Un groupe de leaders religieux, représentant les principales les
confessions chrétiennes (à l’exception des Églises évangéliques
anglo-saxonnes), demande aux théologiens de ne pas légitimer les
injustices faites aux Palestiniens. Ils rappellent le devoir des
fidèles de résister au mal et les appellent en particulier à
participer au boycott des produits israéliens. En outre, ils
dénoncent la définition juive de l’État d’Israël et appellent au
respect de tous.
Un moment de vérité :
Une parole de foi, d’espérance et d’amour venant du cœur de la
souffrance palestinienne
Nous, un groupe de Palestiniens
chrétiens, après avoir prié, réfléchi et échangé devant Dieu sur
l’épreuve que nous vivons sur notre terre, sous occupation
israélienne, nous faisons entendre aujourd’hui notre cri, un cri
d’espoir dans l’absence de tout espoir, uni à notre prière et à
notre foi en Dieu qui veille, dans sa divine Providence, sur
tous les habitants de cette terre. Nous inspirant du mystère de
l’amour de Dieu pour tous et de celui de sa présence divine dans
l’histoire des peuples et, plus particulièrement, dans celle de
notre terre, nous voulons dire aujourd’hui notre parole, comme
chrétiens et comme Palestiniens, une parole de foi, d’espérance
et d’amour.
Pourquoi maintenant ? Parce que le drame du peuple
palestinien est arrivé, aujourd’hui, à une impasse, et que ceux
qui peuvent prendre les décisions se contentent de gérer le
conflit au lieu d’agir sérieusement pour le résoudre. Cela
remplit les cœurs des fidèles de peine et de questionnements :
que fait la communauté internationale ? Que font les chefs
politiques en Palestine, Israël et dans le monde arabe ? Et, que
fait l’Eglise ? Car il ne s’agit pas simplement d’une question
politique, mais, plutôt, d’une politique qui détruit la personne
humaine. Et cela concerne l’Eglise.
Nous nous adressons à nos frères et sœurs dans nos Eglises
ici, dans cette terre. De même que nous adressons notre appel,
en tant que Palestiniens et en tant que chrétiens, à nos chefs
religieux et politiques, à notre société palestinienne et à la
société israélienne, aux responsables de la communauté
internationale et à nos frères et sœurs dans les Eglises du
monde.
1. La réalité
1.1 “Ils disent ‘Paix ! Paix !’ et il
n’y a point de paix” (Jr 6,14). Tous en effet parlent de paix et
de processus de paix au Moyen-Orient, alors que tout cela n’est
jusqu’à maintenant que pures paroles. Alors que la réalité est
l’occupation israélienne des Territoires palestiniens, notre
privation de notre liberté et tout ce qui en résulte :
1.1.1 Le mur de séparation, qui a été construit sur les
terrains palestiniens, en a confisqué une grande partie, a
converti nos villes et nos villages en prisons et en a fait des
cantons séparés et dispersés. Gaza, après la guerre cruelle
déclenchée par Israël en décembre 2008 et janvier 2009, continue
à vivre dans des conditions inhumaines, sous embargo permanent
et reste isolée géographiquement du reste des Territoires
palestiniens.
1.1.2 Les colonies israéliennes qui nous dépouillent de notre
terre, au nom de Dieu ou au nom de la force, contrôlent nos
ressources naturelles, surtout l’eau et les terres agricoles,
dont elles privent des centaines de milliers de Palestiniens.
Elles sont aujourd’hui un obstacle face à toute solution
politique
1.1.3 L’humiliation à laquelle nous sommes soumis chaque jour
aux points de contrôle militaires, pour nous rendre à notre
travail, à nos écoles ou à nos hôpitaux.
1.1.4 La séparation entre les membres d’une même famille, qui
rend la vie familiale impossible pour des milliers de
Palestiniens, lorsque l’un des époux n’est pas porteur d’une
carte d’identité israélienne.
1.1.5 La liberté religieuse elle-même, à savoir la liberté
d’accès aux lieux saints, devient limitée, sous prétexte de
sécurité. Les lieux saints de Jérusalem sont inaccessibles à un
grand nombre de chrétiens et de musulmans de la Cisjordanie et
de Gaza. Les gens de Jérusalem eux-mêmes ne peuvent accéder à
leurs lieux saints certains jours de fêtes, de même que certains
de nos prêtres arabes ne peuvent entrer à Jérusalem sans
difficultés.
1.1.6 Les réfugiés font partie de notre réalité. La plupart
d’entre eux vivent encore dans les camps dans des situations
difficiles inacceptables pour les êtres humains. Eux, qui ont le
droit de retour, attendent ce retour depuis des générations.
Quel sera leur sort ?
1.1.7 Les milliers de personnes détenues dans les prisons
israéliennes font elles aussi partie de notre réalité. Les
Israéliens remuent ciel et terre pour un seul prisonnier, mais
ces milliers de prisonniers palestiniens qui croupissent dans
les prisons israéliennes, quand verront-ils la liberté ?
1.1.8 Jérusalem est le cœur de notre réalité. Elle est en
même temps symbole de paix et signe de conflit. Après que le
“mur” a créé une séparation entre les quartiers palestiniens de
la ville, les autorités israéliennes ne cessent de la vider de
ses habitants palestiniens, chrétiens et musulmans. On leur
confisque leur carte d’identité, c’est-à-dire leur droit de
résider à Jérusalem. Leurs maisons sont démolies ou confisquées.
Jérusalem, ville de la réconciliation, est devenue la ville de
la discrimination et de l’exclusion, et donc source de conflit
au lieu d’être source de paix.
