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Sadr City à Bagdad investi par
l’armée américaine
James Cogan *
Sadr City -
Photo Wikipedia
La semaine passée, les forces gouvernementales
américaines et irakiennes ont commencé à patrouiller régulièrement
dans la banlieue ouvrière densément peuplée et à forte
concentration chiite de Sadr City. Plus de 1 200 soldats ont
investi ce secteur de Bagdad depuis dimanche, fouillant les
habitations et établissant des points de contrôle pour les véhicules.
À ce jour, ils n’ont rencontré aucune résistance.
L’entrée des Etats-Unis dans Sadr City revêt
une grande importance. C’était un des principaux objectifs du déploiement
de plus de 17 000 soldats américains supplémentaires à
Bagdad. Ces renforts avaient été annoncés par le président
George Bush le 10 janvier. Après avoir fait avancer ses troupes,
l’intention du commandant américain en Irak, le général David
Petraeus, est d’établir des bases permanentes et d’imposer un
contrôle américain à plus de deux millions de personnes
habitant ce district.
Une étape potentiellement explosive de l’« intensification militaire »
de Bush en Irak est ainsi commencée. Sadr City a dans les faits
été une zone interdite pour l’armée américaine, à cause de
l’opposition de masse de la classe ouvrière irakienne à
l’occupation américaine. Sadr City est le bastion du mouvement
fondamentaliste chiite dirigé par l’imam Moqtada al-Sadr, qui a
établi sa popularité auprès des masses dans les années 1990 en
s’opposant à la fois au régime baasiste de Saddam Hussein et
aux sanctions onusiennes contre l’Irak. Après l’invasion américaine
de 2003, les partisans d’al-Sadr ont rapidement pris le contrôle
des banlieues chiites de l’est de Bagdad et formé une aile armée,
la milice de l’Armée du Mahdi.
En avril 2004, en réponse aux provocations
calculées des autorités de l’occupation américaine, des
milliers de combattants de l’Armée du Madhi ont pris les armes
et mené des batailles sanglantes contre l’armée américaine
dans Sadr City ainsi que dans les villes du Sud, Karbala et Najaf.
Les combats se sont conclus par un accord négocié dans lequel
les dirigeants sadristes ont accepté de participer au régime
fantoche des Etats-Unis à Bagdad. Le contrôle de Sadr City a été
laissé à l’Armée du Mahdi et à la police gouvernementale
loyale à Sadr.
Des centaines de millions de dollars ont depuis
été dépensés dans la banlieue pour des projets économiques,
en paiement aux sadristes pour avoir mis fin à leur courte rébellion.
Avec 30 députés, les sadristes sont apparus en 2006 comme la
plus grande faction au sein de la coalition chiite qui domine le
parlement irakien. Ils ont obtenu six ministères dans le
gouvernement du premier ministre Nouri al-Maliki.
L’Armée du Mahdi a été impliquée l’an
dernier dans une guerre civile avec les opposants musulmans
sunnites de l’occupation américaine et du gouvernement chiite.
La milice serait à la tête des nombreux escadrons de la mort
chiites qui pratiquent des assassinats sectaires et des expulsions
de la population sunnite de la ville.
La hiérarchie sadriste a démontré qu’elle
était prête à s’accommoder de la transformation de l’Irak
en un pays satellite des Etats-Unis. Néanmoins, des appels à la
destruction de son influence politique et à l’élimination de
l’Armée du Mahdi n’ont cessé de se faire entendre dans les
milieux politiques et militaires américains.
Les récriminations envers les sadristes découlent
principalement du caractère explosif de sa base sociale. Les
travailleurs et les pauvres de Sadr City sont violemment opposés
à la présence de troupes étrangères et aux plans visant à
laisser l’industrie pétrolière nationalisée être exploitée
par les grandes corporations transnationales de l’énergie.
Cette hostilité de classe est attisée par le chômage, la
malnutrition et l’insuffisance chronique des services et
infrastructures. Sadr et ses lieutenants expriment périodiquement
ces sentiments de masse par des dénonciations de l’occupation
américaine et des appels de pure forme à un échéancier pour le
retrait des troupes américaines.
Washington craint que, du fait des tensions si
intenses dans Sadr City, l’occupation américaine ne se trouve
confrontée à une autre rébellion de la classe ouvrière et des
pauvres chiites, dans des conditions où ses forces militaires se
sont avérées incapables réprimer l’insurrection dans les
zones à prédominance sunnite. L’Armée du Mahdi, qui comprend
entre 10 000 et 60 000 combattants potentiels, est perçue
comme une menace inacceptable.
