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RIA Novosti
Liban:
le patriarche maronite, arbitre de la dernière chance
Maria Appakova
Photo RIA Novosti
14 novembre 2007
L'élection présidentielle au Liban a de nouveau été reportée,
cette fois-ci, du 12 au 21 novembre. Il s'agit de la dernière
chance pour les hommes politiques libanais de trouver un accord,
car le mandat du président Emile Lahoud expire le 24 novembre.
Cependant, il sera très difficile de trouver un candidat
consensuel à la présidence.
Théoriquement, le nouveau chef de l'Etat doit réunir la
nation et mettre fin au chaos qui règne dans le pays. Mais la
situation autour des élections pourrait conduire au résultat
inverse: l'aggravation de la crise politique et la guerre civile.
Il ne semble pas y avoir au Liban d'homme politique qui puisse
convenir aussi bien à l'opposition qu'à la majorité
parlementaire. Les discussions à ce sujet qui se poursuivent
depuis quelques mois ont échoué. En fin de compte, les représentants
des deux groupes politiques ont demandé au patriarche maronite
Nasrallah Sfeir de proposer au parlement, avec d'autres leaders
maronites, quelques candidats consensuels au poste de président.
Conformément à la Constitution, le parlement doit élire un
président issu de la communauté maronite (une des Eglises
catholiques orientales). Mais les chrétiens libanais sont
aujourd'hui divisés en deux camps irréconciliables, de même que
le pays entier. S'ils ne parviennent pas à s'entendre, le vote au
parlement n'aura pas de sens.
Mais si le vote a lieu, une guerre civile aura lieu au Liban.
Le fait est que les dispositions de la Constitution qui déterminent
les modalités de l'élection du chef de l'Etat permettent à
chacune des parties de les interpréter en sa faveur. L'opposition
déclare que la victoire de tel ou tel candidat nécessite un
quorum de deux tiers des députés. La "coalition du 14
mars" au pouvoir (elle dispose de 68 mandats sur 127 au
parlement) estime qu'on peut se borner à la majorité simple. Si
la coalition emprunte cette voie, le Liban aura deux présidents
et deux gouvernements, ce qui, cela va sans dire, est contraire à
toutes les procédures constitutionnelles. De tels précédents
ont déjà eu lieu dans l'histoire de ce pays.
Une telle évolution des événements n'arrangerait ni les
Libanais, ni la communauté internationale, y compris ceux qui
participent directement aux intrigues politiques libanaises. La
"coalition du 14 mars" au pouvoir est soutenue par
l'Occident (en premier lieu, par la France et les Etats-Unis),
l'opposition avec à sa tête le Hezbollah bénéficie du soutien
de la Syrie et de l'Iran. L'ingérence extérieure joue un double
rôle: d'une part, elle aggrave certainement la situation, mais,
en même temps, aussi paradoxal que cela soit, elle joue un rôle
de facteur de dissuasion, car, sans l'approbation de Washington,
la majorité au pouvoir ne prendra probablement pas de mesures
extrêmes: c'est-à-dire qu'elle ne prendra pas le risque d'élire
un président sans s'être mis préalablement d'accord avec
l'opposition.
Le Liban se trouve, une fois de plus, dans une situation où
son destin est en train d'être décidé hors de ses frontières.
Même le plan de la dernière chance prévoyant la désignation de
candidats à la présidence par le patriarche a été élaboré à
Damas avec la médiation de Paris. Ce n'est pas par hasard que des
envoyés français se sont rendus ces derniers temps de plus en
plus souvent dans la région, supposent les médias arabes. Parallèlement
aux hommes politiques libanais, la Syrie et les Etats-Unis ont
recherché eux-aussi un compromis. A-t-il été trouvé? Le
patriarche réussira-t-il là où ont échoué les hommes
politiques? Et, c'est là l'essentiel, les candidatures qu'il
avancera seront-elles approuvées par tout le monde, aussi bien
par l'opposition que par la coalition au pouvoir, par Damas et
Washington?
On peut en douter. Néanmoins, il y a une raison d'être
optimiste: il s'agit de la possibilité de jouer un rôle
d'arbitre accordée au patriarche par les représentants des deux
camps opposés. Bien plus: il semble que les leaders des partis
chrétiens soient prêts à abandonner leurs propres ambitions
politiques. Ainsi, le général chrétien Michel Aoun, président
du Courant patriotique libre (CPL), mouvement d'opposition, a
laissé entendre que sa candidature au poste de président pouvait
ne pas être unique. "Nous ne disons pas: nous seuls et
personne d'autre. Au contraire, nous nous prononçons pour un
consensus sur une candidature, quelle qu'elle soit", a-t-il
dit. Nous n'avons l'intention d'écarter personne, mais nous ne
permettrons pas non plus qu'on nous écarte".
Certes, ces derniers mois, aussi bien la coalition au pouvoir
que l'opposition ont maintes fois juré de trouver un compromis.
Mais la déclaration de Michel Aoun comporte un détail de
principe: la mention même de la possibilité de l'élection d'une
autre personne, car, jusque-là, le général n'avait cessé de
souligner son désir de devenir président du Liban. Il est vrai,
il peut changer d'avis. De même que Washington qui, en cas d'échec
de "l'option patriarche", donnera carte blanche à la
coalition au pouvoir pour des "actions décisives".
N'importe quelle tournure des événements est possible au
Liban, mais l'évolution négative est plus facile à imaginer.
Pour l'empêcher, les Libanais auront besoin d'un miracle ou de la
providence divine. En ce sens, les prières du patriarche peuvent
s'avérer bien plus efficaces que la recherche d'une candidature
consensuelle à la présidence.
Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la
stricte responsabilité de l'auteur.
© 2007 RIA
Novosti
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