1.2 Par ailleurs, Israël tourne en dérision le droit
international et les résolutions internationales, avec
l’impuissance du monde arabe comme de la communauté
internationale face à ce mépris. Les droits de l’homme sont
violés. Malgré les multiples rapports des organisations locales
et internationales des droits de la personne, l’oppression
continue.
1.2.1 Les Palestiniens de l’Etat d’Israël, tout en étant des
citoyens ayant tous les droits et les devoirs que leur confère
la citoyenneté, ont eux aussi subi une injustice historique et
ne cessent de souffrir de politiques discriminatoires. Eux aussi
attendent d’obtenir tous leurs droits et d’être traités à
égalité avec tous les citoyens de l’Etat.
1.3 L’émigration est une autre dimension de notre réalité.
L’absence de toute vision ou espoir de paix et de liberté a
poussé les jeunes, chrétiens et musulmans, à émigrer. Le pays se
voit ainsi privé de sa ressource la plus importante et la plus
riche : une jeunesse instruite. La diminution du nombre de
chrétiens, en particulier en Palestine, est une des graves
conséquences de ce conflit, de l’impuissance et de l’échec aux
niveaux local et international à trouver une solution globale au
problème.
1.4 Face à cette réalité les Israéliens prétendent justifier
leurs actes comme actes de légitime défense. C’est pourquoi
l’occupation continue, de même que les punitions collectives et
les représailles de toutes sortes contre les Palestiniens. C’est
là, à notre avis, une vision renversée des choses. Oui, il y a
une résistance palestinienne à l’occupation. Mais, précisément,
s’il n’y avait pas d’occupation, il n’y aurait pas de
résistance ; il n’y aurait eu non plus ni peur ni insécurité.
Voilà ce que nous constatons, et nous appelons les Israéliens à
mettre fin à l’occupation. Ils verront alors un nouveau monde,
dans lequel il n’y a ni peur ni menaces, mais sécurité, justice
et paix.
1.5 La riposte palestinienne face à cette réalité a revêtu de
nombreuses formes. Certains ont choisi la voie des
négociations : c’est là la position officielle de l’Autorité
palestinienne. Mais cela n’a pas fait avancer le processus de
paix. D’autres partis politiques ont eu recours à la résistance
armée. Israël s’en est servi comme prétexte pour accuser les
Palestiniens d’être des terroristes, ce qui lui a permis
d’altérer la véritable nature du conflit, le présentant comme
une guerre israélienne contre le terrorisme et non comme une
résistance palestinienne légitime à l’occupation israélienne.
1.5.1 Le conflit interne entre les Palestiniens, ainsi que la
séparation de Gaza du reste des territoires palestiniens n’ont
fait qu’aggraver la tragédie. Il convient aussi de noter que
bien que la division ait affecté les Palestiniens eux-mêmes, la
responsabilité pèse pour beaucoup sur la communauté
internationale, car elle a refusé d’accueillir positivement la
volonté du peuple palestinien telle qu’elle a été exprimée avec
les résultats des élections menées démocratiquement et
légalement en 2006.
Encore une fois, nous proclamons que notre parole chrétienne,
au milieu de toute notre tragédie, est une parole de foi,
d’espérance et d’amour.
2. Une parole de foi
Nous croyons en Dieu, un Dieu bon et
juste
2.1 Nous croyons en Dieu, un et unique, créateur de l’univers
et de l’humanité, un Dieu bon, juste et aimant toutes ses
créatures. Nous croyons que toute personne humaine est créée par
Dieu à son image et à sa ressemblance. La dignité de l’être
humain provient de celle de Dieu et elle est égale en toute
personne humaine. Cela veut dire pour nous, ici et maintenant
sur cette terre en particulier, que Dieu nous a créés non pour
que nous nous disputions et nous affrontions, mais afin que nous
nous connaissions et nous aimions les uns les autres, et pour
édifier ensemble cette terre, par notre amour et notre respect
mutuel.
2.1.1 Nous croyons en son Verbe éternel, son Fils unique
notre Seigneur Jésus Christ, qu’il a envoyé comme Sauveur du
monde.
2.1.2 Nous croyons en l’Esprit Saint qui accompagne l’Eglise
et l’humanité dans leur cheminement. C’est lui qui nous aide à
comprendre les Ecritures, dans les deux Testaments, formant une
seule unité, ici et maintenant. C’est lui qui nous révèle la
manifestation de Dieu à l’humanité, dans le passé, le présent et
l’avenir.
Comment comprendre la Parole de Dieu ?
2.2 Nous croyons que Dieu a parlé à l’humanité, ici, dans
notre pays : “Après avoir, à maintes reprises et sous maintes
formes, parlé jadis aux Pères par les Prophètes, Dieu, en ces
jours qui sont les derniers, nous a parlé par le Fils qu’il a
établi héritier de toutes choses, par qui aussi il a fait les
siècles” (Hb 1, 1-2).
2.2.1 Nous, Palestiniens chrétiens, comme tout chrétien dans
le monde, nous croyons que Jésus Christ est venu accomplir la
Loi et les Prophètes. Il est l’alpha et l’oméga, le début et la
fin. Illuminés par lui et guidés par le Saint Esprit, nous
lisons les Ecritures, nous les méditons et nous les
interprétons, comme le fit Jésus aux deux disciples d’Emmaüs :
“Et, commençant par Moïse et parcourant tous les Prophètes, il
leur interpréta, dans toutes les Ecritures, ce qui le
concernait” (Lc 24,27).
