Corse
Réunion Assises du Foncier - Jeudi 24 février 2011 :
Contribution de Jean-Guy Talamoni au nom du groupe Corsica
Libera
Jean-Guy Talamoni - Photo Alta Frequenza
Samedi 26 février 2011
Au terme de la série de
réunions consacrées au diagnostic, force est de constater que le
problème majeur est constitué par l’augmentation des prix de
l’immobilier. Celle-ci met hors de portée des ménages corses
l’accession à la propriété, et même la location puisque la
hausse du prix d’achat du foncier ne peut manquer d’avoir,
mécaniquement, de graves conséquences sur le montant des loyers.
Par ailleurs, l’abrogation
de l’arrêté Miot du 21 prairial an IX relatif aux droits de
succession va encore aggraver la situation à cet égard : les
familles corses se trouveront très souvent dans la nécessité de
vendre leurs biens pour acquitter ces droits.
Cette situation alarmante
compromet manifestement la présence même des Corses sur l’île,
ces derniers n’étant plus en mesure de se loger dans leur propre
pays.
À cet égard, le constat a
été fait de façon commune, tant au sein de l’atelier
« logement » qu’au cours des réunions de l’atelier « foncier »,
les deux questions étant du reste indissolublement liées.
Le logement social
Chacun s’accorde à
reconnaître que les logements sociaux ne sont pas suffisamment
nombreux et qu’il convient de porter remède à cette situation.
Toutefois, il ne s’agit ici que d’une partie de la question
puisque personne ne saurait prétendre que les Corses ont
vocation à occuper exclusivement des HLM : ils doivent bien
évidemment avoir accès à toutes les catégories de logements.
La fiscalité
La fiscalité est assurément
un instrument puissant au service des politiques publiques.
Toutefois, en la matière, bien que ce moyen ait été évoqué par
certains élus comme une possibilité, il ne saurait être de
nature à traiter le problème. En effet, compte tenu de l’état de
fortune des acheteurs étrangers intervenant actuellement en
Corse, ils continueront sans aucun doute à acquérir des biens
même dans un cadre fiscal différent, se soumettant au besoin –
et sans la moindre difficulté – à une taxation importante des
transactions. Par ailleurs, une telle taxation supposerait déjà
la définition d’un statut de citoyen ou de résident corse
ouvrant droit à exonération, sauf à taxer également les Corses
et à aggraver ainsi leur situation !
Comme on le voit, la
solution fiscale, dont l’efficacité est plus que douteuse, ne
permet pas de faire l’économie d’un débat sur la citoyenneté ou
la résidence.
Les documents d’urbanisme
Il convient bien entendu de
tenir compte de la situation précédemment décrite dans la
rédaction des documents d’urbanisme.
Toutefois, comme l’ont fait
remarquer plusieurs élus, les PLU ne sauraient empêcher les
acheteurs fortunés de faire main basse sur l’immobilier
insulaire. Dès lors, la solution ne peut être technique, mais
uniquement de nature politique (cf. notamment à cet égard
l’intervention de Monsieur Jean-Baptiste LUCCIONI, maire de
Pietrosella, lors de la réunion des assises du 13 janvier 2011 à
Corti).
La solution politique : citoyenneté ou résidence corse
Cette solution existe déjà
en Europe (cf. îles Aaland). Par ailleurs, elle n’est nullement
incompatible avec le droit public français. Il suffit pour s’en
convaincre de lire le projet de loi constitutionnelle relatif à
la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie, élaboré il y
a quelques années et présenté aux parlementaires français, qui
prévoyait une citoyenneté locale produisant des effets dans les
domaines suivants:
« l'accès à l'emploi, le droit d'établissement pour l'exercice
d'une activité économique, l'accession à la propriété
foncière. » (Rapport sur le projet de loi
constitutionnelle relatif à la Polynésie française et à la
Nouvelle-Calédonie, par Mme Catherine Tasca, députée, Assemblée
nationale, Paris, 1999, p.32).
S’agissant de la question
foncière, elle pourrait être traitée en Corse à travers un tel
dispositif, fondé sur 10 ans de résidence à titre permanent
(sauf pour la diaspora), qu’il soit baptisé « citoyenneté » ou
« résidence ».
Cette solution, qui
constitue à ce jour la seule proposition sérieuse formulée,
permettrait de voir les prix de l’immobilier revenir au niveau
qui était le leur il y a 10 ou 15 ans.
Conclusion : ne pas se tromper de débat
Il s’agit ici d’une
question très concrète et très pratique : comment permettre aux
Corses de ne pas être chassés de leur terre par des étrangers
fortunés ? Si à cette question une meilleure réponse que la
nôtre était formulée à l’occasion de ces assises, nous la
soutiendrions sans réserve.
Mais si tel ne devait pas
être le cas, les élus de l’île rejetant notre proposition pour
des raisons purement idéologiques prendraient alors de lourdes
responsabilités politiques, en privant leur propre peuple de
tout avenir sur sa terre.
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