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Nouvelles d'Irak
Tarek Aziz
peut enfin parler
Gilles Munier
Gilles Munier
Vendredi 6 août 2010
Le journaliste Martin Chulov, de The Guardian, a pu
interviewer Tarek Aziz dans sa nouvelle prison (1), au
retour du Tribunal de la Zone verte où le régime de Bagdad l’a
impliqué dans une nouvelle affaire. C’est la première fois que
l’ancien vice-Premier ministre irakien est autorisé à s’adresser
à un étranger en dehors des geôliers du Camp Cropper, des
enquêteurs de l’ONU, de la CIA, du MI6…. et du juge français
Philippe Courroye.
Son seul regret :
s’être rendu aux troupes d’occupation
Visiblement affaibli par la maladie et « sept ans et quatre
mois » d’incarcération, il se présente comme un
« nationaliste arabe loyal » et nie toutes les accusations
portées contre lui. Il n’a jamais, dit-il commis de crime contre
des civils, des militaires ou des religieux. Sur des centaines
de plaintes déposées contre le régime baasiste, personne ne l’en
a d’ailleurs accusé nommément. En temps qu’ancien membre du
Conseil de Commandement de la Révolution (CCR),
vice-Premier ministre, ministre des Affaires étrangères, on peut
tout au plus évoquer contre lui une « culpabilité par
association ». Pendant 30 ans, il a défendu les positions
de son pays, même lorsque qu’il n’y était pas favorable. Cela
avait été le cas, en 1990, lorsque l’Irak a envahi le Koweït,
parce que cette décision débouchait sur une guerre contre les
Etats-Unis, mais que l’on ne compte pas sur lui pour émettre des
critiques. Ce n’est pas un opportuniste. L’heure viendra
peut-être pour lui d’écrire ses mémoires, et à ce moment là il
donnera sa version des évènements. Son seul regret, c’est de
s’être rendu aux troupes d’occupation, le 24 avril 2003. C’était
une décision grave, prise pour sauver sa famille qui a pu
quitter l’Irak pour Amman à bord d’un avion étatsunien. Quelques
jours plus tôt, il avait rencontré Saddam Hussein, dans le
quartier Mansour à Bagdad, pour lui réaffirmer son soutien, et
lui dire au revoir.
« L’Iran est notre pire ennemi »
Tarek Aziz rappelle que Saddam Hussein et lui avaient été
choqués par les attentats du 11 septembre et révèle que l’ancien
président irakien lui avait demandé de l’écrire à Ramsey Clark,
ministre de la Justice - Attorney general - sous le
Président Johnson et opposant à la guerre du Golfe. C’est à
partir de ces attentats qu’il est devenu évident que l’Irak
allait être envahi, mais il ne pensait pas que cela déboucherait
sur la chute de Bagdad 18 mois plus tard : «Bush et Blair ont
menti intentionnellement », dit-il, « Ils étaient tous deux
pro-sionistes. Ils voulaient détruire l'Irak pour le bien
d'Israël, non pas pour les États-Unis et la Grande-Bretagne ».
Dépositaire de tous les secrets du pays, notamment pendant la
période d’embargo, il savait que l’Irak n’avait ni armes de
destruction massive, ni programme pour en fabriquer. Tarek Aziz
a confirmé les déclarations de Saddam Hussein aux enquêteurs de
l’ONU, à savoir qu’il avait laissé planer le doute sur
l’existence d’un programme d’armement de l’Irak pour dissuader
l’Iran d’attaquer. « L’Iran est notre pire ennemi »,
dit-il. « Saddam était un homme fier. Son devoir était de
défendre la dignité de l’Irak ». A la question de savoir si
la fierté ne l’a pas emportée sur la sagesse, et si elle n’a pas
conduit à la destruction de son pays », il répond : « Nous
sommes Arabes, nous sommes nationalistes arabes. Nous devons
être fiers ». Aujourd’hui, l’Iran « développe un
programme d’armement. Tout le monde le sait et personne ne fait
rien. Pourquoi ? ».
« Obama laisse l’Irak aux loups »
Alors que tous ses amis craignaient pour sa santé depuis son
transfert du Camp Cropper, Tarek Aziz affirme qu’il est bien
traité. Tant mieux, et on espère qu’il en est de même pour ses
compagnons. Il dispose de l’air conditionné, des médicaments qui
lui sont prescrits et peut prendre l’air dans un petit jardin à
proximité de sa cellule. Il suit l’actualité de sa prison, à la
télévision, et est horrifié par ce qu’il voit : « Pendant 30
ans, Saddam a bâti l’Irak, et maintenant le pays est détruit. Il
y a plus de malades que dans le passé, plus de faim. Les
services étatiques n’existent plus. Des gens sont tués tous les
jours par dizaines, sinon par centaines. Nous sommes les
victimes de l’Amérique et de la Grande-Bretagne…(…)... Ils ont
tué notre pays ». « Quand Obama a été élu président, je
pensais qu’il allait corriger certaines erreurs de Bush.
Mais, c’est un hypocrite. Il laisse l’Irak aux loups ».
(2).
Un pas vers la
« réconciliation » ?
Dernièrement, le Haut tribunal irakien a libéré Khamis Sirhan
al-Muhammadi (3), ancien gouverneur de la province de
Kerbala - n° 54 des dirigeants les plus recherchés par les
occupants (4), faute de preuve à charge sur sa
participation à l’assèchement des marais du sud du pays. Au
moment où les Etats-Unis réduisent la présence de leurs troupes
en Irak, et où il est question d’un soi-disant gouvernement
d’union nationale, cette opération de communication décidée par
Nouri al-Maliki marque-t-elle un pas dans le processus dit de
réconciliation voulu par les Etats-Unis ? En tout cas,
l’événement ne déplait pas à Iyad Allaoui. Quand il a appris que
The Guardian allait interviewer l’ancien vice-Premier ministre,
il a fait dire au journaliste : « Dites à Tarik Aziz qu'il
est mon ami et que je pense souvent à lui. C’est un homme bon…
C’est une erreur de le garder enfermé depuis si longtemps».
Facile à dire aujourd’hui : s’il l’avait libéré entre mai 2004
et avril 2005, lorsqu’il était au pouvoir, l’Irak n’en serait
sans doute pas là.
Notes :
(1)
Tariq Aziz: 'Britain
and the US killed Iraq. I
wish I was
martyred
http://www.guardian.co.uk/world/2010/aug/05/iraq-us-tariq-aziz-iran
(2)
Saddam Hussein deputy
Tariq Aziz
calls for US forces to stay in Iraq
http://www.guardian.co.uk/world/2010/aug/05/tariq-aziz-interview-iraq
(3)
Saddam regime commander on US most wanted list released from
Iraq prison after 6 years
http://www.brandonsun.com/world/breaking-news/former-militia-commander-from-saddams-regime-released-from-iraq-prison-after-6-years-99926684.html?thx=y
(4)
Khamis Sirhan
al-Muhammadi, membre du Commandement
régional du parti Bass, un des dirigeants de la résistance dans
la province d’Al-Anbar, a été arrêté
le 11 janvier 2005 contre le versement de 1 million de dollars à
un informateur.
http://www.foxnews.com/story/0,2933,110311,00.html
© G. Munier/X.Jardez
Publié le 13 août 2010 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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