2.2.2 Le Christ est venu proclamer que le Royaume de Dieu est
proche. Il a provoqué une révolution dans la vie et la foi de
l’humanité. Il nous a porté un “enseignement nouveau” (Mc 1,27)
et une lumière nouvelle pour comprendre l’Ancien Testament et
les principaux sujets qui y sont mentionnés et qui ont rapport
avec notre foi chrétienne et notre vie quotidienne, tels les
promesses, l’élection, le peuple de Dieu et la terre. Nous
croyons que la Parole de Dieu est une parole vivante qui jette
une lumière nouvelle sur chacune des périodes de l’histoire.
Elle manifeste aux croyants ce que Dieu dit ici et aujourd’hui.
C’est pourquoi il n’est pas permis de transformer la Parole de
Dieu en lettres mortes qui défigurent l’amour et la Providence
de Dieu dans la vie des peuples et des personnes. C’est là le
défaut des interprétations bibliques fondamentalistes, qui nous
portent la mort et la destruction lorsqu’elles figent la Parole
de Dieu et la transmettent, comme parole morte, de génération en
génération. Cette parole morte est utilisée comme une arme dans
notre histoire présente, afin de nous priver de notre droit sur
notre propre terre.
La vocation universelle de notre terre
2.3. Nous croyons que notre terre a une vocation universelle.
Dans cette vision d’universalité, le concept des promesses, de
la terre, de l’élection et du peuple de Dieu s’ouvrent pour
embrasser toute l’humanité, à commencer par tous les peuples de
cette terre. A la lumière des Ecritures Saintes nous voyons que
la promesse de la terre n’a jamais été à la base d’un programme
politique. Elle est plutôt une introduction au salut universel,
et donc le début de la proclamation du Royaume de Dieu sur
terre.
2.3.1 Dieu a envoyé à cette terre les patriarches, les
prophètes et les apôtres porteurs d’un message universel.
Aujourd’hui nous y constituons trois religions, le judaïsme, le
christianisme et l’islam. Notre terre est terre de Dieu, comme
l’est tout pays dans le monde. Elle est sainte par sa présence
en elle, car lui seul est le Très Saint et le sanctificateur. Il
est de notre devoir, nous qui l’habitons, de respecter la
volonté de Dieu sur elle et de la libérer du mal de l’injustice
et de la guerre qui est en elle. Terre de Dieu, elle doit être
terre de réconciliation, de paix et d’amour. Et cela est
possible. Si Dieu nous a mis, deux peuples, dans cette terre, il
nous donne aussi la capacité, si nous le voulons, d’y vivre
ensemble, d’y établir la justice et la paix et d’en faire
vraiment une terre de Dieu : “Au Seigneur le monde et sa
richesse, la terre et tous ses habitants” (Ps 24,1).
2.3.2 Notre présence, en tant que Palestiniens - chrétiens ou
musulmans - sur cette terre n’est pas un accident. Elle a des
racines profondes liées à l’histoire et à la géographie de cette
terre, comme c’est le cas de tout peuple aujourd’hui qui vit sur
sa terre. Une injustice a été commise à notre égard, lorsqu’on
nous a déracinés. L’Occident a voulu réparer l’injustice qu’il
avait commise à l’égard des juifs dans les pays d’Europe, et il
l’a fait à nos dépens et sur notre terre. Il a ainsi réparé une
injustice en en créant une autre.
2.3.3 De plus, nous voyons certains théologiens occidentaux
vouloir donner eux aussi une légitimité théologique et
scripturaire à l’injustice commise à notre égard. Selon leurs
interprétations, les promesses sont devenues une “menace pour
notre existence”, et la “bonne nouvelle” même de l’Evangile est
devenue pour nous une “une annonce de mort”. Nous invitons ces
théologiens à approfondir leur réflexion sur la Parole de Dieu
et à rectifier leurs interprétations, de sorte à voir dans la
Parole de Dieu une source de vie pour tous les peuples.
2.3.4 Notre lien avec cette terre est un un droit naturel. Ce
n’est pas seulement une question d’idéologie ou de théorie
théologique. Pour nous, c’est une question de vie ou de mort.
Certains ne sont pas d’accord avec nous, et nous traitent même
en ennemis pour la seule raison que nous voulons vivre libres
sur notre terre. Parce que Palestiniens, nous souffrons à cause
de l’occupation de notre terre, et parce que chrétiens, nous
souffrons des fausses interprétations de certains théologiens.
Face à cela, notre rôle consiste à rester fidèles à la Parole de
Dieu, source de vie, non de mort, et à conserver la “bonne
nouvelle” comme elle est, “bonne” pour nous et pour tous les
hommes. Face à ceux qui menacent notre existence comme
Palestiniens, musulmans et chrétiens, par les Ecritures Saintes,
nous renouvelons notre foi en Dieu, car nous savons que la
Parole de Dieu ne peut pas être pour nous une source de mort.
2.4 Nous déclarons donc que le recours à l’Ecriture Sainte
pour justifier ou soutenir des choix ou des positions politiques
se fondant sur l’injustice, imposés par un homme à son prochain
ou par un peuple à un autre, transforme la religion en idéologie
humaine et prive la Parole de Dieu de sa sainteté, de son
universalité et de sa vérité.
2.5 Nous déclarons également que l’occupation israélienne des
Territoires palestiniens est un péché contre Dieu et contre la
personne humaine, car elle prive les Palestiniens des droits
humains fondamentaux que Dieu leur a accordés, et défigure
l’image de Dieu dans les Israéliens - devenus occupants - comme
dans les Palestiniens, soumis à l’occupation. Toute théologie
qui prétend justifier l’occupation en se basant sur les
Ecritures, la foi ou l’histoire est bien loin des enseignements
chrétiens, car elle appelle à la violence et à la guerre sainte
au nom de Dieu, le soumettant à des intérêts humains du “moment
présent” et déformant son image dans les êtres humains qui
subissent une injustice politique et théologique.
