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Nouvelles d'Irak
Le nouveau
mystère de Halabja
Gilles Munier
Gilles Munier
Vendredi 9 juillet 2010
Bien que le massacre de Halabja ait été pendant plus d’une
décennie un thème de propagande anti-Saddam Hussein, le procès
de l’affaire s’est tenu en catimini (1), si bien que
personne ne sait réellement ce qui s’est vraiment passé les 17
et 18 mars 1988, dates de la bataille. En 2005, l’arrestation,
puis la libération, maquillée en évasion, de Tarik al-Azzaoui,
accusé d’être le pilote ayant gazé le village kurde, sont
curieusement passées inaperçues en Occident.
Pilote sur Mig 21 et Mirage F1 au début de la
guerre Iran-Irak, Al-Azzaoui qui se déclare « Turcoman
d’origine arabe », rejette l’accusation (2).
Gravement blessé en décembre 1984, lors de l’éjection de son
appareil en feu, il ne pouvait plus voler sur avions de chasse
et poursuivait sa carrière comme instructeur. Son carnet
de vol ne comporte pas de mention de mission les jours de la
bataille. Il passait donc le week-end en famille et affirme
n’avoir entendu parler du gazage qu’en 1991 pendant la courte
occupation de Kirkouk par les peshmergas.
Après la chute de Bagdad, Al-Azzaoui assurait la maintenance de
la base aérienne de Kirkouk pour le compte de la Compagnie
Parsons. C’est là que, le 3 février 2005, un capitaine
américain le livra à l’Asayish, agence de
renseignement kurde. Mis au secret à la prison Gushti, à
Soulimaniya, dans une cellule de 90 cm sur 190, torturé des
jours durant sans que personne ne lui présente de preuve de ce
dont on l’accusait, il finit par signer la confession réclamée.
Non seulement les juges du « Haut Tribunal irakien »
refusèrent d’enregistrer que ses aveux avaient été obtenus sous
la torture, mais ils le menacèrent de nouveaux interrogatoires
musclés s’il niait les faits dont on l’accusait, et l’obligèrent
à déclarer qu’il ne voulait pas d’avocat.
Le 28 octobre 2007, Seif al-Din Ali Ahmed, directeur de l’Asayish
à Soulimaniya, l’informa que le Président Talabani le libérait,
mais refusa de lui délivrer un document attestant de son
innocence. En décembre, la rumeur courant qu’il s’était évadé et
qu’on le recherchait, il quitta l’Irak avec sa famille. Malgré
la publication sur le site kurde Avene, en avril 2009,
de la lettre ordonnant sa libération (3), il s’estime
en danger. Réfugié en Europe, Tarik al-Azzaoui veut bien
témoigner devant un tribunal international, mais à condition de
ne pas être ensuite extradé en Irak. Il sait qu’au Kurdistan,
son cas fait polémique : le Goran, scission de l’UPK,
parti de Talabani, affirme que ce dernier a négocié sa
libération avec des parlementaires arabes en échange de sa
réélection à la présidence de la République.
Note :
(1)
Lire : Halabja, procès en catimini,
par Gilles Munier
http://www.france-irak-actualite.com/article-halabja-proces-en-catimini-43527829.html
(2)
An interview with combat pilot who is wanted for genocide in
Halabja
(PDF)
(3)
Copie de la lettre adressée par Jalal Talabani au directeur de
l’Asayish
à Soulimaniya
http://www.awene.com/Direje.aspx?Babet=Hemereng&jimare=521
Paru dans
Afrique Asie
– juillet 2010
© G. Munier/X.Jardez
Publié le 9 juillet 2010 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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