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U RIBOMBU
Jean-Guy Talamoni - CNI
Photo U Ribombu
Pour la première fois depuis 20 ans, les indépendantistes sont
réunis pour relever ensemble les défis lancés à la nation. Après
une phase de réconciliation qui a commencé il y aura bientôt dix
ans, le 3 juillet 1999, avec la signature du protocole de
Migliacciaru, nous sommes enfin parvenus au bout du chemin. 20
années de marche en ordre dispersé : que de temps perdu, me
direz vous.
Certes. Que de gâchis. C’est incontestable. Mais la voie que
nous avons empruntée à Migliacciaru, en 1999, a fini par nous
conduire ici, tous ensemble, à Corti, dans notre capitale
historique, et ça, c’est déjà une victoire. Il a fallu pour cela
faire appel à ce qu’il y a de meilleur en nous. Cette victoire
sur nous-mêmes, sur nos suspicions d’hier, sur nos rancœur
d’avant-hier, sur les hésitations que nous pouvions avoir encore
il y a peu, cette victoire, nous voulons la dédier à tous ceux -
je dis bien à tous ceux - qui ont donné leur vie pour la nation,
quelle que soit la formation à laquelle ils ont appartenu.
Nous voulons, ici et aujourd’hui, les honorer tous. Par ces mots
qui n’ont rien d’anodin et que nous avons longuement médités
avant de les prononcer, nous scellons notre réconciliation et
notre unité retrouvée. Nous pensons également à tous ceux qui
suivent fiévreusement nos travaux, par le journal, du fond de
leur cellule. Ils ne sont pas spectateurs à distance de cette
nouvelle démarche, mais pleinement partie prenante. Nous saluons
enfin les militants qui ont choisi la forme de lutte la plus
difficile. Notre solidarité politique, qui leur est acquise
depuis tant d’années, est indéfectible. Nous voulons enfin
remercier nos invités internationaux qui ont accepté d’être les
parrains de cette nouvelle démarche, et qui nous aideront à
faire passer de l’autre côté de la mer un message clair, message
qui fait écho au cri de tant de nationaux depuis deux cent
cinquante ans : A Corsica ùn hè micca un coppiu di dipartimenti
francesi, hè una nazione vinta chì hà da rinasce. En deux cent
cinquante ans, tout a changé, en Corse comme ailleurs. Tout,
sauf une chose, la volonté des dirigeants français de faire
disparaître notre peuple. «La cage sans les oiseaux» n’a pas
seulement été la devise de Mussolini. C’est le mot d’ordre,
depuis toujours, de la politique française en Corse. Au XVIIIe
siècle, l’instrument de cette politique était la guerre, le fer
et le feu. Aujourd’hui, même si Paris n’a pas renoncé à sa
présence militaire et à la répression brutale, ses armes
favorites contre notre pays sont la démographie et
l’accaparement économique.
La démographie :
Chaque année, 4000 étrangers débarquent en Corse pour s’y
installer. Ceux qui viennent de France arrivent bien souvent
pour prendre des fonctions à responsabilités, alors même que ces
postes pourraient être occupés par nos jeunes diplômés, en
particulier ceux qui sortent de l’Université de Corti.
Pendant que des étrangers s’installent comme chefs de service ou
dans d’autres fonctions d’encadrement, de trop nombreux Corses
ont le choix entre l’exil et la précarité. Cette situation,
inadmissible, est le fruit d’une politique délibérée, visant à
noyer notre communauté nationale sous le flot de nouveaux
arrivants. Les nationaux corses ont toujours eu une conception
ouverte du peuple corse, composé de Corses d’origine et de
Corses d’adoption.
Cette conception du peuple corse, qui n’a aucunement vocation à
changer, ne concerne pas ceux qui arrivent en pensant que la
Corse c’est la France. Elle ne concerne pas ceux qui sont les
instruments d’une politique de substitution ethnique voulue par
Paris. Notre conception du peuple corse ne concerne pas ceux qui
arrivent en uniforme, ni ceux qui viennent pour nous commander
sur notre terre. En un mot, notre sens atavique de l’hospitalité
ne nous fera pas accepter d’être chassé de notre propre pays.
Ceux qui sont venus en amis ont toujours été bien accueillis,
quant à ceux qui viennent en conquérants, nous estimons que le
mieux qu’ils aient à faire et de reprendre le bateau dans
l’autre sens.
Photo U Ribombu
L’accaparement économique :
Aujourd’hui, une gigantesque OPA a été lancée sur la Corse : des
multinationales s’emparent de secteurs économiques stratégiques,
les spéculateurs font main basse sur notre terre.
Progressivement, le système politique français prépare
l’avènement en Corse d’un nouveau pouvoir, tout aussi étranger,
mais cette fois de nature financière.
Notre pays a connu une situation identique au XVe siècle,
lorsque Gênes avait confié l’administration de l’île à la banque
de Saint Georges, de sinistre mémoire. Aujourd’hui, dans sa
funeste démarche, la France a trouvé des complices corses : Ceux
qui parlent de «désanctuariser» leur propre pays. Ceux qui
élaborent un PADDUC livrant la Corse à la spéculation. Au XVe
siècle déjà, certains Corses avaient contribué à préparer la
main-mise de l’Office de Saint Georges.