3. L’espérance
3.1 Bien qu’il n’y ait apparemment
aucune lueur d’espoir, notre espérance reste ferme. La situation
présente, en effet, n’annonce aucune solution proche, ni la fin
de l’occupation qui nous est imposée. Les initiatives sont
certes nombreuses, de même que les congrès, les visites et les
pourparlers, mais tout cela n’est suivi d’aucun changement dans
notre réalité et nos souffrances. Même la nouvelle position des
Etats-Unis, annoncée par le président Obama, et sa volonté
manifeste de mettre fin à ce drame, a été incapable d’y apporter
un quelconque changement. La réponse israélienne, refusant
catégoriquement toute solution, ne laisse aucune place à
l’espoir. Malgré cela, notre espérance reste ferme, car nous la
tenons de Dieu. Il est bon, tout-puissant et aimant. Sa bonté
finira par vaincre un jour le mal dans lequel nous vivons. Saint
Paul nous dit : “Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ?
Qui nous séparera de l’amour du Christ ? La tribulation,
l’angoisse, la persécution, la nudité, les périls, le glaive ?
Selon le mot de l’Ecriture : A cause de toi, l’on nous met à
mort tout le long du jour.... aucune créature ne pourra nous
séparer de l’amour de Dieu” (Rm 8,31.35.36.39).
Que veut dire espérer ?
3.2 L’espérance qui est en nous signifie en tout premier lieu
croire en Dieu et, deuxièmement, aspirer malgré tout à un avenir
meilleur. Enfin, elle signifie ne pas fonder notre espoir sur
des illusions, car nous savons que la solution n’est pas proche.
Espérer veut dire être capable de voir Dieu au milieu de
l’épreuve et d’agir avec son Esprit en nous. A partir de cette
vision nous puisons la force pour persévérer, survivre et nous
efforcer de changer notre réalité. Espérer veut dire ne pas se
résigner devant le mal, mais dire non à l’oppression et à
l’humiliation, et continuer à résister au mal. Nous ne voyons
que destruction dans le présent et dans l’avenir ; nous voyons
la tyrannie du plus fort et sa volonté d’imposer davantage de
séparation raciste et de promulguer des lois qui bafouent notre
dignité et notre existence. Nous voyons aussi perplexité et
division parmi les Palestiniens. Cependant, si, aujourd’hui,
nous résistons et agissons de toutes nos forces, peut-être que
la ruine qui se dessine à l’horizon n’aura pas lieu.
Signes d’espérance
3.3 L’Eglise - ses chefs et ses fidèles - sur cette terre,
montre de nombreux signes d’espérance, malgré sa faiblesse et
ses divisions. Nos communautés paroissiales sont vivantes. Les
jeunes y sont des messagers actifs pour la justice et la paix.
Outre l’engagement des personnes, les institutions diverses des
Eglises font de la présence chrétienne une présence active, de
service, de prière et d’amour.
3.3.1 Parmi les signes d’espérance, il y a les nombreux
centres locaux de théologie, qui ont un caractère social et
religieux, dans toutes nos Eglises. Le caractère œcuménique,
malgré certaines hésitations, se manifeste de plus en plus dans
les rencontres entre les différentes familles d’Eglises.
3.3.2 Les nombreux dialogues interreligieux sont aussi autant
de signes d’espérance, notamment le dialogue islamo-chrétien, au
niveau des responsables comme au niveau d’une partie du peuple.
Toutefois, il faut savoir que le dialogue est une longue marche
et un effort qui se perfectionne jour après jour, en vivant les
mêmes épreuves et les mêmes attentes. Le dialogue existe aussi
entre les trois religions - judaïsme, christianisme et islam -
et nombre d’autres dialogues ont lieu aux niveaux académique ou
social. Tous ces dialogues s’efforcent d’abattre les murs
qu’impose l’occupation et de s’opposer à la déformation de
l’image de l’autre dans le cœur de ses frères et sœurs.
3.3.3 Parmi les signes les plus importants d’espérance, il
faut mentionner la constance des générations qui croient à la
justice de leur cause ainsi que la persévérance de la mémoire,
qui n’oublie pas la catastrophe, “la nakba” et sa signification.
La même prise de conscience est à l’œuvre dans de nombreuses
Eglises à travers le monde, qui désirent mieux connaître la
vérité sur ce qui se passe ici.
3.3.4 De plus, nous voyons, chez beaucoup de gens, une
détermination à dépasser les rancunes du passé. Ils sont prêts à
la réconciliation une fois la justice rétablie. Le monde prend
conscience de la nécessité de restaurer les droits politiques
des Palestiniens. Des voix juives et israéliennes plaidant pour
la paix et la justice s’élèvent à cette fin, soutenues aussi par
la communauté internationale. Il est vrai que ceux qui sont pour
la justice et la réconciliation restent impuissants à mettre fin
à l’injustice. Ils représentent cependant une force humaine qui
a son importance et pourrait abréger le temps de l’épreuve et
rapprocher celui de la réconciliation.
Mission de l’Eglise
3.4 Notre Eglise est une Eglise d’hommes et de femmes qui
prient et servent. Leur prière et leur service sont une
prophétie qui porte la voix de Dieu dans le présent et l’avenir.
Tout ce qui arrive dans notre pays et à toute personne humaine
qui l’habite, toutes les épreuves et les espérances, toute
injustice et tout effort pour l’arrêter, tout cela est une
partie de la prière de notre Eglise et du service de toutes ses
institutions. Nous remercions le Seigneur parce qu’elle élève sa
voix contre l’injustice, bien que certains voudraient qu’elle
reste dans son silence, isolée dans ses dévotions.
