Communiqué
Lettre ouverte à Anne Hidalgo :
Place de Jérusalem à Paris
Bertrand Heilbronn, président de l’AFPS
Paris, le 21 juin 2019
Madame la Maire de Paris,
Le 12 juin, le
Conseil de Paris a décidé de créer une
Place de Jérusalem.
Une belle idée pour
éclairer la population sur la situation
de cette ville martyre, fracturée,
divisée ; pour rappeler la nécessité
absolue de mettre fin à cette violation
du droit international et du droit
humanitaire et pour condamner sans
ambiguïté le fait accompli et la loi du
plus fort.
Vous auriez pu
rappeler à cette occasion que nul ne
peut conquérir un territoire par la
force et que « la création par Israël
de colonies de peuplement dans le
Territoire palestinien occupé depuis
1967, y compris Jérusalem-Est, […]
constitue une violation flagrante du
droit international […] » (résolution
2334 de l’ONU).
Il semble cependant
que la décision que vous avez prise ne
soit pas animée par ce souci de respect
du droit, du respect de l’autre, de
l’amitié et de la solidarité entre les
peuples.
Si l’on en croit
votre échange de lettres avec le
président du Consistoire [1],
Jérusalem n’aurait d’importance que
pour le judaïsme. Ce choix, vous
l’avez fait en acceptant la demande du
Consistoire que cette place soit située
« aux abords du lieu hautement
symbolique du Centre Européen du
Judaïsme ». Oubliées les deux autres
religions monothéistes qui la
considèrent comme une ville sainte. D’où
vient cette primauté d’une religion sur
les autres exprimée par la Maire de la
capitale de la France, État laïc ?
Alors qu’aucune rue
de Jérusalem n’existait plus à Paris
depuis 1883, le choix de créer une place
de Jérusalem n’était pas neutre et ne
pouvait pas faire abstraction de la
réalité politique de l’annexion illégale
de Jérusalem, notamment
Jérusalem-Est, par Israël. À aucun
moment vous ne vous référez à
l’occupation, l’annexion et la
colonisation par Israël de la partie
palestinienne de la ville depuis plus de
50 ans. Et vous semblez ignorer les
résolutions
476 et
478 du Conseil de Sécurité de l’ONU,
qui l’ont rejetée avec la plus grande
fermeté.
Et c’est en
choisissant de nier cette réalité – au
mépris de la politique de la France –
que vous pensez « rappeler les liens qui
unissent la Ville de Paris à la
communauté juive » !
En pratiquant la
confusion entre une religion (le
judaïsme représenté par le président du
Consistoire) et la notion contestable de
communauté (la « communauté juive »),
vous mettez à mal l’idéal laïc de notre
République. Et en associant cette
« communauté » à un État tiers (l’État
d’Israël) qui viole tous les jours le
droit international et les droits de
l’Homme, vous importez en France le
conflit israélo-palestinien et vous
rendez un bien mauvais service à cette
« communauté ».
Ignorez-vous que
les Palestiniens de Jérusalem n’ont pas
les mêmes droits que les colons qui
vivent illégalement en territoire
occupé ? Ignorez-vous que certains
enfants palestiniens de Jérusalem-Est ne
savent pas en rentrant de l’école s’ils
auront encore une maison ? Quand ils ont
une école !
Ignorez-vous que
chaque nuit l’armée d’occupation arrête
des jeunes Palestiniens à Jérusalem-Est
sans aucune justification ?
Ignorez-vous que
les Palestiniens de Jérusalem sont
considérés par Israël comme des
« résidents » sur leur terre natale ? Et
qu’ils peuvent se voir retirer leur
permis de résidence pour défaut
d’allégeance à l’occupant ?
Ignorez-vous qu’il
est quasiment impossible pour une
famille palestinienne d’obtenir un
permis de construire ? Et que c’est
ainsi qu’Israël justifie les
destructions de maisons ?
Ignorez-vous que
tout cela se fait en violation du
droit ?
Bien sûr, vous ne
l’ignorez pas : comment pouvez-vous
faire comme si tout cela n’existait
pas ?
Parmi les
amendements qui étaient proposés, au
moins l’un d’eux évoquait la possibilité
de revenir au Droit en ajoutant à la
dénomination « Place de Jérusalem » :
« avec le vœu qu’elle devienne la
future capitale de deux États ».
À l’opposé, vous
avez fait le choix de placer cette
décision sous le signe exclusif de
« l’amitié avec Israël » : vous
cautionnez ainsi l’annexion de Jérusalem
par Israël, comme l’a fait Donald Trump,
en contradiction avec le droit
international et la politique de la
France. Et vous cautionnez aussi les
choix actuels de cet État, qui a adopté
une loi fondamentale raciste et
suprémaciste, plaçant la colonisation au
rang des valeurs nationales.
Au-delà de la
violation du droit et de la loi du plus
fort, vous avez choisi la division
au sein de la population française, et
vous prenez la responsabilité d’un
double risque : celui d’exacerber les
rivalités religieuses, et celui de
transposer en France le conflit
israélo-palestinien. Beaucoup de
citoyens français, de Paris et
d’ailleurs, estimaient pouvoir attendre
vraiment autre chose de vous et ne sont
pas près de l’oublier.
Nous vous
demandons, Madame la Maire, de renoncer
à cette décision qui divise, qui viole
le droit international et qui va à
l’encontre de la politique de la France.
Et d’annuler l’inauguration de cette
place en présence du maire de Jérusalem,
le maire de l’annexion et de
l’oppression des Palestiniens de
Jérusalem.
Nous vous prions
d’agréer, Madame la Maire, l’expression
de notre haute considération.
Bertrand
Heilbronn
Président de l’Association France
Palestine Solidarité
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