoi elle ne
diffère pas de celle qui l’avait précédée, sauf sur le plan
formel) qualifiée par le quotidien israélien Haaretz comme étant
une « politique de boutiquier » qui accorde une étagère à l’Irak
et une autre au dossier nucléaire iranien… auxquelles nous
ajoutons une troisième consacrée à la Palestine. Mais, toutes
sont sous le contrôle partiel d’Israël, représentante du
boutiquier dans la région.
Commençons par le commencement.
La première étape déclarée met, si elle est
approuvée, la cause palestinienne sur la voie de la liquidation
finale :
•
Sur le plan palestinien,
elle projette « l’arrêt des actions et des déclarations
négatives » vis-à-vis d’Israël, en plus de « l’élargissement du
rôle des forces palestiniennes de sécurité » ; ce qui laisse
sous-entendre que les Palestiniens doivent mettre fin à toutes
activités de résistance contre Israël et s’abstenir de toute
déclaration à propos des massacres et des arrestations, qui sont
devenus leur pain quotidien… Bien plus, ce que George Mitchell
veut réellement de la part du gouvernement palestinien, c’est de
mettre la main à la pâte afin de couper la voie aux opérations
de résistance contre l’occupation israélienne. Par contre, il
n’est rien dit à propos de l’occupation militaire et économique
des territoires palestiniens ni des déclarations israéliennes
concernant un nouveau « transfert » des Palestiniens des
territoires de 1948, afin de judaïser ces territoires en vue du
nouveau projet : Israël, Etat des Juifs du monde.
•
Sur le plan israélien,
elle conseille « un gel temporaire dans la construction de
nouvelles colonies, accompagné d’une plus grande facilité sur le
plan économique dans les régions supervisées par l’autorité
palestinienne ». Dans cette phrase, l’adjectif « temporaire »
exprime la possibilité pour Israël d’obtenir, plus tard,
l’accord de Washington afin de poursuivre sa mainmise sur de
nouvelles terres palestiniennes. Surtout que le gouvernement
Netanyahu-Liebermann a obtenu que le sort des colonies érigées
dernièrement en Cisjordanie ne soit pas mis sur le tapis ; parce
que ce problème pourrait déclancher une guerre civile en Israël
et nuire, par suite, aux intérêts des Etats-Unis dans la région.
•
Sur le plan arabe,
cette étape prévoit « l’ouverture, au moins, de bureaux
commerciaux arabes en Israël ». Ce qui aboutit à dire que
l’administration d’Obama, qui avait déjà usé de l’argent arabe
pour endiguer, partiellement la crise économique qui sévit dans
son pays, voudrait aussi trouver une solution à la crise
économique israélienne dans la poche des gouverneurs arabes
toujours prêts à dilapider nos richesses pour sauvegarder leurs
régimes : ainsi, le Qatar et le Maroc ont tout de suite répondu
à l’appel en déclarant la réouverture de leurs bureaux à Tel
Aviv, qu’ils avaient fermés ( ?) lors de la dernière agression
israélienne contre Gaza ; de plus, on parle beaucoup de nouveaux
échanges entre Israël et d’autres pays arabes qui voient en lui
une possibilité de les secourir contre « l’ennemi iranien »,
quand l’occasion se présentera. D’ailleurs, la normalisation des
relations commerciales est moins difficile que l’échange
diplomatique, par exemple, vu qu’il suffit à quelques sociétés
arabes d’avoir des représentants dans certaines villes
israéliennes, selon le principe « ni vu, ni connu »…
Le rôle de la Turquie et les
engagements étasuniens
• En plus des
délégations commerciales
exigées de tous les Arabes, une autre condition est posée : la
reprise des négociations indirectes entre Damas et Tel Aviv. A
cet effet, notons le rôle joué par la Turquie, surtout qu’Ankara
tente de se montrer sous un jour « indépendantiste » vis-à-vis
de Washington, tant en ce qui concerne la solution du problème
de la région de Kirkuk, en Irak, (qui constitue, en fait, un
problème intérieur turc, tant sur le plan de la population
turkmène de cette région que sur le plan économique, surtout
pétrolier). Notons aussi la position du gouvernement turc qui
avait stigmatisé l’agression israélienne à Gaza, sans pour
autant faire de
véritables pressions sur Tel Aviv ou mettre des bâtons dans les
roues de l’OTAN. Parce que la Turquie a un besoin pressant de se
faire accepter au sein de l’Union européenne en tant que membre
à part entière, tout en continuant à jouir de la délocalisation
de milliers de sociétés européennes (celles de l’automobile et
de la confection, notamment) qui ont trouvé dans ce pays un
nouveau lieu pour gagner plus, tout en fraudant le fisc de leurs
pays d’origine.
• Enfin, il est
nécessaire de dire quelques mots en ce qui concerne les
promesses et engagements de ceux qui ont préparé le projet. Les
Etats-Unis se sont engagés sur trois points :
-Le premier consiste à donner une plus
grande militaire à Israël, y compris une plus grande
participation aux opérations de l’OTAN ; c’est sur cette base
que Tel Aviv fut présent aux dernières grandes manœuvres de la
fin du mois d’août et que les dirigeants de l’Union européenne
ont levé la consigne qui gelait la mise en exécution du traité
signé par Nicolas Sarkozy, durant sa présidence de l’Union, et
dont une des clauses considère Israël comme partie intégrante
des opérations militaires européennes, notamment sur le
continent africain…
-Le second, quant à lui, consiste de la
part des Etats-Unis à montrer une plus grande fermeté en ce qui
concerne le programme nucléaire iranien. Fermeté qui, selon le
ministre de guerre
Robert Gates, pourrait aboutir à des sanctions musclées et
décisives au mois de septembre, si Téhéran n’a pas répondu
favorablement aux propositions qui lui furent envoyées.