3.4.1 La mission de l’Eglise est une mission prophétique qui
proclame la Parole de Dieu dans le contexte local et dans les
événements quotidiens, avec audace, douceur et amour pour tous.
Et si l’Eglise prend un parti, c’est celui de l’opprimé. Elle se
tient à ses côtés, de même que Jésus s’est mis du côté du pauvre
et du pécheur qu’il a appelé à se repentir, à vivre et à
retrouver la dignité que Dieu lui a donnée et dont personne n’a
le droit de le priver.
3.4.2 La mission de l’Eglise consiste à annoncer le royaume
de Dieu, un royaume de justice, de paix et de dignité. Notre
vocation comme Eglise vivante est de témoigner de la bonté de
Dieu, et de la dignité de la personne humaine. Nous sommes
appelés à prier et à élever notre voix pour annoncer une société
nouvelle où les hommes croient en leur dignité et en celle de
leur adversaire.
3.4.3 L’Eglise annonce le Royaume de Dieu, qui ne peut être
lié à aucun régime terrestre. Jésus dit devant Pilate : “Oui, je
suis roi, mais mon royaume n’est pas de ce monde” (cf. Jn
18,36.37). Saint Paul dit : “Le règne de Dieu n’est pas affaire
de nourriture ou de boisson, il est justice, paix et joie dans
l’Esprit Saint” (Rm 14,17). C’est pourquoi la religion ne
soutient et ne défend aucun régime politique injuste. Elle
soutient et défend la justice, la vérité et la dignité humaine
et essaie de porter la purification nécessaire dans les régimes
qui pratiquent l’injustice et violent la dignité de la personne
humaine. Le royaume de Dieu ne peut être lié à aucun système
politique, car il est plus grand, plus universel que tout
système politique en particulier.
3.4.4 Jésus dit : “Le royaume de Dieu est parmi vous” (cf. Lc
17,21). Cette présence en nous et parmi nous est l’extension du
mystère de la Rédemption et c’est la présence de Dieu parmi nous
et le fait d’en prendre conscience en tout ce que nous faisons
ou disons. Devant cette présence divine, nous agissons jusqu’à
ce que soit accomplie la justice que nous attendons sur cette
terre.
3.4.5 Les dures circonstances qu’a vécues et que vit encore
notre Eglise palestinienne l’ont amenée à purifier sa foi et à
mieux connaître sa vocation. Nous avons réfléchi sur notre
vocation et nous l’avons mieux découverte au milieu de la
souffrance et de l’épreuve : aujourd’hui nous portons en nous la
force de l’amour, non pas celle de la vengeance ; la culture de
la vie, non pas celle de la mort. Ceci est source d’espoir pour
nous, pour l’Eglise et pour le monde.
3.5 La Résurrection est le fondement de notre espérance.
Jésus est ressuscité, vainqueur de la mort et du mal. Ainsi
pouvons-nous, nous aussi, et tous les habitants de cette terre,
vaincre le mal de la guerre grâce à elle. Quant à nous, nous
resterons une Eglise de témoins, persévérante et agissante sur
la terre de la Résurrection.
4. L’amour
Le commandement de l’amour
4.1 Le Christ nous a dit : “Aimez-vous les uns les autres
comme je vous ai aimés” (Jn 13,24). Il nous a déjà montré
comment aimer et comment traiter nos ennemis. Il a dit : “Vous
avez entendu qu’il a été dit : aimez vos amis et haïssez vos
ennemis. Moi, je vous dis : aimez vos ennemis, et priez pour
ceux qui vous persécutent afin de devenir fils de votre Père qui
est aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et
les bons et tomber la pluie sur les justes et injustes” (Mt
5,45-47).
Saint Paul dit : “Ne rendez pas le mal pour le mal” (Rm
12,17) et saint Pierre : "Ne rendez pas mal pour mal, insulte
pour insulte. Bénissez au contraire, car c’est à cela que vous
êtes appelés, afin d’hériter la bénédiction” (1P 3,9).
La Résistance
4.2 Les paroles de Jésus sont claires. Aimer, voilà ce qu’il
nous a donné comme commandement : aimer les amis et les ennemis.
Voilà une directive claire, lorsque nous nous trouvons dans des
circonstances dans lesquelles nous devons résister au mal, quel
qu’il soit.
4.2.1 Aimer c’est voir le visage de Dieu en tout être humain.
Toute personne est mon frère et ma sœur. Néanmoins, voir le
visage de Dieu en toute personne ne veut pas dire consentir au
mal ou à l’oppression de sa part. L’amour consiste plutôt à
corriger le mal et à arrêter l’oppression.
L’injustice imposée au peuple palestinien, c’est-à-.dire
l’occupation israélienne, est un mal auquel il faut résister.
C’est un mal et un péché auquel il faut résister et qu’il faut
écarter. Cette responsabilité incombe tout d’abord aux
Palestiniens eux-mêmes qui subissent l’occupation. L’amour
chrétien en effet appelle à la résistance à l’occupation, mais
l’amour met fin au mal, en prenant les voies de la justice. Elle
incombe ensuite à la communauté internationale, car la
légitimité internationale gouverne aujourd’hui les rapports
entre les peuples, et c’est en fin l’oppresseur lui-même qui
doit se libérer du mal qui est en lui et de l’injustice qu’il
exerce contre les autres..
