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La justice terroriste dans l'impasse
Le rapport de la FIDH sans
concession pour la justice française
Yvan Colonna
Mardi 30 juin 2009
La Fédération internationale
des ligues des droits de l´Homme (FIDH) a mandaté trois
observateurs pour suivre l´audience du procès en appel d´ Yvan
Colonna poursuivi principalement pour l´assassinat du Préfet
Erignac : Alya Chammari, avocate tunisienne,
Roland Kessous, magistrat
honoraire français et Eric Gillet, avocat belge. Ce procès
s´est déroulé en application des lois de fond et de forme en
vigueur en matière de terrorisme.
Depuis 1999, la FIDH dénonce cette législation qui autorise
des poursuites pour participation à une association de
malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme.
Cette loi permet d´incriminer des intentions et non des
actes. La garde-à-vue peut atteindre 96 heures, l´avocat
n´intervenant qu´à la 72ème heure. L´expérience démontre que
les juges d´instruction spécialisés instruisent plus à
charge qu´à décharge. Aucun des membres de la Cour d´assises
spécialement composée par des magistrats choisis par le 1er
Président de la Cour d´appel ne peut être récusé.
La Cour d´assises statue à la majorité simple par un arrêt
non motivé en se fondant exclusivement sur l´intime
conviction, disposition spécialement conçue pour le jury
populaire et non pour des magistrats professionnels.
Les poursuites diligentées contre Yvan Colonna ont illustré
les dérives que permet cette législation. Plusieurs services
de police sont intervenus, gendarmerie, police judiciaire,
DNAT, sans grande coordination entre eux, euphémisme pour ne
pas dire qu´ils étaient en compétition. Un Préfet a même
diligenté une enquête personnelle en dehors de tout cadre
légal.
La mise en cause d´ Yvan Colonna par les membres du commando
qui ont participé à l´assassinat du Préfet, a été obtenue au
cours de garde-à-vues dans des conditions contestées par la
défense et a fait l´objet de rétractations ultérieures. Au
cours de l´instruction menée par les trois magistrats
instructeurs spécialisés, les nombreuses demandes d´actes
présentées par la défense ont été rejetées. Aucune
reconstitution des faits n´a été effectuée sur le lieu du
crime.
En outre, le choix
procédural des juges d´instruction d´ouvrir deux dossiers
distincts relatifs à l´assassinat du Préfet Érignac, en
mettant en examen Yvan Colonna uniquement dans l´un d´entre
eux, ne pouvait que porter gravement atteinte aux droits de
la défense.
Le procès équitable est caractérisé par le respect des
formes de procédure qui permettent de fonder la légitimité
de la décision finale. Ces formes doivent également
permettre d´éviter que l´accusé puisse avoir l´impression
d´une justice arbitraire et peu transparente. Tels sont les
termes utilisés par la Cour européenne des droits de
l´Homme.
Or, à l´audience d´appel, plusieurs incidents ont permis de
mettre en doute le caractère équitable du procès.
Le Président n´a pas
communiqué aux parties une lettre importante d´un témoin
indiquant que des membres du commando ayant participé à
l´attaque de la gendarmerie de Pietrosella et à l´assassinat
du Préfet Érignac n´avaient jamais été entendus, ainsi qu´un
certificat médical d´un policier ayant eu un rôle
déterminant dans la mise en cause d´Yvan Colonna. Dans la
conduite de l´audience, le Président ne s´est pas appesanti
sur les témoignages favorables à l´accusé.
La Cour d´assises a enfin refusé d´ordonner la
reconstitution des faits à nouveau demandée par l´accusé.
Celui-ci a déduit de ces éléments que la Cour n´était pas
impartiale et a finalement décidé de quitter l´audience et
de récuser ses avocats.
L´absence de l´accusé et de ses défenseurs a eu pour
conséquence de déséquilibrer le déroulement de l´audience de
manière radicale. Un procès sans contradiction fait peser
sur le Président de la Cour d´assises une obligation
particulière de mener les débats avec la plus grande
impartialité et ce d´autant plus qu´Yvan Colonna avait été
désigné dès son arrestation en qualité de coupable par le
ministre de l´Intérieur, devenu président de la République.
En matière pénale, la discussion publique des éléments à
charge recueillis contre l´accusé est une condition
indispensable pour qu´intervienne une décision juste et
équitable. Force est de constater que tel n´a pas été le
cas.
Le choix délibéré d´Yvan Colonna de quitter l´audience,
motivé par le sentiment exprimé dès le premier jour qu´il se
trouvait en présence d´une juridiction déterminée à le
condamner, ne peut que susciter un sentiment de malaise sur
la condamnation intervenue.
En raison des polémiques suscitées par le déroulement de
l´audience, le défaut de motivation de l´arrêt rendu, certes
conforme au droit actuel, confirme la nécessité d´une
réforme rapide pour que les magistrats professionnels
exposent les raisons de leur décision.
Dans un arrêt prononcé le 13 janvier 2009, la Cour
européenne des droits de l´Homme a jugé que, sans un résumé
des principales raisons pour lesquelles la Cour d´assises
s´est déclarée convaincue de la culpabilité de l´accusé,
celui-ci n´est pas à même de comprendre – et donc d´accepter
– la décision de la juridiction.
Il en va de même vis-à-vis de l´opinion publique.
Il ne nous appartient pas de nous prononcer sur le système
de défense choisi par l´accusé, ni sur sa culpabilité. Mais
on se doit de constater que le déroulement du procès est
l´illustration de l´impasse où se trouve la justice lors de
l´application de toute législation d´exception, spécialement
eu égard aux exigences de l´article 6 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l´Homme, qui
mentionne que toute personne a droit à ce que sa cause soit
entendue équitablement par un tribunal indépendant et
impartial dans le respect de l´égalité entre l´accusation et
la défense.
Ce procès soulève une fois de plus la question du maintien
de cette justice d´exception.
Karine Appy/ Gaël
Grilhot : + 33 1 43 55 25 18 / + 33 1 43 55 90 19 / + 33 1
43 55 14 12
Vous pouvez lire le rapport
intégral de la FIDH en cliquant sur le lien ci-dessous
http://www.ldh-corsica.org/jahia/Jahia/
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