Probablement, comme ceux qui sont aujourd’hui à la
manœuvre, y
ont-ils trouvé leur compte. Car c’est bien l’intérêt personnel
qui incite ces élus à mettre la Corse à l’encan. Per u corpu
vendenu l’anima. Ils font penser à cette caricature de dictateur
latino-américain d’un roman de Garcia Marquez.
Ce dictateur, cupide et ignorant, avait vendu jusqu’à la mer de
son pays à une puissance étrangère. Soyez assurés que si
quelqu'un avait fait une telle proposition à nos élus, ils
auraient modifié leur PADDUC en conséquence !
Redevenons sérieux : cet accaparement économique est déjà bien
avancé et seul un mouvement indépendantiste fort et organisé est
susceptible de l’enrayer.
Nous en arrivons à la démarche que nous portons aujourd’hui sur
les fonts baptismaux : la refondation du mouvement
indépendantiste. Tout d’abord, il nous faut parler de
l’indépendantisme.
Etre indépendantiste corse, ce n’est pas une posture
idéologique. L’indépendance, ce n’est pas un slogan.
L’indépendance, nous en sommes convaincus, est la réponse
appropriée aux problèmes de la Corse d’aujourd’hui.
Nous avons commencé à travailler, de façon approfondie, sur un
projet économique d’indépendance, et consulté, pour ce faire,
des experts corses et internationaux. Il nous ont confirmé ce
que nous savions déjà instinctivement : l’indépendance est le
seul moyen d’enrichir la Corse. L’échec de la politique
française dans notre pays est patent, et les choses ne vont
guère s’améliorer. Si un premier ministre français a choisi de
venir en Corse pour annoncer que l’Etat français était en
faillite, ce n’est certainement pas innocent. Il aurait pu le
dire de Paris ou de Lyon. Il l’a dit en Corse et le message est
facile à déchiffrer : les restrictions vont s’appliquer
prioritairement à notre pays. Ainsi, les miettes recueillies par
nos élus, en vertu du mensonge de la fameuse «solidarité
nationale», vont encore diminuer de volume et, pendant ce temps,
nous allons continuer à payer nos impôts au Trésor public
français et notre épargne va continuer à être détournée vers la
France. Très vite, l’indépendance deviendra la seule solution
économique raisonnable, elle sera notre planche de salut. Les
clanistes en seront pour leurs frais, eux dont la devise,
empreinte de délicatesse, était «Munghje Marianna !»
Observons au passage à quoi tenait leur amour pour la France :
Munghje Marianna ! Eri, ùn ci era tant’affare à munghje, è avà
ci ne serà ancu di menu. Les indépendantistes - qui n’ont jamais
eu pour projet de traire Marianne, mais plutôt de s’en
débarrasser - devront s’attacher à convaincre un plus grand
nombre de Corses que l’indépendance est à la fois le choix du
cœur et celui de la raison. Mais à côté de ce projet
d’indépendance, dont il faudra poursuivre l’élaboration, nous
devrons nécessairement formuler des propositions transitoires
pour juguler les fléaux qui nous assaillent, en matière
d’emploi, de précarité, de foncier.
S’agissant également du déclin de la langue corse, notre langue
nationale, le sanctuaire de notre identité… Déjà, des
propositions réalistes sont élaborées, dans les secteurs les
plus divers, qu’il s’agisse d’agriculture, de tourisme,
d’éducation ou de santé publique… Dans les mois qui viennent,
les indépendantistes devront formuler leurs propositions et leur
feuille de route pour sortir de la crise. Mais pour le faire
avec force et de façon crédible, il faudra parler d’une même
voix et créer l’instrument unitaire dont la Corse a besoin pour
assurer la défense de ses intérêts. Car seuls les
indépendantistes unis sont capables d’affronter les forces
considérables qui travaillent aujourd’hui contre la Corse et les
Corses. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes
résolument engagés dans une refondation du Mouvement
indépendantiste. Corsica Nazione Indipendente réaffirme
solennellement sa décision d’entrer pleinement dans cette
démarche de refondation. Nous conclurons par un message à la
société corse : Depuis plusieurs décennies, les indépendantistes
se sont attachés à défendre cette terre, à arrêter la main de
ceux qui voulaient la défigurer. Ils ont préservé le peuple
corse, sa culture, sa manière de participer au monde, qui serait
déjà de l’histoire ancienne sans les sacrifices consentis.
Ils ont commis des erreurs. Quelle action humaine en est exempte
? Mais ils ont tout donné, parfois jusqu’à la vie. Aujourd’hui,
aucun autre courant politique ne peut se prévaloir d’un tel
attachement à notre communauté et d’une telle détermination à la
défendre.
Devant les menaces qui se profilent devant nous, devant le
travail de construction qui nous attend, il nous faut un outil
fiable et solide. C’est cet outil que nous nous proposons de
construire. Avec tous les Corses inaccessibles au découragement.
Avec tous ceux qui ne peuvent envisager le renoncement. Avec
tous ceux qui veulent laisser aux nouvelles générations la terre
bénie des dieux dont nous avons hérité.
Evviva u populu corsu ! Evviva a Nazione !
© U Ribombu
Internaziunale — 2008
Publié le 1er octobre 2008 avec l'aimable autorisation d'U
Ribombu
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