4.2.2 Lorsque nous passons en revue l’histoire des peuples
nous y trouvons des guerres fréquentes. Nous y trouvons la
résistance à la guerre par la guerre, et à la violence par la
violence. Le peuple palestinien a tout simplement pris la route
de tous les peuples, surtout dans les premières phases de sa
lutte contre l’occupation israélienne. Mais il a aussi résisté
pacifiquement, notamment durant sa première intifada. Avec tout
cela, nous voyons que tous les peuples doivent s’engager dans
une nouvelle voie dans leurs rapports les uns avec les autres et
pour la solution de leurs conflits : éviter les voies de la
force militaire et recourir aux voies de la justice. Cela
s’impose en premier lieu aux peuples puissants militairement qui
exercent l’injustice à l’égard de peuples plus faibles.
4.2.3 Nous disons que notre option chrétienne face à
l’occupation israélienne est la résistance ; c’est là un droit
et un devoir des chrétiens. Or cette résistance doit suivre la
logique de l’amour. Elle doit donc être créative, c’est-à-dire
qu’il lui faut trouver les moyens humains qui parlent à
l’humanité de l’ennemi lui-même. Le fait de voir l’image de Dieu
dans le visage de l’ennemi même et de prendre des positions de
résistance à la lumière de cette vision est le moyen le plus
efficace pour arrêter l’oppression et contraindre l’oppresseur à
mettre fin à son agression et, ainsi, atteindre le but voulu :
récupérer la terre, la liberté, la dignité et l’indépendance.
4.2.4 Le Christ nous a donné un exemple à suivre. Nous devons
résister au mal, mais il nous a enseigné de ne pas résister au
mal par le mal. C’est un commandement difficile, surtout lorsque
l’ennemi s’obstine dans sa tyrannie et persiste à nier notre
droit à exister ici dans notre terre. C’est un commandement
difficile. Mais c’est le seul qui peut tenir tête aux
déclarations claires et explicites des autorités israéliennes
refusant notre existence ou à leurs divers prétextes pour
continuer à nous imposer l’occupation.
4.2.5 La résistance au mal de l’occupation s’insère donc dans
cet amour chrétien qui refuse le mal et le corrige. C’est une
résistance à l’injustice sous toutes ses formes et avec les
moyens qui rentrent dans la logique de l’amour. Nous
investissons toutes nos énergies pour faire la paix. Nous
pouvons recourir à la désobéissance civile. Nous résistons, non
par la mort, mais par le respect de la vie. Nous respectons et
vénérons tous ceux qui ont donné leur vie pour la patrie. Et
nous disons aussi que chaque citoyen doit être prêt à défendre
sa vie, sa liberté et sa terre.
4.2.6 L’appel lancé par des organisations civiles
palestiniennes, des organisations internationales, des ONG et
certaines institutions religieuses aux individus, entreprises et
Etats en faveur d’un boycott économique et commercial de tout
produit de l’occupation, s’insère dans la logique de la
résistance pacifique. Ces campagnes de soutien et de solidarité
doivent se faire avec courage, tout en proclamant sincèrement et
clairement que leur but n’est pas de se venger de qui que ce
soit, mais de mettre fin au mal qui existe, pour en libérer
l’oppresseur et l’opprimé. L’objectif est d’affranchir les deux
peuples des positions extrémistes des différents gouvernements
israéliens, afin de parvenir enfin à la justice et à la
réconciliation. Avec cet esprit et cette action, nous finirons
par arriver à la solution tant attendue, comme cela s’est
réalisé en Afrique du Sud et pour d’autres mouvements de
libération dans le monde.
4.3 Par notre amour nous dépassons les injustices pour jeter
les bases d’une nouvelle société, pour nous et pour nos
adversaires. Notre avenir et le leur ne font qu’un : ou bien un
cercle de violence dans lequel nous périssons ensemble, ou bien
une paix dont nous jouissons ensemble. Nous invitons les
Israéliens à renoncer à leur injustice à notre égard, à ne pas
déformer la vérité de l’occupation en prétendant lutter contre
le terrorisme. Les racines du “terrorisme” sont l’oppression de
la personne humaine et le mal de l’occupation. Il faut que cela
disparaisse si vraiment il y a une volonté sincère de mettre fin
au “terrorisme”. Nous invitons les Israéliens à être partenaires
de paix et non partenaires dans un cycle de violence sans fin.
Ensemble, nous résistons au mal, celui de l’occupation, et celui
du cycle infernal de la violence.
5. Appel à nos frères et sœurs dans la foi
5.1 Nous sommes aujourd’hui tous dans
l’impasse, et nous nous trouvons face à un avenir menaçant.
Notre parole à nos frères et sœurs dans la foi est une parole
d’espoir, de patience, de persévérance, et d’un effort toujours
renouvelé pour préparer un avenir meilleur. Une parole qui nous
dit à tous : nous sommes, dans cette terre, porteurs d’un
message, et nous continuerons à le porter, même entre les
épines, le sang et les difficultés quotidiennes. Nous mettons
notre espoir en Dieu. C’est lui qui nous accordera la paix à
l’heure qu’il voudra. Mais en même temps nous agissons. Avec lui
et selon sa volonté divine, nous continuons d’agir, de
construire, de résister au mal et de rapprocher l’heure de la
justice et de la paix.
5.2 Nous leur disons : C’est un temps de pénitence, qui nous
ramène à la communion de l’amour avec tout souffrant, avec les
prisonniers, les blessés, ceux qui ont été atteints d’un
handicap pour un temps ou pour toujours, avec les enfants qui ne
peuvent vivre leur enfance, avec tous ceux qui pleurent
quelqu’un qui leur est cher. La communion de l’amour dit au
croyant en esprit et en vérité : mon frère est prisonnier, je
suis donc moi prisonnier. Mon frère a sa maison démolie, c’est
ma maison qui est démolie. Mon frère a été tué, c’est moi qui ai
été tué. Nous faisons face aux mêmes défis. Nous sommes partie
prenante de tout ce qui s’est passé et se passe encore.