Les demandes de répression contre les
sadristes se sont intensifiées au moment où l’administration
Bush accélère ses préparatifs d’une guerre contre l’Iran
chiite. Une attaque américaine contre leurs coreligionnaires
pourrait très bien provoquer un soulèvement des chiites
irakiens. L’« intensification militaire » à
Bagdad est, à bien des égards, une frappe préventive visant à
affaiblir l’Armée du Mahdi et positionner l’armée américaine
dans Sadr City pour toute confrontation avec la milice.
Jeudi, le Pentagone a annoncé qu’il avait
approuvé une demande d’envoi de 2 200 policiers militaires
américains en Irak afin d’aider à gérer les milliers de
futurs prisonniers résultant de l’intensification des opérations
dans Sadr City. En janvier, le gouvernement irakien avait soutenu
que plus de 400 miliciens sadristes étaient détenus. Il n’y a
pas eu par la suite d’autres rapports sur l’étendue des opérations
contre la milice.
Depuis sa nomination au poste de premier
ministre, Maliki a subi d’immenses pressions pour donner son
accord à une répression contre les sadristes — qui étaient
auparavant ses principaux alliés dans la coalition chiite. Son
refus persistant, durant toute la deuxième moitié de 2006,
d’accéder à ces demandes avait provoqué une série de fuites
et de déclarations indiquant que l’administration Bush et son
ambassadeur en Irak, Zalmay Khalilzad, planifiaient activement sa
destitution. En novembre dernier, lorsque Maliki avait ordonné
aux troupes américaines de retirer les barrages routiers
qu’elles avaient installés sur les principales routes menant à
Sadr City, l’éventualité d’un coup d’Etat était alors
plus que jamais sur toutes les lèvres.
Le premier ministre irakien a depuis reculé.
Son gouvernement a autorisé l’entrée des forces américaines
dans le bastion sadriste et aussi demandé que trois brigades
kurdes du nord de l’Irak soient envoyées pour prendre part aux
opérations à Bagdad. De nombreuses unités de l’armée
irakienne sont composées de soldats chiites qui pourraient se
mutiner si on leur ordonnait de combattre dans Sadr City.
La direction du mouvement sadriste a aussi manœuvré
pour éviter une confrontation. En février, Sadr a ordonné à
son mouvement de ne pas s’opposer à l’entrée des troupes américaines
et gouvernementales dans Sadr City. L’Armée du Mahdi, selon des
reportages en provenance de Sadr City, s’est effectivement terrée.
Les soldats américains qui sont entrés dans ce secteur de la
ville la semaine passée n’ont pas vu trace des miliciens qui
occupaient il y a peu des positions bien défendues aux
intersections et dans les principaux édifices. Le déploiement
initial aurait été négocié avec le maire de Sadr City. Des
rumeurs circulent selon lesquelles de nombreux dirigeants
sadristes auraient quitté le pays pour l’Iran, le Liban ou
d’autres pays du Moyen-Orient.
Toutefois, le calme actuel pourrait ne pas
durer longtemps. Sadr, qui n’avait pas fait d’apparition
publique depuis plus de trois semaines, a émis une déclaration
jeudi de Najaf appelant ses partisans à utiliser l’occasion
offerte par la fête religieuse de vendredi pour « exiger
que l’occupant quitte notre cher Irak pour que nous puissions
vivre en tout indépendance et stabilité ».
Plusieurs rapports indiquent que le
gouvernement Maliki se prépare à agir contre les dirigeants du
mouvement sadriste. Cette semaine, un conseiller du premier
ministre a informé Associated Press que Maliki avait
l’intention de congédier les ministres sadristes du
gouvernement. Le site Internet arabe KarbalaNews.net a
rapporté que le gouvernement irakien prépare des mandats d’arrêt
contre plusieurs parlementaires sadristes, les accusant de diriger
la violence sectaire. La dernière fois que l’occupation américaine
avait tenté de marginaliser les sadristes remonte à mars 2004.
Un mandat d’arrêt avait alors été émis contre Moqtada
al-Sadr et le journal du mouvement avait été fermé. Il s’en
était suivi un soulèvement armé à Bagdad et dans des villes du
sud du pays.
Il se peut qu’il y ait un motif supplémentaire
à l’opération américaine à Sadr City. Parmi les prétextes
fabriqués par Washington pour une guerre contre l’Iran, on
trouve les allégations non prouvées du gouvernement américain
selon lesquelles Téhéran fournit les milices chiites en armes et
en explosifs utilisés dans des attaques contre les troupes américaines.
Toute cache d’armes trouvée dans Sadr City pourrait ainsi être
utilisée pour accroître les tensions avec l’Iran et justifier
les demandes de riposte militaire américaine.
(Article original paru le 10 mars 2007)
* James Cogan, candidat du PES à
Heffron dans les élections du NSW
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