-Le troisième, enfin, promet à Israël une
normalisation ultérieure complète de ses relations avec les
Arabes ; laquelle commence à se faire sentir, tant à travers
l’ouverture du Canal de Suez devant les navires et les
sous-marins israéliens qu’à travers les dépêches annonçant une
prochaine ouverture du ciel arabe devant les avions et les
bombardiers israéliens. Cette dernière mesure, si elle est
prise, n’a pas seulement des répercussions sur le plan
économique, mais elle exprime le consentement arabe officiel au
plan que le gouvernement Netanyahu-Liebermann avait mis au point
pour porter un coup à l’Iran et, en même temps, au Liban sous
prétexte de contrer la force du Hezbollah lié à l’Iran.
La
situation des Arabes dans ce projet
Cette analyse nous pousse à nous demander
ce que les Arabes auront à gagner en contrepartie de leur
consentement à ce projet.
La réponse est : ils ont tout à perdre et
rien à gagner. Ils perdront la Cause palestinienne et, avec
elle, leur existence même. Parce que le discours du président
étasunien Barak Obama voulait démontrer qu’il n’existe pas une
nationalité arabe et que les Arabes constituent une partie du
monde musulman, en général, qui s’étend jusqu’en Afghanistan et
au Pakistan. Et, ce monde musulman, auquel on donne tantôt le
nom « Le Grand Moyen Orient » ou celui du « Nouveau Moyen
Orient », est un monde qu’il faudrait morceler, selon l’exemple
de l’Irak (suivi par le Liban et, maintenant, par le Yémen), en
groupuscules confessionnels et ethniques antagonistes ou, du
moins, en une mosaïque formant deux larges croissants, dont l’un
aurait une dominante chiite et l’autre une dominante sunnite… Ce
qui permettrait aux Etats-Unis de réaliser son projet général,
visant à une mainmise totale sur les sources d’énergie (pétrole
et gaz) dans toute la région allant des anciennes républiques
islamiques de l’ex Union soviétique jusqu'au Maghreb arabe, mais
aussi sur les routes de transport de cette énergie à travers la
Géorgie, la Turquie et Israël vers le monde, en général, et
l’Europe, en particulier.
Croire ce que disait Barak Obama sur la
volonté des Etats-Unis de trouver une solution juste avec le
monde arabe relève de l’utopie pure. Parce que si les Etats-Unis
voulaient une solution basée sur le respect et les intérêts
mutuels, pourquoi continueraient-ils à envoyer toutes ces armes
sophistiquées et toute cette aide militaire et économique à
Israël ? Surtout que George Mitchell n’a pas pu réaliser la
seule promesse qu’il avait tenue en parlant de la volonté de
Washington d’asseoir le cessez-le-feu à Gaza, en vue d’améliorer
la situation des habitants de cette région toujours encerclée.
Disons, enfin, que ceux qui ont trouvé dans
le projet de George Mitchell un indice positif, surtout à partir
de ses appels à revenir aux pourparlers entre les parties en
présence, s’illusionnent une fois de plus. Ce que les Etats-Unis
veulent, c’est tout simplement réorganiser leur présence (armée,
surtout) et celle de leurs alliés dans la région, et en premier
lieu l’allié israélien. Il n’est nullement question d’un retrait
total des troupes, ni hors de l’Irak, ni de l’Arabie saoudite ou
des bases érigées au Qatar ou au Kuweit. Ce que préconise
Washington, c’est une plus grande participation de l’OTAN et des
européens à ses projets guerriers. Voilà tout.
Et, si certains trouvent que c’est en
l’honneur de George Mitchell de tenter une solution de paix
durable entre les Palestiniens et les Israéliens, ainsi que dans
la région, à l’exemple de celle qu’il avait trouvée auparavant
pour résoudre une crise de 800 ans en Irlande, nous leur disons
que ce n’est ni Mitchell ni les Etats-Unis qui ont mis au point
la solution pour l’Irlande : Ils se sont contentés d’entériner
une paix voulue par les belligérants irlandais qui étaient
parvenus à l’idée qu’il fallait des concessions mutuelles pour
arriver à la paix ; ce qui n’est pas le cas d’Israël. Ni même
des Etats-Unis. Nous ajoutons que les intérêts en jeu dans un
pays agricole sont très différents de ceux où il est question de
pétrole et de gaz naturel.
Sur ces bases, il nous apparaît que le
soi-disant projet de paix mis au point par Mitchell n’est autre
qu’un projet de guerre entre Palestiniens et, aussi, entre les
différents pays arabes qui se verront divisés sur une illusion
mensongère, comme ils le furent du temps du projet de Rogers ou
de celui de Kissinger. Et, si certains gouverneurs arabes ou,
même, tous sont convaincus des avances qui leur sont faites,
dans un objectif de sauvegarder leurs régimes branlants,
pourront-ils tenir tête à leurs peuples le jour où Israël
déclarera Al Qods (vers laquelle a émigré le gouvernement
israélien) capitale de « l’Etat des Juifs dans le monde ».
Pourront-ils consentir à ce qu’Israël leur demande, à savoir :
nier le droit au retour du peuple palestinien ?
(Analyse parue dans le dernier numéro
d’An-Nidaa)
Le 12
septembre 2009
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