Peut-être que nous nous sommes tus, nous, fidèles ou chefs
d’Eglises, alors qu’il fallait élever la voix pour condamner
l’oppression et partager l’épreuve. C’est maintenant un temps de
pénitence, pour le silence, l’indifférence, le manque de
communion, ou parce que nous n’avons pas été fidèles à notre
témoignage dans cette terre alors nous avons choisi d’émigrer,
ou parce que nous n’avons pas assez réfléchi et agi pour arriver
à une vision nouvelle qui nous unit alors nous nous sommes
divisés, donnant un contre témoignage, affaiblissant ainsi notre
parole. Une pénitence, pour nous être préoccupés de nos
institutions aux dépens de notre message, et pour cela nous
avons fait taire la voix prophétique que l’Esprit donne aux
Eglises.
5.3 Nous invitons les chrétiens à résister dans ces temps
difficiles, comme nous l’avons fait à travers les siècles et la
succession des Etats et des gouvernements. Soyez patients,
constants, pleins d’espoir et remplissez de cet espoir le cœur
de tout frère et de toute sœur qui partage avec vous la même
difficulté. Soyez “toujours prêt à répondre à quiconque demande
raison de l’espérance qui est en vous” (1P 3,15). Soyez toujours
actifs, partageant tous les sacrifices que requiert la
résistance selon la logique de l’amour, afin de triompher de
l’épreuve que nous endurons.
5.4 Notre communauté est petite, mais notre mission est
grande et importante. Le pays a un grand besoin d’amour. Notre
amour est un message pour les musulmans, pour les juifs et pour
le monde.
5.4.1 Notre message aux musulmans est un message d’amour et
de convivialité et un appel à rejeter le fanatisme et
l’extrémisme. C’est aussi un message pour le monde, pour lui
dire que les musulmans ne sont pas un objet de combat ou un lieu
de terrorisme, mais un but de paix et de dialogue.
5.4.2 Notre message aux juifs leur dit : “ Si, dans le passé
récent, nous nous sommes combattus, et aujourd’hui encore nous
ne cessons de nous combattre, nous sommes cependant capables
d’amour et de vie ensemble, aujourd’hui et demain. Nous sommes
capables d’organiser notre vie politique avec toutes ses
complexités selon la logique et la force de l’amour, une fois
l’occupation terminée et la justice rétablie.”
5.4.3 La parole de foi dit à tous ceux qui sont engagés dans
l’action politique : l’homme n’est pas créé pour haïr. Il n’est
pas permis de haïr. Il ne vous est pas permis de tuer ni de vous
faire tuer. La culture de l’amour est la culture de
l’acceptation de l’autre. Par elle, la personne atteint sa
propre perfection, et la société réalise sa stabilité.
6. Appel aux Eglises du monde
6.1. Notre appel aux Eglises du monde
est d’abord l’expression de notre reconnaissance pour leur
solidarité, par leur parole, leur action et leur présence parmi
nous. C’est une parole d’appréciation pour la position de
plusieurs Eglises et chrétiens qui soutiennent le droit du
peuple palestinien à son auto-détermination. C’est aussi un
message de solidarité avec ces Eglises et ces chrétiens qui
souffrent parce qu’ils défendent le droit et la justice.
Mais c’est aussi un appel à la conversion et à la révision de
certaines positions théologiques fondamentalistes qui
soutiennent des positions politiques injustes à l’égard du
peuple palestinien. C’est un appel à prendre le parti de
l’opprimé, à faire en sorte que la Parole de Dieu reste une
annonce de bonne nouvelle pour tous, et à ne pas la transformer
en une arme qui tue l’opprimé. La Parole de Dieu est une parole
d’amour pour toutes ses créatures. Dieu n’est l’allié de
personne contre personne. Il n’est pas non plus l’adversaire
avec l’un face à l’autre. Il est le Seigneur de tous. Il aime
tous, il demande justice à tous et il donne ses mêmes
commandements à tous. C’est pourquoi nous demandons aux Eglises
de ne pas donner une couverture théologique à l’injustice dans
laquelle nous vivons, c’est-à-dire le péché de l’occupation qui
nous est imposée. La question que nous adressons aujourd’hui à
nos frères et sœurs dans toutes les Eglises est la suivante :
pouvez-vous nous aider à retrouver notre liberté ? Ainsi
seulement vous aiderez les deux peuples de cette terre à
parvenir à la justice, à la paix, à la sécurité et à l’amour.
6.2 Pour comprendre notre réalité, nous disons aux Eglises :
venez et voyez. Notre rôle consiste à vous faire connaître la
vérité et à vous accueillir comme pèlerins qui viennent pour
prier et remplir une mission de paix, d’amour et de
réconciliation. Venez connaître les faits et découvrir les gens
qui peuplent cette terre, Palestiniens et Israéliens.
6.3 Nous condamnons toute forme de racisme, religieux ou
ethnique, y compris l’antisémitisme et l’islamophobie et nous
vous invitons à condamner tout racisme et à vous y opposer
fermement de quelque façon qu’il se manifeste. Avec cela, nous
vous invitons à dire une parole de vérité et à prendre des
positions de vérité en ce qui concerne l’occupation du
Territoire palestinien par Israël. Et, comme nous l’avons déjà
dit, nous voyons dans le boycottage et le retrait des
investissements un moyen non violent pour atteindre la justice,
la paix et la sécurité pour tous
7. Appel à la communauté internationale
Nous demandons à la communauté internationale
de cesser la pratique “des deux poids deux mesures” et
d’appliquer à toutes les parties les résolutions internationales
qui ont trait à la question palestinienne. Car l’application de
la loi internationale aux uns et sa non-application aux autres
laisse la porte grande ouverte à la loi de la jungle. Cela
justifie aussi les prétentions de groupes armés et de nombreux
pays qui disent que la communauté internationale ne comprend que
le langage de la force. Nous vous invitons aussi à écouter
l’appel des organisations civiles et religieuses mentionnées
plus haut pour commencer à appliquer à l’égard d’Israël le
système des sanctions économiques et du boycott. Nous le
répétons encore une fois, il ne s’agit pas de se venger, mais de
parvenir à une action sérieuse pour une paix juste et
définitive, qui mette fin à l’occupation israélienne des
Territoires palestiniens et d’autres territoires arabes occupés,
et qui garantisse la sécurité et la paix à tous
8. Appel aux chefs religieux juifs et musulmans
Nous adressons enfin un appel aux chefs
religieux et spirituels, juifs et musulmans, avec qui nous
partageons la même vision : toute personne humaine est créée par
Dieu et tient de lui la même dignité. D’où l’obligation de
défendre l’opprimé et la dignité que Dieu lui a accordée. Ainsi,
nous nous élevons ensemble au-dessus des positions politiques
qui ont échoué jusqu’à maintenant et continuent à nous mener
dans les voies de l’échec et de l’épreuve. En effet, les voies
de l’Esprit sont différentes de celles des pouvoirs de cette
terre, car “les voies de Dieu sont toutes miséricorde et vérité”
(Ps 25/24,10).
9. Appel à notre peuple palestinien et aux Israéliens
9.1 C’est un appel à voir le visage de
Dieu en chacune de ses créatures, et à aller au-delà des
barrières de la peur ou de la race, pour établir un dialogue
constructeur, non pour persister dans des manœuvres qui n’en
finissent jamais et qui n’ont pour but que de maintenir la
situation telle qu’elle est. Notre appel vise à parvenir à une
vision commune bâtie sur l’égalité et le partage, non sur la
supériorité, ni sur la négation de l’autre ou l’agression, sous
prétexte de peur et de sécurité. Nous disons que l’amour est
possible et que la confiance mutuelle est possible. Donc, la
paix aussi est possible, tout comme la réconciliation
définitive. Ainsi la sécurité et la justice pour tous se
réaliseront-elles.
9.2 Le domaine de l’éducation est important. Il faut que les
programmes d’éducation fassent connaître l’autre tel qu’il est
et non à travers le prisme de la querelle, de l’hostilité ou du
fanatisme religieux. En fait, les programmes de l’éducation
religieuse et humaine sont aujourd’hui empreints de cette
hostilité Il est temps de commencer une éducation nouvelle qui
fait voir le visage de Dieu dans l’autre et qui dit que nous
sommes capables de nous aimer les uns les autres et de
construire ensemble notre avenir de paix et de sécurité.
9.3 Le caractère religieux de l’Etat, qu’il soit juif ou
musulman, étouffe l’Etat, le tient prisonnier dans des limites
étroites, en fait un Etat qui préfère un citoyen à l’autre et
pratique l’exclusion et la discrimination entre ses citoyens.
Notre appel aux juifs et aux musulmans religieux est le
suivant : que l’Etat soit pour tous ses citoyens, bâti sur le
respect de la religion, mais aussi sur l’égalité, la justice, la
liberté et le respect du pluralisme, non sur la domination du
nombre ou de la religion.
9.4 Aux dirigeants palestiniens, nous disons que les
divisions internes ne font que nous affaiblir et augmenter nos
souffrances, alors que rien ne les justifie. Pour le bien du
peuple, qui passe avant celui des partis, il faut y mettre fin.
Nous demandons à la communauté internationale de contribuer à
cette union et de respecter la volonté du peuple palestinien
librement exprimée.
9.5 Jérusalem est la base de notre vision et de toute notre
vie. Elle est la ville à laquelle Dieu a donné une importance
particulière dans l’histoire de l’humanité. Elle est la ville
vers laquelle tous les peuples s’acheminent et où ils se
rencontrent dans l’amitié et l’amour en présence du Dieu un et
unique, selon la vision du prophète Esaïe : “Il arrivera dans la
suite des temps que la montagne de la maison de Dieu sera
établie en tête des montagnes et s’élèvera au-dessus des
collines. Alors toutes les nations afflueront vers elle…. Il
jugera entre les nations, il sera l’arbitre de peuples nombreux.
Ils briseront leurs épées pour en faire des socs et leurs lances
pour en faire des serpes. On ne lèvera plus l’épée nation contre
nation, on n’apprendra plus à faire la guerre” (Is 2, 2-5).
C’est sur cette vision prophétique et sur la légitimité
internationale concernant l’ensemble de Jérusalem – habitée
aujourd’hui par deux peuples et trois religions - que doit se
fonder toute solution politique. C’est le premier point à
traiter dans les pourparlers, car la reconnaissance de sa
sainteté et de sa vocation sera une source d’inspiration pour la
résolution de l’ensemble du problème, qui relève de la confiance
mutuelle et de la capacité à construire une “nouvelle terre” sur
cette terre de Dieu.
10. Espérance et foi en Dieu
10. En l’absence de tout espoir, nous faisons
entendre aujourd’hui notre cri d’espérance. Nous croyons en un
Dieu bon et juste. Nous croyons que sa bonté finira par
triompher sur le mal de la haine et de la mort qui règnent
encore sur notre terre. Et nous finirons par entrevoir une
“terre nouvelle” et un “homme nouveau”, capable de s’élever par
son esprit jusqu’à l’amour de tous ses frères et sœurs qui
habitent cette terre.